Les occasions sont rares de voir se réunir dans un même événement le milieu universitaire et le monde artistique du théâtre. Et c'est le centenaire de la naissance du grand homme de théâtre Samuel Beckett qui provoquera des échanges entre praticiens, théoriciens et étudiants de théâtre la semaine prochaine à Ottawa. Ainsi, à la brillante initiative du Département de théâtre et de lettres françaises de l'Université d'Ottawa (UO) ainsi que du Théâtre français du Centre national des Arts (CNA), l'Événement Beckett se présentera sous la forme d'un colloque les 27 et 28 octobre, ouvert au public, où l'on se penchera sur l'oeuvre et l'apport de cet auteur irlandais.
"On célèbre une des personnalités les plus déterminantes et influentes sur la façon d'écrire le théâtre au XXe siècle, de par le côté extrêmement radical de son écriture, la création d'images qu'il a amenée dans la culture et aussi sa pensée strictement scénique", résume Paul Lefebvre, du CNA, qui a organisé le colloque avec son comparse Joël Beddows, directeur artistique du Théâtre la Catapulte et professeur au Département de théâtre.
La fantasmagorie technologique de Denis Marleau, Comédie. photo: Maryse Boulanger |
Se déclineront des invités de marque – professeurs, metteurs en scène, doctorants, comédiens et critiques – ayant tous plus ou moins touché au travail de l'énigmatique Beckett, dont les André Brassard, Brigitte Haentjens, Jean Herbiet, Dominique Lafon, Jean-François Louette, Denis Marleau, Alexis Martin, Luc Moquin, Stuart Seide et Michael Sidnell. Ces intervenants agiteront donc la poussière vers une même direction, traitant des différents aspects de la dramaturgie beckettienne avec des conférences portant sur l'héritage de Beckett et la façon de le mettre en scène ou de le jouer aujourd'hui ainsi qu'un dialogue sur sa pièce centrale, En attendant Godot.
Se greffera au colloque la présentation en première nord-américaine de la dernière fantasmagorie technologique de Denis Marleau, sur Comédie de Beckett, avec les comédiens "absents" Céline Bonnier, Paul Savoie et Ginette Laurin (les 26 et 27 octobre). Une exposition intitulée Beckett, sa vie et son oeuvre sera également présentée dans le Foyer du Studio du CNA du 23 au 28 octobre de 9h à 22h.
En périphérie de l'Événement Beckett offert au public gratuitement, des stages et ateliers seront réservés aux étudiants de l'UO, avec une classe de maître en mise en scène de Denis Marleau et un cours de jeu animé par Stuart Seide.
En entrevue, Joël Beddows se dit très excité par l'événement: "Il y a un buzz au Département de théâtre et de lettres françaises en ce moment. On sent qu'il y a un événement, on sent l'importance de ce moment de réflexion et de contact entre apprenants et maîtres", remarque-t-il.
Et pourquoi est-ce que la tenue d'un tel événement aurait lieu à Ottawa? Et pourquoi pas? Selon Joël Beddows, l'événement est le reflet de ce qui bouillonne en ce moment dans la région sur le plan culturel. En effet, Ottawa prend de plus en plus sa place à l'échelle du pays pour son théâtre de langue française. Et beaucoup de passionnés tels Paul Lefebvre et Joël Beddows travaillent d'arrache-pied afin que cela ne cesse. Notamment avec une initiative de ce genre, qui place les étudiants devant des maîtres, forgeant ainsi leur esprit critique pour faire d'eux de meilleurs praticiens.
Et il ne faut pas être issu du milieu théâtral pour apprécier cet événement: toute personne s'intéressant de près ou de loin au théâtre y trouvera son compte. Ne serait-ce qu'en entendant des grands du théâtre canadien et étranger disserter sur un seul et même fascinant sujet, ce qui offrira un beau prélude à l'univers beckettien pour la lecture de Lorraine Côté d'En attendant Godot, au CNA du 12 au 16 décembre prochain. Pour détails complets sur l'Événement Beckett: www.nac-cna.ca/fr/theatrefrancais/beckett
ooo
EN BREF…
Au nombre des finalistes francophones des Prix littéraires du Gouverneur général de 2006, des auteurs de la région ont reçu une nomination pour leur oeuvre récente. Dans la catégorie Études et essais, Marie-Françoise Guédon de Chelsea s'est classée pour Le Rêve et la Forêt: Histoires de chamanes nabesna (Presses de l'Université Laval). Dans la catégorie Littérature jeunesse – texte, Françoise Lepage d'Ottawa est en lice avec Poupeska (Éd. L'Interligne). L'Ottavien Daniel Poliquin a pour sa part reçu une nomination pour sa traduction de The Man Who Wanted to Drink Up the Sea, L'homme qui voulait boire la mer (Éd. Les Allusifs). Le Franco-Ontarien d'origine maintenant Montréalais Jean-Marc Dalpé est finaliste dans la catégorie Théâtre avec Août: Un repas à la campagne (Éd. Prise de parole). La maison d'édition gatinoise Vents d'Ouest a aussi vu une de ses auteurs, Fernande D. Lamy, faite finaliste pour son livre jeunesse Cauchemar aveugle. L'annonce des lauréats se fera simultanément à Toronto et à Montréal le 21 novembre à 10h.
Je suis toujours un peu froid devant les productions de Denis Marleau. Dans cette Comédie, Marleau reprend la même distribution et le même format que ce qu’il avait fait il y a quelques années dans Les Aveugles. Si on ne peut qu’être ébloui devant la réussite technique, on est aussi ravi que la représentation soit aussi courte. Parce que l’immobilité des formes sur lesquelles on projette le visage des acteurs vient s’incruster en nous. Pour qui aime « écouter » des livres sur CD, ce type de théâtre est pour vous. Mais pour les autres qui, comme moi, aiment bien avoir une histoire et une interaction entre les personnages, vous risquez de vous ennuyer un peu une fois l’émerveillement passé de constater que les comédiens sont virtuels. On crie au génie devant le travail de Marleau mais je suis bien heureux de voir Mouawad prendre sa relève. Un peu plus d’émotif et un peu moins de cérébral.