Solo de clavier

Deuil à part

C’était vendredi dernier que l’on diffusait la conclusion de Bande à part en direct d’un National rempli à moitié, voire aux deux tiers. Devant un parterre d’artisans passés et actuels, de musiciens impliqués ou non dans le spectacle se déroulant sur les planches, de fans de l’émission, de mélomanes ainsi que de personnages liés de près ou loin à l’industrie dite «indie», l’animateur Alexandre Courteau et ses compagnons d’armes ont livré une ultime édition à l’image des précédentes. Autant en son (Alaclair Ensemble, Poirier et autres chantres du «fais-le toi-même» s’offraient en prestation) qu’en manoeuvres «touche à tout» où le réalisateur du projet participait aux montage et démontage de la scène entre les tours de chant alors que Courteau s’entretenait avec les artistes. L’esprit était donc à la fête, malgré les mines basses. Un concert obituaire plus près d’un «jazz funeral» digne de La Nouvelle-Orléans qu’une sépulture viking à laquelle on allait foutre le feu.

Près d’une semaine plus tard, la poussière est retombée, mais bon nombre de questions et inquiétudes demeurent.

Ainsi, bien que les fameuses coupes du gouvernement Harper soient – évidemment! – pointées du doigt, je me demande si c’est là la seule raison qui a poussé la direction à retrancher l’émission désormais culte quand on considère les récents commentaires du président-directeur général de Radio-Canada, Hubert T. Lacroix qui, lors d’une entrevue dans un bulletin de nouvelles télé à la station du Saguenay, indiquait que la SRC appliquait présentement une «philosophie» surnommée «Recréer Radio-Canada». En plus d’être à la source du marasme «Ici Radio-Canada», cet exercice va aussi, selon M. Lacroix, ramener la flamme des «rendez-vous» suscitant des «émotions» dans les enceintes de la tour brune. Or, Courteau et ses collaborateurs faisaient davantage dans l’information de niche, voire dans l’expérimentation, que dans «l’émotion» à laquelle les rigolades entourant les archives de Les Enfants de la télé ou les chansonnettes d’Un air de famille offrent en exemple. Est-ce que l’émission faisait vraiment bande à part dans cette vision de plus en plus «émotionnée» du média d’État? J’espère que non.

Bien que l’ingestion de Bande à part par Espace.mu soit également une opération qui a tout de même du sens – après tout, le public cible du projet s’abreuve en grande majorité sur le Web –, le retrait de BAP des ondes de la Première Chaîne est un choc pour ses artisans, mais une gifle pour les artistes profitant de cette vitrine et pour une certaine relève journalistique s’inspirant ou encore jalousant BAP. Si «le laboratoire de champ gauche» de la société d’État fout le camp et si un des rares médias du genre faisant l’unanimité mord la poussière, quel message envoie-t-on du même coup aux mélomanes évoluant sur les radios universitaires ou sur des blogues et qui rêvent de faire de leur passion une profession?

Pendant qu’on y est, est-ce que le pan de culture privilégié par BAP et compagnie a toujours besoin des médias spécialisés lorsqu’une œuvre comme Montreal Underground, un documentaire sur la scène musicale alternative locale qui vient tout juste de paraître, fait la tournée des Le Devoir, La Presse, Métro et autres quotidiens de masse? Y’a-t-il toujours une place pour les débroussailleurs du coin avec les Facebook, Twitter Music, Bandcamp, Songza et compagnie? J’ose croire que oui, mais c’est ce qu’on nous confirmera ou non au cours des prochains mois, j’imagine.

En attendant, poursuivons notre deuil de Bande à part alors que, ce vendredi, la case horaire de l’émission sera occupée par des reprises de Médium large et PM. Après le choc, le déni, la colère, le marchandage et la dépression. L’acceptation ne devrait plus être très loin… malheureusement.

Jour de paie

Projet foutrement pop indie de Santa Monica, Cayucas fait dans la musique aussi estivale qu’ensoleillée. Les amateurs de Vampire Weekend, voire des Beach Boys, devraient adorer. Mardi 2 juillet au Il Motore.

Un peu plus au nord du Quartier des spectacles, la Plaza St-Hubert tient une nouvelle édition de son propre événement – le festival Atmosph’Air – qui se déroulera du 3 au 7 juillet. Au programme: des prestations gratuites d’artistes de la trempe de Philippe B accompagné du Quatuor Molinari, de Rouge Pompier, de Gros Mené et de Dany Placard parmi tant d’autres. Programmation complète sur maplaza.ca.

À propos de la refonte du Voir

Timing oblige, j’aimerais également vous rappeler que le Voir passe en mode continu sur le Web et bimensuel sur papier dès le début du mois prochain. Notre prochain rendez-vous sur format «qui tache vos doigts» sera donc le 11 juillet. En attendant, la section «Musique» du site sera agrémentée plus régulièrement de critiques, bien sûr, mais aussi de billets de blogue, d’entrevues à brûle-pourpoint, de contenu vidéo, de primeurs clips et albums. Bref, à tout de suite!