Disons qu’avec l’actualité du moment, l’heure n’est pas vraiment aux politesses ni aux poignées de mains secrètes. Soyons bref. Je m’appelle André Péloquin et, tel que mentionné par Olivier Robillard Laveaux la semaine dernière, je le remplacerai au Voir à titre de Líder Máximo de la section Musique. De grandes godasses à remplir, en effet. Heureusement, avec les Baillargeon, Tardif, Fortier et tous les autres, je suis fichtrement bien entouré. La passation des pouvoirs s’étant faite sans heurt, je vous assure, ô lectorat du Voir, que la musique sans intérêt demeurera toujours aussi loin de nos pages. Bref, pour citer l’ami Johnny, «Second verse, same as the first», mais pas tout à fait…
Bon, déjà un mensonge!
La musique sans intérêt sera mentionnée aujourd’hui, mais en filigrane seulement, car j’aborderai C’est à nous de choisir, l’abyssale chanson de campagne du PQ, par la bande.
Comme plusieurs d’entre vous, je suis passé par une panoplie d’émotions à l’écoute de cette pièce signée Nelson Minville et interprétée par un regroupement d’artistes pop-rock québécois digne des Avengers: la surprise d’apprendre qu’on retrouve, sur la même piste, des interprètes de la trempe de Moffatt, Perreau et Arthur; l’hilarité à l’écoute de ladite ritournelle; la tristesse accompagnant la constatation que ce bide collera à la peau de ces artistes émérites pour les semaines à venir; puis l’observation que l’intérêt pour la chanson politisée semble s’essouffler au Québec. Bien sûr, vous me répondrez que Damien Robitaille et Ariane Moffatt (encore elle!) livraient dernièrement des pièces liées à la crise étudiante, mais – avouons-le – ces chansons n’ont pas eu l’impact d’un Libérez-nous des libéraux.
Danick Trottier, professeur invité à la Faculté de musique de l’Université de Montréal et directeur adjoint du Laboratoire Musique, histoire et société de l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique, constate lui aussi un certain essoufflement depuis la publication de Quelque chose se passe, une dissertation portant sur la musique québécoise engagée, dans une édition du Devoir datant de 2004. «Le dernier album réellement engagé des Cowboys fringants date de 2005. On ne peut plus vraiment qualifier Daniel Boucher d’artiste engagé», note-t-il en revenant sur les artistes évoqués dans son texte.
Trottier souligne toutefois que ce ralentissement des créations so-so-so, socialement engagées est tout à fait normal. «Il faut rappeler qu’il est question d’artistes liés à une industrie. Leur engagement n’est qu’une facette de leur art», souligne-t-il avant d’ajouter que l’effervescence autour des œuvres politisées est aussi liée à l’actualité du moment. «Les artistes sont avant tout des citoyens qui réagissent à ce qui se passe. La crise étudiante de 2005 a eu son lot de chansons [dont Libérez-nous des libéraux qui, bien que composée avant la grève, aura galvanisé les masses], tout comme celle de 2012, et il y a fort à parier que lorsque l’accalmie reviendra, la production de chansons engagées ralentira elle aussi.»
Bon, d’accord. Je m’incline. À défaut d’avoir droit à un hymne aussi poignant que celui de la précédente crise, on aura entendu et entonné plusieurs créations sympathiques (à celles de Moffatt et Robitaille, j’ajouterais cet habile montage retrouvé sur YouTube qui allie la chanson Intuition #1 d’Avec pas d’casque à des images captées lors de manifestations de casseroles).
Pour revenir à cette histoire de chanson de campagne électorale, un dernier sentiment complète la palette mentionnée plus haut: la déception. En entrevue dans Le Soleil, l’auteur de la pièce a défendu sa création en expliquant qu’«on fait un chant de ralliement qui dure 30 jours. C’est un slogan de campagne, ce n’est pas un poème de Vigneault […]. On est en 2012, pas dans les années 1970. C’est pas une chanson pour faire un hit qui va durer 1000 ans».
Moi qui croyais que l’expression «pop jetable» ne convenait qu’aux LMFAO et autres sensations fugaces…
Jour de paie
Alors que François Legault promet 100 M$ supplémentaires aux artistes, je vous ferai, au fil des éditions à venir, des suggestions culturelles pour vous faire dépenser votre paie hebdomadaire. Suis-je caquiste sans le savoir? En attendant, en voici une première…
Le mercredi 15 août, on lance une nouvelle compilation d’artistes locaux post-rap expérimental (ou «Piu Piu» pour les initiés). C’est à l’Espace Griffintown (1314, rue Olier) et ça commence à 19h.
Bonjour M. Péloquin ! Bienvenue sur les blogues de Voir !
J’ai écoutez cette chanson thème de la campagne électorale du PQ et je la trouve un ti-peu terne et ennuyante compte tenu de la vocation « meneuses de claques « qu’une chanson thématique du genre devrait avoir. Je ne considère pas non plus ce genre comme de la chanson engagée étant plutôt des artistes qui ont été « engagés « par le PQ pour faire la promotion du parti.
La chanson engagée au Québec, surtout après le dernier référendum de 95, est devenue une espèce en voie de disparition. La majorité des artistes de la génération X étant devenus des artistes qui ne pensaient qu’en fonction de LEUR carrière, LEUR popularité et LEUR compte de banque ils sont devenus par conséquent très frileux et très peu courageux dans la création de leur musique respective. Et avec l’arrivée de Star Académie la boucle du superficielle, de l’insignifiance et de la culture Dix –Trente a été bouclée de façon inquiétante.
Mais voila que la grève des étudiants est venue brasser un peuple et ses artistes qui dormaient au gaz dans la sécurité de l’indifférence crasse de la chose politique et sociale. Bien sûr nous avions eu nos Locos- Locas et nos Cowboys Fringants mais mise a part quelques artistes comme eux c’était le « désert « tous azimuts dans le paysage des artistes courageux et socialement conscient !
J’espère que les artistes qui se disent engagés le seront pour « vrai « et cela pendant un peu plus longtemps qu’une campagne électorale et au-delà de la partisannerie politique. Etre engagé socialement c’est être conscient de son entourage et d’avoir le courage de dénoncer l’inacceptable !
Bonjour M. Asselin,
Va que la pièce de M. Minville demeure une «commande», un «cri de ralliement», mais elle demeure une oeuvre musicale. Dans son entretien avec Soleil, celui-ci souligne à grands traits le caractère «jetable» de sa création et ça me désole. Prenez le «Demain nous appartient» de Stéphane Venne, qui a été utilisé par le PQ en 1976. Celle-ci fait sourire aujourd’hui (après tout, c’est de la pop typiquement «années 70»), mais celle-ci aura tout de même passé à l’histoire. Contrairement à la pièce de M. Minville qui a déjà été oubliée (merci en grande partie à la sortie de ce week-end du Dr Barrette).
Tout comme vous, je crois que la crise sociale découlant de la grève étudiante a «stimulé» une nouvelle génération d’artistes flirtant avec l’engagement politique. De plus, avec le fameux 2.0, on peut maintenant créer et distribuer des brulots sur le coup de l’émotion, pour une bouchée de pain et en moins d’une journée! Bref, les prochains moins risquent d’être intéressants de ce côté.
À titre de (nouveau) directeur de la section Musique, Monsieur Péloquin, il vous sera inévitablement obligatoire d’avoir de l’ouverture d’esprit et, hum, d’oreilles…
La musique «sans intérêt», telle que celle de la campagne péquiste, que j’avoue ne pas avoir entendue ni avoir aucune envie d’entendre, dépassera sûrement vos appréciations. Où logez-vous, côté goûts musicaux?
Un petit portrait de ce qui vous intéresse côté sonore serait un bon premier pas de votre part pour nous indiquer une certaine appréciation de vos interventions.
Rock, rap, techno, soul, traditionnel… quel est votre gite?
Bonjour M. Perrier,
Je prépare justement un billet de blogue où je m’attarderai à mes goûts (du moins, mes coups de coeur du moment). En attendant, je m’excuse d’avance de citer un grand classique de la phrase creuse, mais «j’écoute de tout» :-)