Solo de clavier

Musique de salon: deux musiciens locaux abordent le jeu vidéo

Sûrement l’exportation la plus resplendissante de Montréal – tout juste devant sa fameuse scène musicale – , l’industrie locale du jeu vidéo se porte à merveille. Alors qu’Eidos Montréal a captivé la planète en 2011 avec le thriller Deus Ex: Human Revolution, le studio local d’Ubisoft reprendra sans doute le flambeau cette année avec le troisième volet d’Assassin’s Creed. Dimanche dernier, le ministre Jean-François Lisée annonçait au Journal de Montréal que son gouvernement prévoyait multiplier les mesures afin de s’assurer que la ville demeure aussi performante dans ce domaine. Mieux encore, des musiciens d’ici y trouvent également leur compte. Cette semaine à Solo de clavier, hommage au compositeur Normand Corbeil ainsi qu’à Angèle Dubeau et La Pietà, des artistes qui sont geeks bien malgré eux!

Sous la pluie avec Normand Corbeil

Compositeur émérite à qui l’on doit la musique du Torrent, l’adaptation cinématographique du classique d’Anne Hébert signée Simon Lavoie, Corbeil compte déjà deux trames sonores de jeux vidéo à son actif: celle de Fahrenheit (lancée en 2005 par le studio français Quantic Dream où il a collaboré avec le maestro chouchou de David Lynch, Angelo Badalamenti) et celle de Heavy Rain (jeu désormais culte lancé en 2010 par le même studio).

Bien que Normand Corbeil ne se considère pas comme un gamer, il constate quand même que le jeu vidéo s’est bel et bien émancipé de sa nature purement ludique. «Ma culture est essentiellement cinématographique et on m’a recruté pour ces raisons, mais on ne m’a jamais demandé de livrer des créations moins complexes pour ces jeux», résume-t-il.

Bien qu’on lui refuse encore et toujours le statut de forme d’art, le jeu vidéo permet tout de même à ses créateurs de s’amuser ferme, bien sûr, mais aussi d’explorer de nouvelles avenues. «Comme le scénario du jeu permet d’explorer plusieurs trames, j’ai pu faire plusieurs propositions pour certaines scènes: des musiques d’action, de thriller, etc. C’était un processus excitant», explique Corbeil qui, le mois dernier, voyait une de ses pièces pour Heavy Rain être reprise par Angèle Dubeau et La Pietà.

«Me faire dire à 50 ans que je suis cool, je trouve ça pas pire pantoute!» — Angèle Dubeau

«La musicienne classique que je suis est sur le cul!» s’exclame la maestro Dubeau d’entrée de jeu en revenant sur le dévoilement de Musique de jeux vidéo, un compact réunissant des reprises de classiques des dernières années. «La nouvelle annonçant ce disque s’est propagée à une telle vitesse! Le matin de l’annonce, on m’a appris que 15 000 personnes avaient “liké” la nouvelle sur Facebook. Certains utilisateurs du site allaient même jusqu’à proposer des pièces pour un deuxième disque, alors que le premier n’était pas encore lancé!»

Artiste qui n’en est pas à son premier disque concept – elle lançait plus tôt cette année un album hommage au cinéma – , Angèle Dubeau indique que le projet est né d’une simple question: «Comment renouveler notre public?» Afin d’y répondre, la violoniste a multiplié les recherches. «J’ai réalisé que Philip Glass avait signé la trame sonore d’un jeu vidéo, tout comme John Adams et plusieurs autres contemporains. Je me suis donc dit: “Attends là! Je passe peut-être à côté de quelque chose. Quelque chose que des violons pourraient revisiter!”»

Au fil de son «enquête musicale», Dubeau est notamment tombée sous le charme de deux pièces tirées de jeux d’Ubisoft Montréal ainsi que d’une composition de Normand Corbeil. Lorsqu’on le lui fait remarquer, la maestro se défend de faire du favoritisme. «C’est un secret pour personne: je carbure à la chair de poule», lance-t-elle, précisant que la qualité des musiques primait. «À mesure que j’écoutais des trames sonores de jeux vidéo – suggérées ou non par des gamers dans mon entourage – , je me suis surprise à prendre des notes. Beaucoup de notes! J’y ai trouvé des musiques puissantes, aussi complexes que plusieurs œuvres plus classiques, et qui inspiraient des choses à dire chez la musicienne en moi.»

Angèle Dubeau présentera Violons d’enfer, un spectacle de reprises tirées de plusieurs répertoires – rock et classique, notamment. Elle s’arrêtera le 28 novembre au Palais Montcalm de Québec, le 29 à la Maison symphonique de Montréal et le 30 au Théâtre Marcellin-Champagnat de Laval. On y présentera aussi des pièces du disque Musique de jeux vidéo.

Pour plus de détails sur la carrière de Normand Corbeil: normandcorbeil.com

Pour suivre les activités d’Angèle Dubeau: angeledubeau.com