Solo de clavier

La valeur d’un prix

J’aimerais vraiment entamer cette chronique en témoignant que la tension était à son comble mardi dernier alors qu’on dévoilait enfin les finalistes de la septième édition du GAMIQ, le pendant alternatif – et moins barbant – du Gala de l’ADISQ. Ainsi, pas de bagarre dans une ruelle entre les membres de Canailles et le crew de Loud Lary Ajust, tous deux en lice pour le prix «Révélation de l’année», ni de deux contre un opposant les Sœurs Boulay à Simon Kingsbury, qu’on retrouve dans la catégorie «Nouvel artiste au plus grand potentiel». En fait, le seul endroit où on jouait des coudes pendant l’événement, c’était au bar. «Dès la cinquième édition, on a réalisé que la scène locale se portait tellement bien qu’elle faisait maintenant parler d’elle ailleurs et se retrouvait aux Junos et au Gala de l’ADISQ. L’atmosphère est donc moins tendue au GAMIQ. Peu importe qui gagne, tous les mélomanes et musiciens s’encouragent», note Sébastien Charest, directeur du scrutin.

Il faut dire que l’équipe derrière l’événement a trimé dur afin de dynamiser l’événement. Parmi les mesures prises, notons la récente refonte du fonctionnement du gala qui limite les recoupements d’artistes surfant toujours sur la ligne entre l’alternatif et le populaire, entre l’émergence et la participation à Belle et Bum. Pour citer le site du GAMIQ: «(…) ont été exclus les artistes dont l’une de leurs chansons a atteint le Top 50 BDS Francophone ou Anglophone et/ou qui ont déjà récolté une nomination au Gala de l’ADISQ dans la catégorie ”Interprète féminine de l’année”, ”Interprète masculin de l’année” ou ”Groupe de l’année” ou s’ils ont déjà remporté le Félix de la catégorie ”Révélation de l’année”.» Charest commente: «La nouvelle réglementation fait en sorte qu’on doit écarter Marie-Pierre Arthur, par exemple, mais comme celle-ci cartonne à l’ADISQ, elle ne tombe pas dans les craques du plancher. À ce jour, les commentaires des artistes sont positifs. Ils sont aussi ravis de constater que le gala demeure bilingue: les artistes locaux autant francophones qu’anglophones, comme Grimes ou Half Moon Run, y rayonnent.»

Aussi croisé au dévoilement des finalistes: Stéphane Lafleur, un habitué – bien malgré lui – des galas. «On ne s’habitue jamais à ça. En fait, je n’y pense pas trop. J’en viens à les oublier, mais les nominations de l’ADISQ (annoncées avant celles du GAMIQ) me l’ont rappelé», note le chanteur d’Avec pas d’casque qu’on a notamment vu derrière un lutrin, trophée à la main, pour Continental: un film sans fusil, ainsi que dans l’assistance d’éditions précédentes de l’ADISQ et du GAMIQ. Comme si ce n’était pas assez, son quatuor s’est aussi retrouvé dans la longue liste du prix Polaris, sûrement la récompense musicale canadienne qui profite présentement du plus grand rayonnement mondial. «On n’imaginait pas s’y retrouver, alors on était très contents lorsqu’on a vu notre nom sur la longue liste. On n’a malheureusement pas passé à l’autre étape du processus et je n’aurais pas voulu qu’on nous retienne seulement pour le fait francophone, de toute façon.»

Bref, alors qu’artistes, gérants et attachés de presse trinquaient au Nacho libre, une question me trottait dans la tête. Est-ce qu’un Félix, ou encore un prix GAMIQ, a toujours une quelconque valeur sonnante et trébuchante? «Les prix, il faut les prendre quand ils passent et abdiquer quand ils te filent entre les doigts, sinon tu rentres chez toi déçu», philosophe Lafleur. «C’est effectivement de belles tapes dans le dos de nos pairs, mais certains prix ont aussi un impact réel. Bien que je n’aie pas de données pour l’appuyer, je crois quand même que le fait de s’être retrouvé dans la longue liste du prix Polaris a fait en sorte que certaines personnes du reste du Canada ou d’ailleurs se sont intéressées momentanément au groupe.»

Sébastien Charest abonde dans le même sens, mais ajoute que les fruits découlant de la participation à de tels galas dépendent, en fait, de l’implication des artistes. «Il revient aux artistes d’utiliser ces prix ou ces nominations. Ça a le même impact qu’une critique dans un journal, mais des mois plus tard, réaffirmant le fait que l’artiste a bel et bien produit une bonne œuvre. Il revient donc à lui de s’en servir pour faire avancer sa carrière.»

Rendez-vous le 11 novembre prochain au Théâtre Plaza pour la septième édition du GAMIQ, qui sera animée cette année par domlebo. Pour voter dans les catégories ouvertes au public: gamiq.net.