Solo de clavier

Voix de faits : Stéphane Laporte sur l’embauche de Louis-Jean Cormier

J’aimerais, quelques jours après l’annonce envoyant Louis-Jean Cormier au sein des « coachs » de La Voix, avoir  un commentaire édifiant, mais non. Sans blague, cette embauche me laisse de glace, mais soulève tout de même quelques questions… que j’ai posées à Stéphane Laporte, réalisateur de l’émission.

De la glace…

Plusieurs se sont amusés à souligner les commentaires – souvent chargés de fautes – de fans de l’émission complètement outrés qu’un illustre inconnu se joigne à un cortège d’artistes de talent comme Marc Dupré (!) pour évaluer une nouvelle sélection de candidats. OK, c’était rigolo une fois, puis deux, mais on s’approche dangereusement de la surdose. C’est dommage, mais c’est comme ça : beaucoup de Québécois n’ont pas la même maîtrise du français que vous. Pire encore, ces voisins, ces oncles, tantes, cousins et voisines ne possèdent pas la même culture générale que vous… et vice-versa. Avouons-le, combien d’inconditionnels de Cormier peuvent également reconnaitre des chansons de Marc Dupré outre « celle-qui-sonne-comme-du-Coldplay-avec-de-la-cloche-dedans » sans faire de la recherche sur l’Internet?

De l’autre côté, certains voient dans le geste de Cormier une certaine « trahison ». Sur Facebook, un média local a mené un sondage à ce sujet et a inclus parmi ses choix de réponses « C’est définitivement la mort de l’indie ». Bien qu’on imagine que la formule était pour susciter des réactions 2.0 et patati, patata, pouvons-nous, S.V.P., sortir de nos véhicules à voyager dans le temps? Parce que la mode « emo » est bel et bien terminée.

Plus sérieusement, bien que Cormier est un artiste engagé – après tout, Karkwa signait le thème de la campagne du PQ en 2008 -, on s’entend qu’il n’évolue pas dans le même giron que Guillaume Beauregard de Vulgaires Machins ou encore Biz de Loco Locass (qui a, lui aussi, fait dans la télé-réalité plus d’une fois). Pourquoi donc cracher sur une vitrine grand public quand on se veut un chanteur « pop »? Outre se faire ridiculiser en .gifs animés par La Clique du Plateau, qu’a-t-il vraiment à perdre? Des fans? Faudrait être un brin égoïste, voire enfantin, pour cesser d’apprécier subitement son 13e étage parce que de plus en plus de gens tendent l’oreille.

Et puis vous le voyez où sinon, ce Louis-Jean Cormier? Les tribunes musicales de qualité offrant une bonne visibilité (et des cachets substantiels) fondent comme neige au soleil au Québec (Bande à part, par exemple?). Pire encore, ceux-ci  sont souvent remplacés par des « variétés » très « people ». Bien qu’il serait déplacé de planter C’est ma toune avant sa mise en branle, disons tout de même que le synopsis de cette nouvelle émission du genre bientôt diffusée à la télé de Radio-Canada, n’est pas très emballant. De plus, au risque de jouer au gérant d’estrade, si j’étais Louis-Jean Cormier, j’aurais des yeux perçants, une éternelle barbe de trois jours et je préférerais évaluer des artistes (chose qu’il fait déjà au sein du jury des Francouvertes ou à titre de réalisateur d’albums, dont la bombe de Lisa LeBlanc) que relever des « défis loufoques » aux côtés de Gregory Charles (encore une fois, je ne veux pas juger le projet avant de l’avoir visionné, mais je dois tout de même vous avouer que ce que rapporte Richard Thérien ne vient pas du tout rejoindre le mélomane en moi… mais cet énième rendez-vous va forcémment plaire à d’autres téléspectateurs qui connaîtront, ou pas, Louis-Jean Cormier… pis c’est ben correct de même).

… et des questions

Bref, à défaut d’avoir une opinion tranchée et qui vaut la peine d’être déposée sur une page web à propos de cette embauche et tout ce tôlé 2.0 qui l’entoure, j’ai plusieurs questions qui me viennent en tête.

Tout comme Judith Lussier, je me demande si le fan de musique alternative » ne serait pas un peu chauvin, déçu que son ‘tit trésor – déjà pas mal connu en ce qui concerne Cormier – perde de son éclat une fois à la vue de tous, mais ce qui m’intéresse vraiment, c’est de savoir pourquoi La Voix, une émission grand public, mise autant sur la gent dite indie (à défaut d’un meilleur terme). Désir de séduire un certain audimat? Volonté de se conformer à la nouvelle donne voulant que l’underground soit la nouvelle culture populaire? J’ai donc profité d’une pause entre deux blitz d’auditions pour en jaser avec Stéphane Laporte, réalisateur de La Voix.

D’entrée de jeu, Laporte spécifie que l’inclusion de coachs “alternatifs” au sein de La Voix est davantage liée à la sélection de concurrents qu’à un désir de rejoindre un nouveau public. “Ce qui est important pour nous lorsqu’on sélectionne les quatre coachs, c’est que plusieurs genres musicaux soient représentés afin de mieux convenir aux candidats. L’année passée, la pop était représentée par Marc Dupré, le rock un peu électro y était avec Marie-Mai, la grande chanson à francophone, c’était Jean-Pierre, etc. Et c’est la même chose cette année avec la sélection des coachs”. Plus tard, il ajoutera que “Comme ça, pour chaque candidat qui auditionnait, il y avait de bonnes chances qu’un coach précis lui convienne. C’est ça qui fait la beauté de La Voix. Tous les âges et tous les styles de musique peuvent s’y retrouver. Le point commun, c’est vraiment la voix. C’est réfléchi!”

La  Voix suscite, bien sûr, Star Académie, le réalisateur préfère comparer cette nouvelle série musicale à une autre émission. “Moi, ma référence en matière de variétés, c’est le Ed Sullivan Show, en fait”, glisse-t-il. Bien que la référence à un talk show qui a marqué l’histoire peut surprendre, Stéphane Laporte ne bronche pas et note plutôt de nombreux points en commun. “T’avais autant Peggy Lee qui allait là que The Doors, par exemple”, fait-il valoir avant de mentionner que c’est également là que quatre garçons dans le vent de Liverpool se sont distingués auprès du public américain. “Toute la famille regardait cette émission à l’époque et chaque membre y découvrait plusieurs formes de musiques, allant de l’hyper populaire que les groupes “émergents” de l’époque. C’est là qu’est la force de la télévision : on diffuse et, nous, on tente de diffuser ce qui est de qualité et c’est au public d’adhérer à ce qu’ils veulent là-dedans.Le Ed Sullivan Show était une bonne représentation de ce qui se faisait en musique pendant les années 60 et avec La Voix, ses coachs, ses mentors et ses candidats, on veut prendre une bonne photo de ce qui fait en musique en ce moment. On y chante autant du Lana Del Rey que du Marc Dupré. Le but est de rassembler tout le monde autour de la musique. D’où le fait qu’on tend la main à tous les genres.”

Lorsqu’on lui demande pourquoi avoir arrêté son choix sur Cormier, Laporte s’emballe. “Parce que c’est un coach né!”, lance-t-il en faisant référence à la réalisation de l’album de Lisa LeBlanc, mais aussi à son leadership au sein de Karkwa et de 12 Hommes rapaillés, notamment. “Pour plusieurs artistes de sa génération, Louis-Jean est déjà un coach, c’est déjà une référence”, ajoute-t-il avant de prêcher de façon humoristique pour sa paroisse. “C’est ça qui est le fun avec La Voix, on demande aux coachs de faire ce qu’ils font dans la “vraie vie” et non pas une recette de cuisine à la télé ou j’sais pas trop quoi avant de jouer sa chanson! C’est pour ça aussi qu’Ariane Moffatt était aussi à l’aise lors de la première saison, elle faisait à la télé ce qu’elle faisait toujours.”

En parlant d’Ariane Moffatt, Stéphane Laporte rappellera que celle-ci travaille également sur l’album de sa protégée – et gagnante de la première édition de La Voix – Valérie Carpentier en compagnie d’Alex McMahon (Plaster, Cargo Culte). “Tout ça demeure donc dans cet univers là, dans le team Moffatt qui a été instauré si tu veux, et c’est ce que j’aime d’émissions comme La Voix ou Star Académie : ça dépasse l’émission. Nous, nous sommes en ondes que 13 semaines, puis des carrières sont lancées! Marie-Mai, par exemple, a largement dépassé le contexte d’une émission de télé ou d’un réseau. Elle fait vraiment partie du showbizz québécois maintenant. Jean-Marc Couture, de son côté, chante des chansons signées Pagliaro et Daniel Bélanger sur son disque. On découvre des artistes dans le cadre d’une émission de télé, mais je n’ai pas l’impression de faire un casting pour celle-ci. Je crois qu’on offre un tremplin pour une carrière qui va durer bien plus longtemps que le show! »

Sans surprise, les reproches entourant le recrutement de Cormier ont été passés en revue plutôt rapidement.  « C’est sûr que Louis-Jean Cormier n’est pas aussi connu que Céline Dion, mais si des gens le découvrent vraiment avec La Voix, je trouve ça le fun parce que c’est un grand artiste et il le mérite. Puis si y’a des gens qui doutent vraiment du choix, je suis sûr qu’ils seront convaincus en regardant l’émission. Après tout, si tu te rappelles bien, y’a eu le même genre de réactions avec Ariane l’année dernière!”

En attendant la première de la nouvelle saison de La Voix et l’avalanche de commentaires (bons et mauvais) et de blagues (bonnes et mauvaises), notons que Louis-Jean Cormier a mentionné sur sa page Facebook qu’il a embrigadé “un autre mouton noir” à titre de mentor pour ses candidats. Bref, une autre montée de lait serait à prévoir sur les réseaux sociaux et Stéphane Laporte préfère garder le silence. “C’est le choix de Louis-Jean et je ne voudrais pas le scooper!”, conclut-il en rigolant.

Moi j’hésite entre…

  • François Lafontaine (c’est aussi un réalisateur de talent – il a collaboré aux disques de Forêt et d’Élisapie – et ça serait une presque “réunion” de Karkwa au passage)
  • Richard Séguin ou Jim Corcoran (c’est des bonhommes qui, tout comme Daniel Bélanger, ont beaucoup d’expérience et ils ont déjà travaillé avec Cormier sur 12 hommes rapaillés)

ou

  • Gino Vanelli (si Cormier parlait de “mouton noir” dans le sens de bouclettes somptueuses)

Et vous?

Photo: Richmond Lam