Ça c’est la médaille que j’ai reçue dimanche pour avoir participé à une course de dix kilomètres autour du Lac Brome.
La première fois où je me montre en tenue moulante en public. La première fois où je me glisse à la queue du peloton (où je demeurerai tout au long du circuit d’ailleurs ; ex aequo avec une dame d’un certain âge que j’ai finalement rattrapé dans les derniers 500 mètres) et on me récompense avec une distinction qui semble avoir été volée à un enfant ! Ou, pire encore, le design souligne que je cavale en canard. Dans les deux cas : humiliation, je crie ton nom !
M’enfin, maintenant vous savez tout : je suis un cliché ambulant. Je suis un chroniqueur qui court. Très mal, très lentement ; mais quand même.
Sans me lancer dans une grosse réflexion sur les raisons me poussant à enfiler une tenue moulante pour gambader à la palmipède — ce qui serait, à mon humble avis, l’ultime lieu commun du scribouillard moderne —, disons tout simplement que ça me permet de suer et — surtout — de me détendre; histoire de remplacer le train-train quotidien par des perles de sagesse ô combien savantes comme…
— Pourquoi Vulgaires Machins ne sort-il pas de nouvel album ? Je commence à croire que c’est pour « troller » les gens. Un peu comme quand Vincent Gallo a délaissé la peinture au moment où on commençait à souligner son talent dans ce domaine (en joggant sur fond de Compter les corps)
— Sans le savoir, Against Me ! a pondu la meilleure chanson sur l’avant, le pendant et l’après-Printemps Érable… et y est arrivé AVANT ledit événement (en suant sur I Was A Teenage Anarchist)
— Tabarfuck ! À quoi bon ? Au final, je m’abîme les genoux en tenue moulante pis that’s it ! Je veux mourir… mais pas avant d’avoir dépassé cette dame d’un certain âge (dimanche dernier, exténué, tout en cherchant la finale emballante de Contact de Daft Punk pour me donner du pep).
Étant un résident de Rosemont, je sue donc souvent sur la piste Des Carrières, un espace qui est partagé tant bien que mal par plusieurs faunes allant du cycliste en lycra qui fonce vers un Tour de France imaginaire à la petite famille qui occupe toute la surface en promenant bébé, carrosse, chien, cellulaire et latté jusqu’à l’espèce de masse informe qui court en canard loin derrière.Bref, un charmant sentier en gravier qui — par la bande — sert également de sympathique métaphore pour le Québec actuel… genre.
M’enfin, le parcours est aujourd’hui menacé-avec-des-guillemets, car il est inclus dans le projet de Véloroute de la Ville. Détails ici.
En mai dernier, on dévoilait les grandes lignes du programme de réalisation des voies cyclables 2014-2015 de Montréal. Aventure chiffrée à 10 M$, celle-ci contribuera notamment à la création de 49 nouvelles pistes pour vélos et à la mise à niveau de 25 voies déjà existantes. Parmi celles-ci : le tronçon Des Carrières qui sera asphalté.
Ce qui veut dire que je suerai davantage, réchauffement oblige, mais aussi que la route pourrait perdre de sa multifonctionnalité.
Heureusement, un événement citoyen s’organise pour mettre en valeur l’harmonie qui règne sur ce parcours : l’Off-marathon.
Course qui — pour reprendre la description Facebook — « a pour objectif de démontrer notre attachement au caractère multifonctionnel de la piste Des Carrières et à souligner son importance pour ses riverains qui l’utilisent quotidiennement », l’Off-marathon ne se positionne donc pas contre l’investissement (on souligne d’ailleurs qu’un meilleur entretien et — surtout — qu’un éclairage plus adéquat serait la bienvenue), mais bien contre un éventuel revêtement en bitume qui remplacerait la poussière de pierre déjà présente.
« Elle doit être rénovée et éclairée. Pas de doute ! Mais on voudrait maintenir cet aspect là tel quel », ajoute Alexandre Paré, organisateur de l’événement, faisant également valoir que sa démarche n’est pas en opposition aux cyclistes, à la Ville-centre ou encore à la mairie de l’arrondissement. « C’est juste une idée pour montrer notre attachement : aller courir dessus pour montrer qu’elle ne sert pas qu’aux vélos ! », lance-t-il. Il le souligne également dans la description Facebook de sa course : « L’événement n’a pas pour objectif de confisquer aux cyclistes un équipement qui leur est cher. »
Urbaniste de profession — et utilisateur de la voie, bien sûr —, Paré explique qu’il suit la situation de la piste Des Carrières depuis des années. « En 2008, j’ai vu dans le Plan de transport de la Ville qu’elle faisait partie des plans de la Véloroute qui emprunterait ce tronçon. J’ai aussi écrit à Michel Bissonnet en 2012, alors qu’il était le chargé des transports de la Ville-centre. Je lui ai demandé plus de détails en plus de lui dire que ça serait le fun que la piste soit éclairée. Il m’a répondu que c’était dans les plans… tout comme l’asphaltage. C’est là que je l’ai appris. »
D’emblée, Alexandre applaudit l’idée de la Véloroute — « Je n’ai absolument rien contre le projet. C’est une bonne idée dans la mesure que ça favorise l’utilisation du vélo partout en ville ». Il croit toutefois qu’en asphaltant ce tronçon, celui perdra son aspect multifonctionnel qui — justement — a fait son charme au fil des années. « Je considère que si on l’asphalte, qu’on le transforme en autoroute pour vélos, le revêtement formaliserait son utilisation. Ça “confirmerait” que c’est principalement pour les cyclistes. Les marcheurs et coureurs actuels pourraient y être perçus comme des “intrus” sur une piste cyclable alors, qu’actuellement, cette cohabitation se fait déjà très bien ! »
Pire encore, cet asphaltage pourrait priver bon nombre citoyens d’espaces publics méconnus. « Cet espace-là est particulier. Il est même un peu magique. C’est une piste de trois kilomètres où l’on retrouve un chapelet de petites places publiques, d’aires de repos et de parcs destinés à la détente et aux loisirs et qui sont principalement fréquentés par ces marcheurs, ces coureurs et ces cyclistes. Si ça devient une autoroute pour vélos où on ne fait que passer, ces petits espaces seront délaissés. Je crains qu’ils perdent ce caractère pour devenir de petites haltes routières qu’on retrouve le long des autoroutes, justement. »
L’événement se tient le 5 juillet (soit deux jours avant la séance du conseil du quartier). Le rendez-vous est à 10 h à la clairière le long de la piste Des Carrières entre les viaducs Saint-Laurent et Saint-Urbain. Coup d’envoi à 10 h 15. Bien sûr, la course n’est pas que ludique et sportive. Sans l’imposer, Paré espère que son happening contribuera à une éventuelle démarche de l’arrondissement Rosemont pour contrer l’asphaltage du tronçon. Alexandre Paré assure toutefois que le tout se veut convivial. « C’est informel et vraiment pour le fun. Même pas obligé de courir. C’est ben relaxe ! »
Super ! Je pourrai donc suer à ma vitesse — lente et haletante — en tenue moulante. Watch out, mesdames d’un certain âge !
Détails sur la page Facebook de l’événement.
Demain : des détails supplémentaires de la part d’élus!