Le fait de signer une chronique dans un magazine culturel constitue, ma foi, une toute légère imposture. Je n’en suis pas fière du tout, mais je me dois d’être transparente avec vous: je suis une très mauvaise cliente de «produits» culturels. Je consomme de la culture, je persiste à consommer de la culture, mais je suis difficile. Ce n’est pas de ma faute, j’ai quelques tares congénitales qui me handicapent sérieusement de ce côté-là. Au berceau, les fées m’ont donné quelques qualités, mais elles ont carrément oublié de me donner la moindre patience. Si bien que je trouve presque tout toujours trop long. En plus, je suis grande et j’ai, au théâtre, par exemple, toujours les genoux dans le front. Inconfortable, impatiente, je deviens intolérante – et intolérable pour les rares téméraires qui s’aventurent encore avec moi dans des salles obscures. Deux fois sur trois, je pars avant la fin du spectacle.
En plus, et je ne sais pas d’où ça me vient, je suis hyper critique. Et comme je suis hyper transparente, j’en parle de façon tout à fait imprudente. Ce qui me vaut, dans notre société culturellement consensuelle, des regards de désapprobation qui me font me sentir totalement inadéquate.
Vous avez adoré Mommy? Moi, j’ai trouvé ça criard et long. J’aime bien le personnage de Dolan, mais son œuvre… moins. Et quand j’ose le dire en public… Ouf! Le soir de la première à la Place des Arts, tout le monde était debout et applaudissait le génie. Tout le monde en larmes. Je suis restée assise. La dame à côté de moi m’a regardée avec un dégoût qui me donne encore le frisson.
Vous avez capoté sur la dernière pièce de Robert Lepage? Moi, ça m’a ennuyée. J’en ai parlé dans des cercles d’intellos que je fréquente tout de même; eux, ils ont tous adoré. On m’a pratiquement lancé des tomates quand j’ai dit que si j’avais pu m’extirper de mon siège inconfortable, je serais partie avant la fin. Vous avez tous beaucoup aimé Arcade Fire? Moi, c’est un groupe qui m’ennuie incommensurablement. Bref, je suis sans doute un peu déficiente et je ne saisis pas votre enthousiasme en beaucoup de choses, mais je suis une consommatrice insatiable et discrète de musique classique. J’y vais seule le plus souvent; écouter un concerto de Bach ou de Beethoven, les nocturnes de Chopin, des requiem, des messes. J’aime particulièrement la musique baroque. Les petits ensembles, les concerts dans les églises. Et récemment, j’ai compris pourquoi. La musique agit sur moi comme le bruit d’une rivière qui vous lave les neurones, comme la petite madeleine de Proust dont le goût évoque un passé révolu, mais toujours présent dans cette mémoire qui ne finit plus de se souvenir toujours.
La musique déclenche en moi un show de diapositives, des scènes parfois très vieilles ou assez récentes, mais l’émotion qu’elle suscite me permet de divaguer dans ma mémoire, de régler des dossiers. La fugue, la cantate ou l’opéra m’enveloppent vers l’intérieur, me permettent de télescoper le temps. Ce temps, et ce rapport de l’homme au temps qui me fascine. En cette nouvelle année toute fraîche, c’est un constat qui m’habite: on n’échappe pas au passé. On boit du champagne en pensant s’émanciper des lourdeurs d’hier et pourtant, si «tout le monde est malheureux tout le temps», c’est qu’on n’a pas encore inventé la gomme à effacer le passé qui s’englue dans nos jours.
Noël est une époque faste pour l’amatrice de concerts baroques que je suis, et pendant décembre et toutes ces périodes d’écoute, ça m’est venu, cette évidence, une lapalissade peut-être, mais tout de même. J’ai passé en revue dans ma tête toutes ces scènes où des gens que j’aime m’ont parlé de leurs peines – et Dieu sait que l’homme est doué pour souffrir. C’est dommage. La vie est si courte et le temps s’effiloche si vite, même s’il ne s’estompe pas. En écoutant le concerto no 4 de Beethoven, j’ai revu cet ami dans ma tête. La scène où ce très grand garçon qui approche de la cinquantaine s’effondre en larmes après quelques verres de vin en me demandant candidement si on peut guérir de son enfance. Peut-on guérir de son enfance? Humblement, je dirais non. Je ne crois pas. On la porte en bandoulière. Le sac peut être plus ou moins lourd.
Un autre concert et l’image de cet autre grand garçon qui ressurgit, cette confidence alors que je lui demandais pourquoi il était si prompt à réagir au propos d’untel. S’il a tant de difficulté à supporter ce collègue, c’est que le collègue en question lui rappelle son père autoritaire et colérique. Ce père est mort, mais l’anxiété a survécu, vivante, envahissante. Il déteste les gens autoritaires, il abhorre les confrontations. Il fait tout pour les éviter et ç’a guidé plein de décisions qui s’articulent au présent. Il a pourtant fait le plein de thérapie, cet ami, il comprend le mécanisme qui déclenche l’anxiété, il arrive à la contrôler, mais de là à l’effacer…
Ce que j’aime surtout, c’est qu’au bout d’un moment, quand j’ai rangé mes souvenirs par couleur, par grandeur, mon cerveau s’apaise, tout propre qu’il est, et le silence dans ma tête peut laisser un peu de place au sublime; m’élever au-dessus de mes peines, de mes joies, de mon passé et de mon présent, me permettre de m’oublier, quelques instants.
Bon. Je vous laisse. Je ne voudrais pas vous ennuyer. Ce texte est peut-être un peu long, non? Une bonne année à vous, chers lecteurs.
Madame Dubreuil, Émilie? Vous permettez?
Vous avez bien de la chance d’avoir au moins la musique classique pour vous laver les neurones des miasmes contemporains. Ça vous est naturel ou vous a-t-il fallu apprendre? Moi la musique, surtout classique, je n’y comprends à peu près rien. Une toune de temps en temps me touche, m’interpèle. Du pop, un peu trop souvent, ou un duetto d’opéra assez connu dont je ne me rappelle plus le nom (Lakmé?) qui arrive même à me tirer une ou deux larmes dont je m’empresse de renifler la fuite bien trop évidente. Je suis sans doute un grand émotif à l’enfance mal enfouie moi aussi.
Mais il y a les mots pour moi. Seulement, de nos jours, tout un chacun se targue d’avoir quelque chose à dire et s’empresse de l’écrire. Je ne dis pas ça en vous pointant, loin de là. J’ai bien aimé votre billet d’humeur. Non, je voulais parler de ce prurit de la reconnaissance médiatique qui exige que l’on soit encensé par les autres afin d’avoir le sentiment d’exister, d’avoir une raison d’être. Comme s’il fallait absolument gagner le premier prix de la compétition télévisée pour avoir le droit de se sentir apprécié… aimé.
Pourquoi faudrait-il applaudir comme tout le monde, avec tout le monde, quand ce monde ne nous ressemble pas? C’est, je crois, un besoin de sécurité atavique qui force les gens à se fondre dans la masse au détriment de leur personnalité propre. Nous sommes les descendants de petites meutes de singes grégaires et quand un danger se pointe, qu’il soit réel ou imaginé, tout le monde hurle. Puis on s’épuce pour se réconforter.
Mais pour celles et ceux qui se trouvent en bordure du clan, pour nous qui sommes attirés par des horizons différents, il ne faut pas s’oublier. Il ne faut pas perdre ce qui fait de nous des êtres uniques. Il ne faut pas se fondre dans la masse imbécile qui ne cherche que l’inertie et la sécurité.
Le prix à payer pour être constamment en quête de soi est de n’être jamais vraiment compris par les autres. Mais le tribut exigé pour être en sécurité dans le groupe est de se renier pour toujours et ça, ça je n’y arriverai jamais.
Bien à vous et bonne route,
Stéphane Pilon
Nous nous sentons souvent coupables de ne pas suivre les courants, de ne pas aimer ce que tout le monde semble aimer, mais selon moi c’est un signe de présence intellectuelle, de discernement et de refus de tomber dans le piège de la consommation culturelle à outrance. Je me qualifie souvent de plus salaud des critiques; ça me permets de ne pas me laisser endormir, même si je n’exprime pas toujours tout haut mes insatisfactions, de peur de décevoir…
Je vous comprends bien. Club restreint dont on a jamais demandé la carte mais qui est dans le fond de notre poche depuis des lustres.
J’aime.
Ah! merci encore pour votre franchise! Moi aussi, beaucoup de choses m’ennuient dans le paysage culturel. À la radio, je n’en peux plus d’entendre les musiques à «chick-a-boum», je préfère entendre de la musique baroque ou encore du Janacek ou du Kodaly. Et c’est surtout à CBC que je réussis de temps en temps à m’offrir l’écoute de compositeurs comme Ravel ou Debussy. Je me sens comme une bibitte mal adaptée! Ça me fait donc le plus grand bien de vous lire et de constater que je ne suis pas seule dans mon cas. Merci et bonne année à vous aussi!
Je suis tellement heureux de constater que je ne suis pas le seul à me faire des ennemis à cause de mon esprit critique. Moi non plus, je n’ai aimé ni Mommy ni Pourquoi j’ai tué ma mère et pour les mêmes raisons que vous; moi non plus, je ne suis pas un grand fan de Robert Lepage à qui j’accorde toutefois le bénéfice du doute en m’avouant passé date.
Je suis un pur produit des collèges classiques qui a passé une partie de son existence à essayer d’oublier ce que les bons pères lui avaient appris. C’est que je crois paradoxalement que la meilleure façon de profiter de la formation que j’ai reçue est d’en mettre une bonne partie au rancart pour n’en conserver que le moule, si je puis dire. Plus simplement, les structures. Tout le reste, les œuvres recommandées par exemple, les diktats de l’époque, les précieux conseils en matière de morale, les tu-devrais-faire-ça ou leur corollaire on-ne-doit-pas-faire-ça méritent de se retrouver à la poubelle. Cela s’appelle sortir des ornières fréquentées par la plupart. Pour cette même raison, j’aime bien explorer d’autres univers que mes contemporains tiennent pour des musts.
PARENTHÈSE EN FORME DE PETITE ANALOGIE ATHLÉTICO-INTELLECTUELLE:
J’aime faire de la raquette. Cette forme un peu étrange de promenade, pour peu qu’on sorte des pistes, permet de visiter des parties d’un sous-bois inaccessibles en toute autre saison, souvent parce qu’il s’agit de marais dans lesquels on s’enfoncerait jusqu’aux cuisses au printemps ou à l’été. Avec leur couvert de neige, ces portions de territoire deviennent fréquentables et on y découvre parfois sinon des merveilles, du moins des raretés ou des paysages nouveaux.
J’ai été aussi touché par votre évocation du 4e concerto de Beethoven qui m’émeut aux larmes chaque fois que j’en entends le second mouvement. Certes, il évoque un passé qui fut délicieusement douloureux, mais ce n’est pas uniquement le souvenir ou la nostalgie qui provoquent cette émotion. Cette musique possède la singulière qualité de s’adresser directement à l’âme sans passer par l’intermédiaire des cellules grises, pour ainsi dire. De temps en temps, cela fait un bien immense de mettre la raison pure au vestiaire et d’écouter avec les neurones du ventre dont on vient de découvrir l’existence. Merci pour votre texte Mme Dubreuil .
François Jobin, écrivain mineur.
Très chère Émilie,
Vous êtes un baume magnifique sur cette grise journée à Régisgrad.
Ces points et virgules pour vous remercier profondément, moi qui vous ai découverte dans l’irrévérencieuse » Macadam Tribu » au chalet avec feu-l’homme de ma vie.
C’est vous dire Madame comme vous faisiez nos soirées du samedi !!!
Bonne année à vous Émilie
Que 2017 vous apporte la Santé avec un très grand S. Non non, pas celle du Dr.Barette.
Celle du corps, de l’esprit et du coeur.
Andrée
Je suis probablement votre frère cosmique….c’est très bon comme texte d’introspection.
Bravo
Bonjour Emilie, je partage tout à fait cet amour de la musique classique. J’en écoute presque toute la journée à mon travail. Cette musique me calme, me permet de me concentrer et de m’élever un peu au-dessus de la mêlée quand tout devient trop agité autour de moi. Et non, je n’ai pas trouvé votre texte trop long. :) Bonne année à vous aussi.
Tellement bien dit !!! Et pour moi, tellement vrai. Sur l’enfance… en guérit-on ? « On la porte en bandoulière, le sac peut être plus ou moins lourd ». J’aurai 70 ans bientôt et je me retrouve confrontée cette semaine à cette enfance, à travers le décès d’un vieil oncle… et la lourdeur s’est installée, comme si ce décès donnait un éclairage à toute ma vie, indiquait d’où venait cette douleur qui vient, qui part… malgré des thérapies, comme vous le dites. Heureusement, maintenant je reviens sur des lectures, je respire, je marche et je parviens à alléger quelque peu le sac… Ce pourrait aussi être la musique, bref, on pige là où notre âme parvient à reprendre le dessus. Merci pour vos mots qui toujours trouvent toujours chemin auprès de moi.
Chère Émilie,
On ne se connaît pas, mais bon dieu, je n’ai jamais lu si juste description des bienfaits de la musique classique. Je suis aussi, une passionnée discrète, une mélomane en découverte permanente et avide, plus le temps et la vie passent, de ces soirées de concert, où je vais seule aussi, souvent parce que je ne saurais pas avec qui y aller, et quelques fois, parce que je sais que j’aurai le loisir de m’imprégner complètement, absolument du moment. Un moment hors du temps, hors du monde, où les pensées s’évadent jusqu’à ne laisser que les sons faire entrer les sensations. C’est un luxe incroyable d’assister à un concert. Et je me surprend chaque fois à me sentir sur une autre planète, parfaitement étrangère à l’agitation médiatique du divertissement. En porte à faux du discours actuel de la consommation de mille spectacles. La culture se dépose, en silence, au fond de nous. Presque mystérieusement. Je voudrais même ajouter, « secrètement ». Le chemin à parcourir en soi pour accéder à l’art n’est pas toujours tracé par l’évidence. C’est le mystère qui enveloppe les oeuvres qui m’ont le plus touché. L’opacité d’un tableau, d’une sonate qui invite à y revenir, pour en capter les variantes, en saisir les nuances de couleurs… . L’art, compagnon des heures de solitude. Qui, quand ce n’est pas un coup de foudre immédiat qui nous surprend et ne nous quittera plus de toute notre vie, ne cesse de nous accompagner dans une intimité à nulle autre pareille…Merci d’oser la différence de discours…la vérité et l’honnêteté de l’esprit critique. C’est une bouffée d’air frais pour moi ce soir. Une fenêtre de liberté.
Bonjour Émilie.
Pareil ici. Formation assez poussée en musique classique, piano, composition, collège en lettres et histoire de l’art.
J’ai presque arrêté de fréquenter « la culture », parce que j’y trouve très peu d’Art et de critique. Le dialogue et le débat sur l’art est devenu presqu’impossible, sauf avec quelques artistes eux-mêmes.
Mon frère dirige le théâtre de la Pire Espèce: je peux le rincer solidement sur son écriture, ses choix d’enchaînement, le rythme de ses silences sur scènes, bref sur ce qui est MUSICAL.
J’aime la forme, l’écriture, la pensée. Ce qui n’a à peu près rien à voir avec la scène culturelle. Je ne sais pas si vous voyez la différence, mais je suis sûr que oui.
Je trouve que notre espace culturel collectif est une sorte de RDS avec un accent d’Outremont; au lieu de parler du Canadien et de spéculer sur le 3ième trio, on placotte et on « plogue » une production « extraordinaire, inspirée et rafraîchissante de (insérer ici n’importe qui, de coeur de pirate à Xavier Dolan).
Donc tout ça pour dire que je suis bien moins seul grâce à votre article.
De rien.
Wow! J’aimerais mentionner à quel point j’ai apprécié ce 10 minutes de lecture.
Découvert par hazard, au retour d’une soirée arrosée à Playa del Carmen.
Le texte de Madame Dubreuil est savoureux pour les critiques ascendant chialeux que nous sommes.
Mais aussi, toutes ces réponses variées, des témoignages sincères dans un français impeccable, presque trop. Bien entendu, on ne peut pas trop bien parler français. La lecture de l’intelligence demeure une source de joie profonde. Toutefois, l’égo peut jouer des tours.
La musique a été ma vie, en tous cas, une bonne partie.
Et l’auto pettage de bretelles de cet univers culturel que j’ai bien connu, généré sans doute par l’insécurité chronique et légitime des créateurs ainsi que la solidarité de ses membres peuvent être un irritant pour certains, dont moi.
Mais le critique que je suis n’a rien à redire sur ce texte.
J’avais juss le goût de le dire. Je m’y retrouve totalement et ça fait un peu de bien.
Même plus que ça. En tous cas, assez pour offrir un verre de vino tinto à l’auteure et la faire parler un peu plus.
Le texte est un peu long et…
Ben non, c’est parfait!
Merci.
MERCI pour le texte et j approuve!
Bonne année 2017 et de merveilleuserandonnée en borine avec de la musique classique aux oreilles!! Xx
J’aime votre franc parler, votre nature honnête. En général je suis d’accord avec le contenu de vos chroniques. Merci d’exister!
Je me suis reconnu dans ce texte si bien écrit Merci Emilie
Vous avez bien raison, la musique n’est plus ce qu’elle devrait être les bonnes chansons pop de nos jours sont du plagiat et pour Arcade Fire, ils sont trop n’importe quoi, je trouve leur musique sans identité, ça pourrait être n’importe qui.
Le classique m’énerve quelquefois, trop de longueurs alors j’ai pensé au jazz mais là aussi quelque uns étirent un peu trop.
Je crois qu’il faut creuser beaucoup plus pour trouver du nouveau, du jazz latino (Irakere, Paquito D’Rivera, Chucho Valdés) ou du jazz plus international et plus originale (Trilok Gurtu, Marcin Wyrostek) de la musique qui surprend.
C’est la seule façon que j’ai trouvé d’aimer encore la musique, de la variété, de l’originalité, quelque chose de différent sinon je me rabat sur du rétro des années 50, 60 et 70 quand la planète et ses gens était encore joyeux. Bien entendu les vrais virtuoses sont de mise en tout temps les John Coltrane, Freddie Hubbard, Al DiMéola, Charlie Parker, John Mc Laughlin, Chick Corea, Ched Baker et des centaines d’autres.
Pour apprécier au maximum, je dois me référer aux meilleurs, aux virtuoses et chercher ce qu’ils ont fait de plus original , quelquefois, ils n’ont qu’une seule tune que j’aime mais c’est un plaisir pour l’ouïe, je suis peut-être difficile mais la musique est devenue superficielle, manque souvent de professionnalisme et d’originalité.
Bonne année à vous.
Merci pour ce magnifique texte sur les bienfaits apportés par l’écoute de la musique classique. Je suis porteur de cette bonne nouvelle depuis plus de 25 ans maintenant, en œuvrant pour la diffusion de la musique classique, et j’ai l’impression parfois de prêcher dans le désert.
Je vous souhaite une très belle année toute en douceur et en musique.
Gisèle Côté
Directrice générale et artistique
Aramusique
Mme Dubreuil,
Je suis, comme vous, un grand amateur de musique classique. Et comme vous, je vibre de façon particulière à la musique baroque. Et je constate, comme vous, la difficulté qu’il y a à garder un esprit critique par rapport aux consensus qui jouent dans le milieu des arts. C’est à partir de cela que je vous partage une question qui m’obsède : Qu’est-ce que les amateurs et les connaisseurs de musique classique attendent, quant à eux, pour s’ouvrir un tant soit peu à la musique ‘classique’ contemporaine? Non pas pour tout aimer ou tout adorer, mais plutôt pour s’ouvrir, si possible, aux formes nouvelles que cette musique peut prendre. Est-ce possible d’aimer cette musique? J’ai assisté cet automne à la Chapelle du Bon Pasteur à un concert de la SMCQ (Société de musique contemporaine du Québec) donné par le Quatuor de Saxologie dirigé par Louis-Philippe Bonin. Excellent! Oui, j’ai aimé! On y jouait nos compositeurs contemporains, Gilles Tremblay – que je nomme « notre Brahms à nous » –, Claude Vivier, ainsi que des compositeurs encore plus actuels, John Rea et Philippe Leroux. Et, pour une rare fois, la salle était comble – archi-comble, jusqu’au « paradis »!
Au théâtre, on peut aimer une pièce comme « Mommy » d’Olivier Choinière, on peut aimer l’exposition du musée d’Art contemporain de David Altmedj. Mais qu’en est-il de la musique? Où sont les adeptes, les amoureux de musique ‘classique’ contemporaine? L’opéra de Gilles Tremblay, « L’eau qui danse, la pomme qui chante et l’oiseau qui dit la vérité », est tout simplement magnifique. Ou encore, je pense à « Lonely Child » ou à « Zipangu » de Claude Vivier : ils sont eux aussi magnifiques.
C’est-à-dire que le problème est le suivant: dans les arts visuels contemporains ou dans la danse et le théâtre contemporains, par exemple, le public semble disposé à donner une chance au coureur : il assiste, apprécie parfois ou souvent — ou peut-être pas. Mais il a tout de même le réflexe de se rendre à de telles manifestations artistiques de pointe. Mais c’est beaucoup moins le cas pour la musique contemporaine qui pourtant possède déjà une longue histoire chez nous, avec des noms incontournables (Tremblay, Mercure, Vivier, Morel, Garant, etc.). Pourquoi cette réticence ou ce manque de curiosité que manifeste le public pour les nouvelles musiques ‘classiques’ (pour faire la distinction avec la musique rock ou autres musiques disons plus populaires). Quel est le rôle du consensus médiatique faisant que cette disparité existe? Voilà la question.
Mme Dubreuil,
Je suis, comme vous, un grand amateur de musique classique. Et comme vous, je vibre de façon particulière à la musique baroque. Et je constate, comme vous, la difficulté qu’il y a à garder un esprit critique par rapport aux consensus qui jouent dans le milieu des arts. C’est à partir de cela que je vous partage une question qui m’obsède : Qu’est-ce que les amateurs et les connaisseurs de musique classique attendent, quant à eux, pour s’ouvrir un tant soit peu à la musique ‘classique’ contemporaine? Non pas pour tout aimer ou tout adorer, mais plutôt pour s’ouvrir, si possible, aux formes nouvelles que cette musique peut prendre. Est-ce possible d’aimer cette musique? J’ai assisté cet automne à la Chapelle du Bon Pasteur à un concert de la SMCQ (Société de musique contemporaine du Québec) donné par le Quatuor de Saxologie dirigé par Louis-Philippe Bonin. Excellent! Oui, j’ai aimé! On y jouait nos compositeurs contemporains, Gilles Tremblay – que je nomme « notre Brahms à nous » –, Claude Vivier, ainsi que des compositeurs encore plus actuels, John Rea et Philippe Leroux. Et, pour une rare fois, la salle était comble – archi-comble, jusqu’au « paradis »!
Au théâtre, on peut aimer une pièce comme « Mommy » d’Olivier Choinière, on peut aimer l’exposition du musée d’Art contemporain de David Altmedj. Mais qu’en est-il de la musique? Où sont les adeptes, les amoureux de musique ‘classique’ contemporaine? L’opéra de Gilles Tremblay, « L’eau qui danse, la pomme qui chante et l’oiseau qui dit la vérité », est tout simplement magnifique. Ou encore, je pense à « Lonely Child » ou à « Zipangu » de Claude Vivier : ils sont eux aussi magnifiques.
C’est-à-dire que le problème est le suivant: dans les arts visuels contemporains ou dans la danse et le théâtre contemporains, par exemple, le public semble disposé à donner une chance au coureur : il assiste, apprécie parfois ou souvent — ou pas du tout. Il a tout de même le réflexe de se rendre à de telles manifestations artistiques de pointe. Mais c’est beaucoup moins le cas pour la musique contemporaine qui pourtant possède déjà une longue histoire chez nous, avec des noms incontournables (Tremblay, Mercure, Vivier, Morel, Garant, etc.). Pourquoi cette réticence ou ce manque de curiosité que manifeste le public pour les nouvelles musiques ‘classiques’ (pour faire la distinction avec la musique rock ou autres musiques disons plus populaires)? Quel est le rôle du consensus médiatique faisant que cette disparité existe? Voilà la question.
Mme Dubreuil,
Vos textes, vos mots et votre authenticité savoureuse sont un baume en pleine dépression Trumpienne. Beaucoup de sensibilité. Jamais de sensiblerie. Beaucoup d’intelligence. Jamais de suffisance. Beaucoup d’impressions personnelles. Jamais d’ego. Vous êtes ma ronchonneuse préférée et vos textes ne sont jamais trop longs. Plutôt comme un prélude de Chopin. Mélancoliques et vigoureux à la fois !
Mes parents, tous deux nés dans les années 1930 et issus de milieux très modestes, avaient tous deux des tempéraments bohèmes et aimaient tout ce qui était beau, de sorte que dans la maison familiale, j’ai eu le privilège d’entendre autant les airs de Vigneault que ceux de Bach, Chopin et compagnie. Aujourd’hui père d’enfants de 6 et 8 ans, je syntonise toujours la radio FM de Radio-Canada, ou même Radio-Classique, pour les initier aux airs du répertoire classique. Notre plus vielle parfois revient de l’école publique du quartier en chantonnant des rengaines pop que je ne connais pas. J’apprends alors que le Service de garde de l’école primaire organise des activités qui, sauf erreur, font exclusivement place au répertoire musical du « hit parade » américain. Je ne vais pas m’opposer à la chose puisque j’encourage mes enfants à écouter tous les genres musicaux possibles. Je me désole cependant que les activités du Service de garde se limitent à un seul genre musical ; il me semble que dans les circonstances, l’école publique (et son Service de garde) échoue dans sa tâche éducative. De plus, dans notre société québécoise multiethnique, ce serait l’occasion de permettre à tous les enfants de découvrir les musiques de la mosaïque culturelle québécoise et d’y incorporer les plus grands airs du répertoire classique.