Solo de clavier

Nostalgie sous le soleil

Après la grisaille de février, place aux ides de mars, alors que de plus en plus de pièces s’installent sur l’échiquier musical local.

Probablement dopée par le retrait de l’escale montréalaise du désormais regrettable Warped Tour, l’édition 2013 de la foire punk rock Pouzza Fest est particulièrement relevée et propose, encore une fois, une véritable poutine (excusez-la) mêlant incontournables d’ici (un été sans concert des Planet Smashers, c’est un sacrilège, bon), crème de l’underground (Glocca Morra, notamment) et valeurs sûres (Saves the Day existe toujours?! Ah ben coudon!).

À quelques kilomètres de l’île, le Rockfest de Montebello écoule ses têtes d’affiche au compte-gouttes. À ce jour, on a annoncé la mise sous contrat des increvables Rancid ainsi que l’ajout de la formation heavy métal Lamb of God qui faisait les manchettes, bien malgré elle, depuis un bail pour une accusation d’homicide en République tchèque dont le chanteur vient finalement d’être innocenté.

Idem au Festival d’été de Québec. Beaucoup d’attentes – d’où la popularité de la prévente des laissez-passer – et bien peu de fuites. On aura droit à un événement soulignant la chanson francophone (réunissant les Séguin, Lavoie, Jalbert et autres grosses pointures), en plus de sensations pop comme Bruno Mars et Ellie Goulding. On a aussi pensé à la gent indie en confirmant la présence de Belle & Sebastian.

En parlant de la troupe écossaise, celle-ci participera également au Festival international de jazz de Montréal, tout comme le fameux duo She & Him, la grande dame Sharon Jones ainsi que, quelle surprise!, le collectif vénézuélien Los Amigos Invisibles. Du côté des FrancoFolies, la venue d’IAM – bientôt de retour sur disque avec une œuvre ambitieuse, inspirée en partie de la discographie d’Ennio Morricone – retient particulièrement l’attention.

Ce lundi, c’était au tour de la bande derrière Osheaga d’envoyer une première salve, et les bonzes n’auront pas déçu, à en croire le buzz sur les médias sociaux. Alors que le mot d’ordre pour le cru 2013 semble être «faisons taire les détracteurs», le festival propose un véritable buffet musical, tous genres et états de la carrière confondus. Après tout, autant des «jeunes premiers» comme le rappeur Kendrick Lamar que des monstres sacrés comme The Cure et New Order s’y retrouveront.

Bien que les programmations complètes de ces événements s’annoncent riches et diversifiées, je constate une certaine tendance les rassemblant: un effort pour aguicher la génération Y avec de doux souvenirs. Point commun assumé ou non, il est quand même surprenant de s’apercevoir que la plupart des grands noms – les Rancid, IAM, The Cure, Belle & Sebastian, Saves the Day et j’en passe – sont toujours pertinents aujourd’hui, mais interpellent surtout les mélomanes qui se sont fait l’oreille au cours des années 1990! Ô public terminant ta vingtaine ou entamant ta trentaine, déjà nostalgique?

En épluchant la programmation de récents festivals américains, on voit une propension se dessiner. L’année dernière, était mise en branle ma propre vision de l’enfer: une tournée réunissant Everclear, Sugar Ray et autres reliques particulièrement oubliables des compilations Big Shiny Tunes. Pire encore, l’opération a été assez lucrative pour qu’on prévoie la tenue d’une édition 2013 de la série de spectacles baptisée Summerland.

On ne peut plus se leurrer: notre nostalgie est non seulement précoce, mais foutrement rentable.

N’empêche, sans se lancer dans une thèse sur le sujet, la consommation des Y demeure déroutante pour plusieurs instances. Comme l’ont rapporté de nombreux journaux et magazines, ceux-ci se contrebalancent de l’achat d’une voiture, surtout lorsqu’ils habitent en milieu urbain, préférant des options plus vertes ou moins exigeantes. L’intérêt pour la culture des années 1990, lui, est toutefois à la hausse et ne se calcule pas qu’en nombre de blogues Tumblr ou de sections Reddit triturant le phénomène, mais bien en retombées qui ont un impact.

Alors que le Québec semble à l’aise avec l’idée qu’on pourrait bientôt perdre deux médias télé consacrés à la musique, Prise 2 – une station où l’on enchaîne des rediffusions d’émissions, dont l’immortelle Chambres en ville – persiste. Chez nos voisins du sud, l’engouement est tel que TeenNick, une chaîne télé jeunesse, ajoutait un volet à sa programmation en 2011 où l’on présente des séries cultes des années 1990 au cours de la nuit. L’effervescence autour de cette case horaire a aussi fait en sorte que, depuis février dernier, la recette est appliquée aux versions britannique et irlandaise.

Et moi qui rigole dans ma barbe – grisonnante – chaque fois qu’on m’invite à couvrir les conférences de presse annonçant les spectacles à la «Où sont passées nos idoles?»…