Le cinéma de répertoire tel qu'il existait vraiment il y a quelques années est dans les derniers balbutiements d'une mort lente, semble-t-il. C'est le constat que l'on peut en faire, surtout avec les fermetures des cinémas indépendants dans les grandes villes telle Montréal ou Toronto. Tenez, un des derniers cinémas de répertoire de Montréal à survivre, le Cinéma du Parc, fermait ses portes il y a quelques semaines en raison d'une baisse de la fréquentation, a-t-on indiqué. Est-ce vraiment par désintérêt de la part des cinéphiles? De l'emprise sur le marché des grandes chaînes de cinéma? De l'invasion des films fast-food, dont les Américains sont rois?
Je suis allée à la rencontre du propriétaire du seul cinéma à produire encore du cinéma de répertoire et qui diffuse principalement des films indépendants et internationaux dans la région de la capitale nationale: Bruce White et son cinéma Bytowne. Ouvert depuis 1947, cette salle de cinéma à 650 sièges est un véritable joyau culturel de la région.
Selon Bruce White, la mort lente du cinéma de répertoire est plutôt attribuable à l'arrivée du vidéo et du DVD. Il rappelle que le terme "répertoire" est issu des petites salles, souvent vieilles, qui diffusaient autrefois les films n'étant plus à l'affiche dans les grandes, et ce, à petit prix. Ainsi, ces repeats faisaient la joie des étudiants qui ne pouvaient se payer un magnétoscope ou encore des têtes grises qui ne savaient comment faire fonctionner le leur. "Cette entreprise n'a pas été détruite par les chaînes de cinéma, mais bien par le vidéo et le DVD! Qui aujourd'hui ne peut se payer un VCR ou un lecteur DVD?" ironise-t-il.
La réussite du Bytowne réside ainsi en partie dans le virage que l'équipe a entrepris en intégrant de plus en plus de primeurs à l'horaire (une centaine par année), avec des films indépendants, des films étrangers et autres films d'auteurs. "Souvent, les films qui jouent au Bytowne ne joueront pas du tout ailleurs", rappelle Bruce White.
"La meilleure chose pour la survie des cinémas indépendants à mon avis – mais chaque ville est différente -, c'est de se concentrer sur les nouveaux films internationaux, les documentaires, les choses spéciales… Et si on réussit à les faire paraître spéciales aux yeux des gens, on a une chance."
Il remarque aussi que les cinémas indépendants des grandes villes doivent rivaliser avec des chaînes de cinéma qui ont les moyens [en terme de salles et de visiteurs] de diffuser des films indépendants et des documentaires. "Cela leur laisse moins de choix. Dans les plus petites villes, les chaînes de cinéma projettent principalement des blockbusters. Et à Ottawa, en particulier, il n'y a presque pas de cinémas au centre-ville. Le Bytowne n'a pas de réelle compétition. Nous sommes chanceux."
On voudrait fixer la moyenne d'âge des visiteurs du Bytowne? Il y a de tout: de l'étudiant à l'âge d'or. On voudrait connaître le ratio francophones versus anglophones? Difficile à dire, les francos venant au Bytowne sont généralement assez bilingues pour voir un film étranger sous-titré en anglais. Ce qu'on sait, c'est que ça leur réussit plutôt bien. Peut-être est-ce ce membership (environ 10 000 membres à l'année) qui fidélise les visiteurs et qui donne droit à des réductions sur les billets (pour 10 $ par année, les films vous extirperont un petit 6 $). Mais la programmation y est pour beaucoup aussi, et Bruce White ne sous-estime pas ses spectateurs et fait un travail de moine à essayer de tisser ses horaires bimestriels pour contenter son large auditoire. L'autre carte dans son jeu est certainement ce guide, distribué gratuitement dans les rues, qui non seulement donne le calendrier complet, mais détaille les films de façon à faire un choix éclairé. Seul bémol: aucun texte n'est traduit en français. Du déjà-vu, vous me direz, mais bon!
Et puisque l'Outaouais québécois est plutôt pauvre en matière de cinémas de répertoire – seul le cinéma des Galeries Aylmer diffuse un peu de répertoire dans sa saison régulière, alors que le Cinéma 9 de Gatineau projette quelques films français. Sinon, le Théâtre des Quatre Soeurs (Saint-André-Avellin) et le Ciné-Starz (Gatineau) projettent, à la manière des vieux cinémas de répertoire, les films qui viennent de quitter les salles et qui s'apprêtent à sortir dans les vidéoclubs.
Si vous n'avez jamais mis les pieds au Bytowne, je vous invite à découvrir cette captivante salle du centre-ville, dont la programmation regorge de films "rares", du moins dans la région! Parmi les primeurs des deux prochains mois: Le Petit Lieutenant de Xavier Beauvois, avec Nathalie Baye; La Moustache avec Vincent Lindon et Emmanuelle Devos; The Journals of Knud Rasmussen, de Zacharias Kunuk (Atarnajuat), qui ouvrira le Festival du film de Toronto; The Science of Sleep de Michel Gondry, avec Gael García Bernal et Charlotte Gainsbourg; sans oublier le Amnesia Film Series, un petit festival de huit films que Bruce White a concocté sous le thème de l'amnésie. "J'ai remarqué que, dans la vraie vie, rares sont les personnes atteintes d'amnésie alors que, dans les films, ça arrive tout le temps! J'espère juste que les gens ne vont pas oublier de venir!" rigole le propriétaire. Beaucoup de belles découvertes en perspective! Ouvrez l'oeil pour le guide Bytowne des mois de septembre et octobre, qui sort jeudi. Pour plus d'info: www.bytowne.ca.
*À noter qu'un texte abordant une autre partie de l'entretien avec Bruce White du Bytowne sera publié dans l'édition de jeudi prochain.
Étant un grand consommateur de cinéma, je m’explique mal la fermeture de plusieurs salles de répertoire. Bien sûr, on peut prétendre que l’industrie du DVD à tout ravagée, mais il me semble un peu trop facile de tout lui imputer. A mon avis, la mort lente des salles de répertoires est attribuable aux méga complexes de cinéma, qui en s’appropriant certains films (les films d’auteurs entre autre), blesse mortellement les plus petites salles qui elles misaient sur l’exclusivité de ces films pour aller chercher une clientèle différente. Une clientèle qui ne se retrouve pas nécessairement chez Odeon ou Famous players…Le cas du cinéma Dauphin à Montréal est flagrant: C’était une magnifique salle où l’on pouvait voir des films différents tout en se retrouvant devant des peintures magnifiques. La venue des méga complexes a obligé ce cinéma a ajusté son tir et le cinéma Dauphin s’est lentement éteint. Dommage!
Il fût une époque où l’Outaouais québécois comptait aussi sur la présence d’un cinéma de répertoire. Il y a 10-15 ans, avant que le cinéma ne soit transformé en méga centre de conditionnement physique, la Place Cartier avait son cinéma. On pouvait y voir les films primés des festivals tels celui de Cannes. On pouvait y voir des films ayant un mérite artistique et cinématographique. Bref, on y voyait ce qu’on n’y voit pas dans les grandes chaînes de cinéma et on y voyait ce qui se faisait en français. Une carte permettait de voir plusieurs films à prix modiques tout en fidélisant sa clientèle.
Mais ce cinéma n’a pas survécu. En raison d’une faible assistance? En raison d’une mauvaise localisation? En raison d’un système qui n’était plus au goût du jour? Le Bytowne a réussi à s’installer en institution. On lui pardonne de faire la file à l’extérieur, beau temps mauvais temps. Celui de la Place Cartier n’avait pas ce cachet, étant coincé entre des centres d’achat.
Le Bytowne présente des films de répertoire que je décrirais comme inédits dans les grandes chaînes. On peut y voir ce qu’on peut voir à Berlin et pas uniquement ce que les Américains nous lancent comme tarte à la crème. Je peux toujours être assuré d’y voir de la qualité mais aussi d’avoir accès à des films accessibles. Répertoire ne rime pas ici avec « pour initiés seulement ».
Le Bytowne, c’est notre petit Gaulois dans une mer de Cruise, de Hanks et de Roberts.
Le cinéma de répertoire tel que le Bytowne (Ottawa) n’est pas prêt de mourir. Du moins, je ne le pense pas car il y toujours du monde à faire la queue et la qualité de la programmation est indiscutablement bonne.
Par contre, j’ai aussi connu le cinéma du Parc de Montréal. Bien entendu, c’est bien dommage qu’il ferme ses portes. Par contre, je pense que comme tout business il y a des risques. Peut-être que le public absent a sa part de responsabilité, peut-être même que le choix des films n’étaient pas toujours très judicieux, ni même propice, qui sait ?! Une chose certaine : c’est tout à fait regrettable, mais c’est la rentabilité qui l’emporte!
Nous avons à Québec le CLAP qui est notre petit cinéma de répertoire. Il nous montre des films indépendants, des documentaires, des films qui ne sortent pas sur d’autres écrans ailleurs. Mais aussi, ils se doivent de présenter aussi des films blockbuster pour rester ouvert je crois. Alors ils font un bon mélange des deux sortes de films. Le prix d’entrée est moins cher qu’ailleurs et ils sont situés à une courte distance à pied de l’université, ce qui fait en sorte, je suis certaine que certains étudiants vont aller au Clap voir le blockbuster ou l’occasionnel film indépendant, au lieu de se rendre dans les grands cinéma de la région.
J’aime bien le Clap pour ses films de répertoire car je trouve que les autres cinéma se concentrent trop sur les films américains et pas assez aux films étranger.
Alors bravo à ce cinéma Bytowne de rester ouvert et concentré sur le cinéma qui ne se projette pas ailleurs. IL en faut encore de plus en plus de ces salles de cinéma, et malheureusement, c’est le contraire qui se produit, ils ferment un à un.
J’ai bien hâte de connaitre la suite de l’entretien avec Bruce White dans le Voir de jeudi prochain.
Décidément, le cinéma de répertoire est pitoyable… Toutes ses salles de projetions, sont en voies de disparitions!!! C’est d’une tristesse incroyable! Car, s’il existe des endroits, où tous cinéphilies de tous acabits, comptaient sur leur programmation, afin d’avoir une possibilité de visionner : «L’autre Cinéma, qui vient d’ailleurs» !!! Que ce soit du Japon, d’Allemagne, ou d’Australie etc. Faudra-t-il seulement lorgner du côté «Festival Du Cinéma»??? Et pourtant, ce que je n’arrive pas à comprendre, ce qu’il existe bel et bien, une véritable clientèle, toujours fidèle au rendez-vous!!! On parle de manque financier? Ce qui fut le cas, pour le : «Cinéma Du Parc», de Montréal! «De l’invasion des films Fast-food, dont les Américains sont rois?» Ce qui n’aide pas! Mais, il y a aussi, l’achat et location de DVD! Et les piratages, il faut bien se rendre à l’évidence aussi!!! Mais.. mais, et mais, il y a «une réussite»!!!! Peut-être, bien la plus belle, de toute : «La réussite du Bytowne», qui semble avoir trop, la voie… Peut-être, que d’autres salles de cinéma, devraient en prendre exemple??? C’est, une simple hypothèse, car, je ne crois pas qu’il existe quelqu’un, qui ait la solution : «pratico-pratique», qui pourrait convenir, à chacune d’elle! Ceci étant dit, il ne reste plus, qu’à souhaiter : Longue vie, et bonne chance!!!
Pour survivre, les cinémas de répertoire doivent miser sur une sélection de films irréprochable! Ainsi, lorsque je vais à l’Ex-Centris, à Montréal, je sais que j’y trouverai toujours des films intéressants et originaux, ce qui oblige à avoir des « dépisteurs » qui sondent un peu ce qui se produit sur cette planète et à en ramener les produits les plus exotiques. C’est ça qui fait, à mon avis, le succès de ce cinéma, couplé au fait que la qualité de la diffusion est hors-pair: système de son impeccable, aucune nourriture vendue sur les lieux et acceptée dans la salle, ce qui évite les bruits en tous genres, et finalement, les représentations commencent presque toujours toutes à l’heure. Quoi demander de plus? Ce n’est que par ce genre d’organisation et une sélection de qualité que ces salles survivront.