Ou comment une nouvelle vitrine musicale pourrait reconquérir un public élusif: les jeunes mélomanes.
L’adage veut que «la musique adoucisse les mœurs»; pourtant, les palmarès des radios commerciales du Québec me font particulièrement rager. Sur le Top 30 francophone de CKOI, les bijoux – comme La nuit dernière de Maïa Leia – se perdent dans un marasme de ritournelles d’humoristes (comme Plateau Style, où l’humoriste Francis Gilbert adapte avec une paresse surprenante le fameux Gangnam Style à la sauce bobos) et de pièces en franglais pas originales du tout (le tube particulièrement beige de Karl Wolf, DJ Gonna Save Us, vient en tête).
Je mentionne CKOI, mais on pourrait aussi parler d’autres grosses pointures comme le réseau NRJ. Bien qu’elle abuse toujours des téléréalités, MusiquePlus fait amende honorable ces jours-ci en consacrant davantage d’émissions à la relève. Cependant, le fait demeure: le temps d’antenne pour les recrues locales, alternatives ou non, sur ces chaînes grand public s’amenuise. Cet entonnoir fera donc en sorte que les oreilles des nouvelles générations de mélomanes seront de plus en plus aseptisées.
Le problème est connu, documenté et décrié, et pourtant, rien n’y fait. Malgré toute l’effervescence entourant notre terroir musical, artistes et mélomanes de la relève doivent se contenter de croûtes alors que les récentes initiatives pour percer les ondes hertziennes semblent se casser la gueule. En août 2011, par exemple, l’étiquette Indica lançait 888, une aile jeunesse… et c’est pas mal tout. À ce jour, le label junior compte deux artistes inégaux – les excellents Half Moon Run et… Kamakazi – et sa promotion 2.0 auprès des jeunes mélomanes semble être tombée au point mort (le compte Twitter n’a que deux gazouillis à son actif alors que la page Facebook ne compte que 11 adeptes et n’a pas été actualisée depuis le 24 décembre dernier).
Malgré ce constat un peu sombre, un nouvel entrepreneur, Émile Foucher, se lance dans l’arène avec French Musique, un site événementiel où, pendant une année, les adolescents sont invités à confier leurs coups de cœur francophones. Chaque jeudi, on affichera une nouvelle capsule vidéo faisant découvrir, par exemple, le groupe Chinatown ou encore la musique de Fanny Bloom à un auditoire adolescent qui, on l’espère, propagera la Bonne Nouvelle sur les réseaux sociaux et ainsi de suite. Bien que l’idée ne soit pas révolutionnaire, Foucher possède un avantage de taille que les autres entreprises du genre n’ont pas: il a 16 ans.
Bien que sa voix et son allure trahissent son jeune âge, Foucher surprend par sa maturité lorsqu’il aborde sa vision des réseaux sociaux: «Il faut savoir rejoindre les jeunes là où ils sont, mais ce n’est pas suffisant. L’esthétique de la plateforme doit, elle aussi, leur correspondre», affirmera-t-il notamment avec l’aplomb d’un expert dans le domaine qui aurait le double de son âge.
Tout d’abord un site réalisé dans le cadre d’un projet scolaire, French Musique se veut aussi un cri du cœur, selon son créateur. «Il n’y a pas beaucoup de jeunes de mon âge dans les concerts de musique francophone. Lorsque ces artistes ont accès à des vitrines, celles-ci ne s’adressent pas à nous. C’est plate, mais peu de jeunes de mon âge vont écouter Bande à part le vendredi soir», tranche-t-il. «D’où le nom du site, pour faire réagir, mais aussi pour lancer un signal d’alarme.»
Une sirène qui, accompagnée de la démarche du réseau Scène 1425, par exemple, pourrait bien sonner un renouveau pour une énième génération de junkies de culture. Pour participer au projet, rendez-vous sur frenchmusique.com.
Jour de paie
Mon coup de cœur perso des 16es Francouvertes, Sarah Toussaint-Léveillé, lance finalement La mal lunée, un premier album indie pop, au Robin des Bois ce mardi 9 octobre. Sans trop vous parler du disque – je le critiquerai dans la prochaine édition du Voir – , soulignons tout de même sa prestance sur scène qui devrait plaire autant aux fans de Random Recipe qu’aux inconditionnels de Camille. Pour un avant-goût: myspace.com/cupofmusic.
Pour ceux qui voudraient se déhancher davantage, le projet électro-rétro-futuriste Beat Market lance son disque Red Magic le même soir au Divan orange. Les bizarroïdes qui aiment autant Daft Punk que les trames sonores de films de série Z des années 80 devraient tendre l’oreille. Pour plus de détails: facebook.com/beatmarketmusic.