Solo de clavier

Une bande vraiment à part

Décidément, pour une province au terreau culturel aussi riche et envié, les premières lignes censées en témoigner tombent comme des mouches. Fin du Ici, démantèlement de Studio 12, exit le Hour, «game over» pour le Mirror et, maintenant, on «tire la plogue» sur Bande à part qui, le 24 juin, diffusera un dernier épisode avant de céder ses archives à Espace.mu où la couverture du pan émergent de la musique locale se poursuivra exclusivement sur la Toile.

Au moment d’écrire ces mots, la SRC rapporte que la perte de l’émission de radio et la transition du volet web font en sorte que cinq artisans de BAP ont vu leurs postes abolis… et ce n’est qu’un début.

Parmi les victimes, notons aussi les musicophiles en région qui n’ont pas accès aux CISM, CIBL et autres stations universitaires et communautaires mettant de l’avant une programmation ratissant large. Au royaume du réseau NRJ, BAP — sur Sirius et la Première Chaîne — demeurait une alternative rafraîchissante. «Ouais, mais André, les jeunes s’intéressent de moins en moins à la radio!» Je ne sais pas, ô lectorat. Selon l’Association canadienne des radiodiffuseurs, un nombre considérable de mélomanes en herbe tendent toujours l’oreille. Puis, avouons-le, les listes de lectures sont agréables à l’ouïe, mais n’offrent pas autant de contenu qu’un animateur présentant les pièces jouées et les groupes les interprétant.

Le silence radio de Bande à part nuira également aux artistes de champ gauche, le projet ayant souvent été parmi les premiers à mousser leurs œuvres, voire à subir leurs sympathiques borborygmes en entrevue. Le collègue et musicien Mathieu Charlebois mentionnait ce mardi sur la page Facebook de son duo L’Ours avec nous que les premiers chèques de droits d’auteur reçus provenaient justement de diffusion de leurs chansons sur BAP. 

Comme si ce n’était pas assez, la fin de l’aventure BAP mettra du plomb dans l’aile de la relève journalistique qui, en ondes à CHOQ ou CKUT par exemple, espérait y collaborer, tout comme bon nombre de blogueurs locaux privilégiant les arts dans leurs écrits. Quel message envoie-t-on à ces communicateurs de demain — et d’aujourd’hui, en fait — lorsqu’on condamne «ze» laboratoire média et culturel de la Société d’État? L’émergence (entre guillemets) n’est confinée qu’au web et au bénévolat, faut croire.

Bien sûr, le grand responsable derrière ce bordel est le gouvernement Harper qui, dans sa lubie de réduire le déficit fédéral tout en investissant dans l’achat de matériel militaire mal foutu*, sabote l’assurance-emploi en plus de trancher dans le budget du média d’État, entre autres bourdes. Mais ne sommes-nous pas nous aussi à pointer du doigt?

Outre un statut Facebook ou un tweet «punché», qu’avons-nous fait pour exprimer notre désaccord lorsque la SRC a annoncé le congé estival forcé de BAP? À défaut d’avoir un réel impact, une pétition ou un concert engagé aurait au moins eu une valeur symbolique. Sommes-nous à ce point apathiques? Aussi résolus à perdre nos tribunes alternatives?

Pendant qu’on y est, que faisait l’industrie avant de pleurer la disparition de nombreux hebdomadaires culturels? Elle magasinait des encarts sur Facebook.

Désolé de conclure avec un gros cliché, mais quand même: une scène locale sous-entend qu’il y a deux côtés à celle-ci. L’énergie du parterre va des planches jusqu’aux feux et aux coulisses.

*Plus tôt cette semaine, la Presse canadienne dévoilait qu’un rapport du Pentagone rabrouait les avions de combat F-35 — le fameux modèle que les conservateurs lorgnent —, car le design du cockpit nuirait aux performances du chasseur. Aux dernières nouvelles, le gouvernement Harper va toujours de l’avant.

Jour de paie

Les amateurs de vinyles auront droit à une sapristi de belle surprise lors de leur pèlerinage hebdomadaire, car la boutique Soundcentral court un grand risque ce samedi en accueillant Bloodshot Bill qui, entre deux rayons, offrira une prestation gratuite ce dimanche à 16h. Pourquoi un grand risque? Si vous vous posez la question, c’est que vous n’avez jamais vu la bête de scène à l’action. Faute grave que vous devrez rectifier…

Nous y voilà! La fameuse finale des Francouvertes opposera la charmante chanteuse folk pop Marcie, le trio country Les Hay Babies, ainsi que le groupe rap Dead Obies. Vous pariez sur qui? Bien que les trois finalistes soient incroyablement talentueux, j’espère une victoire des Obies, ne serait-ce que pour envoyer un électrochoc à la vitrine qui a souvent couronné des artistes folk et pop au cours des dernières années. C’est ce lundi 13 mai au Club Soda.