S’il fallait résumer cette campagne électorale en une seule chanson, on balaierait du revers de la main l’ode aux yeux de Léo Bureau-Blouin. En fait, il faudrait remonter jusqu’en 1992, glorieuse année où Claude Barzotti se faisait aller les bouclettes sur Mais où est la musique?. Vingt ans plus tard, la question se pose toujours. Mais où est la place de la culture dans ce énième marathon de promesses?
Après avoir soustrait les «nananes» culturels liés à la langue, on réalise que bien peu de sous seront investis dans les arts au cours des prochains mois. Selon les données cumulées par la CADEUL, le PQ prévoit «reprendre les pouvoirs du fédéral en matière de culture» en plus d’«assurer un contenu québécois et francophone dans les médias». QS, de son côté, veut «augmenter de façon substantielle le financement de projets artistiques» alors qu’ON s’offre pour «consolider l’offre de contenu culturel québécois avec un financement public adéquat».
Seuls – et mes doigts se tordent à l’idée de l’écrire – le PLQ et la CAQ se mouillent en allongeant des chiffres. Ainsi, du côté de Legault, on prévoit une enveloppe de 100 M$ «pour promouvoir les arts et la culture auprès des jeunes et faire rayonner les créateurs du Québec à l’étranger». Charest et sa bande, de leur côté, offrent la totale en voulant ajouter 60 M$ au Fonds du patrimoine culturel québécois en plus d’injecter 11 M$ sur trois ans dans les musées, de mettre en œuvre une stratégie numérique de la culture (mieux vaut tard que jamais, j’imagine), d’instaurer un crédit d’impôt pour la production d’événements présentés à l’extérieur du Québec et d’élargir la bonification pour certaines productions cinématographiques de langue française.
De quoi faire rêver les créateurs, certes, mais si j’en crois mon entretien avec Guillaume Beauregard, chanteur et guitariste de Vulgaires Machins, l’enjeu culturel se perd dans un marasme d’allusions au Costco et de comparaisons boiteuses à saveur de caribous.
«Un vote de plus»
«Tu me demanderais la position de chaque parti et je ne pourrais même pas te répondre! Je n’étais pas au rendez-vous, j’pense!» lance d’emblée Beauregard, ajoutant que la culture s’est glissée dans la campagne tardivement.
Culture ou pas, l’actuelle opération séduction laisse le chanteur de Vulgaires Machins «pantoite». «J’ai toujours l’impression que c’est la saison de la carotte. J’en suis désabusé. On tourne en rond. Le monde veut du changement, il veut voter un peu plus à gauche, il veut voter pour le PQ, mais ça demeure un parti de centre qui est un peu mou. Il est progressiste-entre-guillemets, mais, en même temps, c’est déjà un bon move de sortir Charest!» explique-t-il.
C’est pourquoi le parolier derrière le classique Un vote de moins (qui vote depuis belle lurette, en fait, et qui va même jusqu’à confier que certains membres du groupe regrettent maintenant cette pièce) appuiera Françoise David le 4 septembre prochain. «C’était clair avant même que le printemps érable commence. C’est quelqu’un en qui j’ai confiance», fait-il valoir.
De mon côté, mon vote ira au candidat péquiste de Gouin, Nicolas Girard. Au-delà de mon désir de «sortir Charest» (les récentes arrestations à l’Université de Montréal en rajoutant une nouvelle couche), le type se démène (le départ de Tomassi, t’sais) et – tiens, tiens – a encouragé l’art dans mon quartier en aidant le Cinéma Beaubien à se munir de nouvelles salles.
Désolé, Guillaume!
Jour de paie
Cette semaine, les suggestions sont liées à l’intervenant de la chronique. Thématique!
Pouzza Pelouza et Show rouge
Pour ceux qui voudraient poursuivre le débat avec Beauregard, son groupe participera à la première édition du Pouzza Pelouza, une dernière foire punk-rock extérieure avant la fin de l’été qui est organisée par la bande derrière le Pouzza Fest. «On y participe en grande partie parce qu’on y joue avec des groupes qu’on aime beaucoup», explique-t-il en faisant référence, notamment, aux Hunters et à Anti-Flag. Le 1er septembre sur le site de la Chasse-Galerie à Lavaltrie. Aussi à noter: une prestation de VM au La Tulipe le 4 septembre prochain dans le cadre du Show rouge, le cabaret qui scande «Fête pas les élections dans ton salon».
Cours ou crève de Brutal Chérie
En attendant le prochain disque de Vulgaires Machins – le collectif s’accorde une petite pause avant de plancher sur un nouvel opus – , on pourra bientôt se procurer Cours ou crève, le premier compact du groupe punk-rock francophone Brutal Chérie, auquel Beauregard collabore en tant que réalisateur, titre qu’il partage avec l’ex-Sainte Catherines Marc-André Beaudet, d’ailleurs. Lancement le 8 septembre aux Katakombes. Dans les bacs dès le 11.
Hé bo-boy!
Au moment de mettre sous presse, c’était les seules données trouvées. Comme le hasard fait bien les choses, l’UDA nous communiquait de nouvelles données quelques heures plus tard. Bien que ça ne change pas le fond du disque (la culture n’a pas été un enjeu déterminant de la campagne), voici quand même les chiffres reçus en glorieux copié-collé…
« Mercredi le 29 août 2012
L’Union des artistes a demandé aux cinq principaux partis politiques de définir leurs engagements en culture. Les questions posées portaient principalement sur le financement du Conseil des arts et lettres du Québec (CALQ) et de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), les investissements dans l’aide aux tournées des spectacles créés au Québec et le financement des programmes de formation continue pour les artistes.
Voici un résumé de leurs principaux engagements :
Parti Québécois (PQ)
Engagement global dans les arts et la culture :
88 millions $ annuellement ou 352 millions $ sur 4 ans
Engagements détaillés :
instaurera un programme de résidences d’artistes dans les écoles primaires et secondaires (30 millions $);
augmentera le financement du CALQ de 13 millions $ et de la SODEC de 8 millions $;
appuiera les écoles afin d’augmenter la fréquentation des activités culturelles par les élèves (15 millions $);
augmentera le budget des tournées internationales des artistes québécois de 5 millions $;
aidera la mise en place une stratégie numérique dans les grandes institutions;
donnera les moyens à Télé-Québec de mettre en place une mission d’information régionale et nationale (10 millions $);
offrira un crédit d’impôt remboursable de 500 $ aux familles qui inscrivent leurs enfants à l’enseignement ou l’apprentissage des arts;
renforcera l’enseignement et de l’histoire à tous les niveaux scolaires (7 millions $);
réclamera l’ensemble des pouvoirs et des budgets en matière de culture et de communications actuellement contrôlés par le gouvernement fédéral;
augmentera la présentation d’œuvres et de productions dans toutes les régions du Québec.
Québec solidaire (QS)
Engagement global dans les arts et la culture :
60 millions $ annuellement ou 240 millions $ sur 4 ans
Engagements détaillés :
investira 60 millions $ au CALQ et à la SODEC;
soutiendra le travail des artistes québécois à l’international;
assurera l’accès à au moins quatre manifestations culturelles professionnelles pour les élèves du primaire et du secondaire;
soutiendra les pratiques artistiques alternatives et émergentes, notamment dans l’univers numérique;
favorisera la politique du livre à prix unique;
appuiera financièrement le développement des pratiques artistiques en amateur et la réalisation de projets artistiques professionnels dans toutes les régions.
Coalition avenir Québec (CAQ)
Engagement global dans les arts et la culture :
100 millions $ sur 4 ans
Engagements détaillés :
ajoutera 50 millions $ afin de soutenir les productions québécoises à l’international;
investira 50 millions $ pour encourager les sorties culturelles dans le milieu scolaire;
développera une programmation culturelle québécoise dans chaque délégation du gouvernement à l’étranger;
assurera la pérennité financière et artistique des grands événements culturels québécois et en fera la promotion à l’échelle internationale.
Parti libéral du Québec (PLQ)
Engagement global dans les arts et la culture :
78 millions $ sur 4 ans
Engagements détaillés :
investira 50 millions $ pour bonifier l’offre culturelle dans toutes les régions;
bonifiera de 6 millions $ l’enveloppe financière destinée aux diffuseurs pluridisciplinaires pour promouvoir la présentation de spectacles québécois;
augmentera l’offre d’émissions jeunesse à la télévision et sur le Web (15 millions $);
créera un programme d’aide de 7 millions $ aux distributeurs de films québécois;
augmentera la diffusion jeune public dans les salles de spectacle;
étendra l’aide à la production aux nouvelles technologies et à d’autres plateformes que la production télévisuelle;
mettra sur pieds un réseau média Web qui sera géré par Télé-Québec.
Option nationale (ON)
Engagement global dans les arts et la culture :
Montant des engagements non chiffré
Engagements détaillés :
aidera la production et la diffusion d’événements ainsi que l’exportation de produits culturels québécois;
assurera la pérennité des institutions culturelles québécoises en consolidant leur financement public;
débloquera des budgets supplémentaires afin d’initier davantage les élèves du primaire et du secondaire à la scène culturelle québécoise;
développera l’offre culturelle québécoise par l’acquisition d’œuvres. »
Mon petit monsieur, vous ne vous êtes pas suffisamment renseigné concernant les chiffres: voir le cadre financier de Québec solidaire. Du sérieux, du solide et, même si osé réalisable. En passant, c’est sur le site, même pour vous.
Concernant Nicolas Girard, comme ancien prof d’histoire, je me souviens de l’enquête sur les comptes publics où un jeune politicien s’était DÉMENÉ comme lui pour faire tomber les libéraux de l’époque. Il avait réussi et s’appelait Maurice Duplessis.
Bonjour M. Lépine,
En ce qui concerne votre commentaire sur QS, la version finale de la plateforme électorale qu’on retrouve sur le site web de QS n’avance aucun chiffre en ce qui concerne la culture (c’est à la page 7; on y retrouve de belles idées, par contre… comme je le soulignais déjà dans ma chronique, d’ailleurs). Si on consulte le cadre budgétaire, on retrouve la mention de 60 M$ déjà notée dans le commentaire suivant ma chronique (celui qui est au-dessus du vôtre)… et c’est tout (à moins que la version web du cadre retrouvée sur le site ne soit pas complète, ce qui serait dommage). Pourriez-vous être plus précis dans vos indications
De toute façon, comme je l’ai mentionné dans le commentaire suivant la chronique, l’UDA a toutefois eu accès à des données plus précises. C’est ce que j’ai copié collé à la suite de mon billet. De toute façon, au risque de me répéter, les données ne changent rien au fond du sujet : la culture n’est (malheureusement) pas un enjeu de la présente campagne.
En ce qui concerne votre lien entre Girard et Duplessis : merci, j’ai rigolé un bon coup!
Allez, à la prochaine chicane, monsieur Lépine! :-D
André « petit monsieur » Péloquin