La relation entre le fan et la mort a toujours été singulière, tout particulièrement chez les mélomanes. Alors que le trépas d’un oncle éloigné peut être accueilli avec un instant de chagrin (Ah oui? Je ne savais pas qu’il était malade! C’est triste pour sa famille immédiate), voire une certaine curiosité (Oh non! Comment c’est arrivé?), celle d’un artiste qui nous interpelle – souvent un parfait étranger – peut frapper presque autant que s’il s’agissait d’un proche!
Je me souviens que le décès d’Adam «MCA» Yauch, emporté par le crabe à l’âge de 47 ans, m’a particulièrement affecté. Sans être le plus grand amateur des Beastie Boys, j’avais les disques, j’appréciais les tubes, l’esthétique visuelle des clips et l’évolution du projet. Bref, les «Three MC’s and one DJ» n’intervenaient dans la trame sonore de mon quotidien que sporadiquement, mais ces moments me donnaient l’impression que – comme plusieurs mélomanes – je «connaissais» Yauch et ses acolytes, «grands frères» qui se sont battus pour notre droit à tous de faire le party, notamment.
Plus près de nous, la mort de Dédé Fortin m’aura aussi coupé le sifflet. Tout comme celle des Beastie Boys, l’œuvre des Colocs ne m’a pas inspiré un tatouage que je regrette aujourd’hui, mais elle m’aura, bien évidemment, marqué (tout comme l’engagement du collectif, la douce folie et la sombre poésie du chanteur, bien sûr). Alors que Dehors novembre se voulait un ultime salut au collègue Patrick Esposito Di Napoli, Fortin livrait une strophe qui, à ce jour, me met K.-O. à chaque écoute: «La planète tourne / Est pas supposée tourner sans moi». Dédé Fortin. 38 ans. Emporté par le tourment… et le meilleur restait sûrement à venir. Injuste, tout simplement.
Et cette semaine, on apprenait le décès du compositeur de renom Normand Corbeil. Bien que méconnu du grand public, l’artiste profitait d’une carrière internationale époustouflante (le monsieur a notamment signé l’habillage mélodique du jeu vidéo culte Heavy Rain, en plus d’apposer sa griffe sur des musiques de films comme Babine et Le torrent).
Comme c’était le cas pour MCA ou Dédé, je ne connaissais pas personnellement Normand Corbeil, mais j’ai tout de même eu la chance de lui parler en novembre dernier pour aborder son travail sur les jeux vidéo. J’ai réécouté l’entrevue aujourd’hui. Le bruit blanc du téléphone pendant les silences et la voix fatiguée du maestro donnent à l’enregistrement un air fantomatique. Avec le recul, je constate que ce n’était pas de la friture sur la ligne que j’entendais, mais bien la maladie tenaillant le compositeur de l’intérieur. Toutefois, l’homme ne s’avouait pas vaincu et espérait se remettre à la création bientôt. «Comme le scénario (de Heavy Rain) permet d’explorer plusieurs trames, j’ai pu faire plusieurs propositions pour certaines scènes: des musiques d’action, de thriller, etc. C’était un processus excitant», m’avait-il confié avec une passion indéniable pour son art.
Cinquante-six ans, une carrière enviable et le meilleur restait sûrement à venir. Encore une fois: c’est injuste.
Bon voyage, Monsieur Corbeil, et merci pour la belle musique.
Jour de paie
La 12e édition du Buckfest s’annonce ambitieuse: 100 groupes en 30 soirées sur les planches du Café Chaos. Parmi ceux-ci, surveillons les prestations du chanteur, accordéoniste et hirsute bête de scène Santosh Lalonde (qui donnera le coup d’envoi le 1er février). Puis, le 4, les assoiffés de punk rock et de blues trash auront notamment droit à des shows d’Ol’ School Johnny et des Hellhounds. Aussi à souligner: la foire se terminera le 2 mars avec un concert hommage aux increvables WD-40, qui fêtent leurs 20 ans de carrière cette année.
Pour les plus aventuriers, l’ex-Georges Leningrad Mingo L’Indien vous invite au prochain spectacle de Quatro, son projet inclassable inspiré de musiques obscures – allant du pop au prog, en passant par le disco – des années 70 et 80. C’est au Divan orange, toujours le vendredi 1er février. Pour un avant-goût: tirgroupe.bandcamp.com/album/les-clairs-me-donnent-la-vie.
Les gars de Payz Play se souviennent toujours et reviennent à la charge avec la sixième édition de Montreal Loves Dilla, leur hommage annuel au regretté homme de rap. Pour accompagner les DJ Toast Dizzy, Ephiks et l’hôte Egypto: Sev Dee (K6A/ArtBeat) et Manzo. À l’Inspecteur Épingle le samedi 2 février. P.-S.: N’oubliez pas vos beignes!
Puis, VioleTT Pi rentre finalement au bercail en lançant un premier album le mercredi 6 février au Belmont. À en juger par la campagne promotionnelle derrière l’œuvre – où une chasse aux chansons sur la Toile rencontre un vidéoclip à mi-chemin entre le ballet et le classique Friends of P. des Rentals –, l’événement de l’artiste éclectique local s’annonce fameux. Afin de s’y préparer mentalement: violettpi.com.