Sur le fil

La vengeance des zizis

Est-ce mon imagination qui me joue des tours ou est-ce que l'organe sexuel masculin n'a pas gagné de terrain ces derniers temps comme sujet abordé dans la sphère culturelle? Ainsi, après que les femmes eurent revendiqué leur droit à l'égalité et à l'épanouissement de leur corps sur toutes les tribunes, voilà que l'homme tire un peu la couverture de son côté. Mais est-ce vraiment la volonté de l'homme ou un simple mouvement naturel de société? Après tant d'années de féminisme, il serait peut-être temps de relever le plat d'un peu de masculinisme? Quoi qu'il en soit, c'est un sujet brûlant qui demeure somme toute assez tabou. À preuve, on ose à peine prononcer le mot véritable, qui fait encore rougir nombre d'hommes à cravate et de femmes à tailleur…

La semaine dernière, un documentaire "assez sérieux quand même" – pour citer Christiane Charette qui recevait la réalisatrice Isabelle Raynauld à son émission -, Histoires de zizis, était diffusé à la télévision de Radio-Canada à l'émission Zone doc. On y voyait cinq hommes issus d'univers différents raconter leurs expériences privées, leurs préoccupations et les perceptions qu'ils ont d'eux-mêmes et de leur pénis. Bien au-delà d'un simple documentaire sur le sexe masculin, Histoires de zizis interrogeait la condition masculine d'aujourd'hui dans tout ce qu'elle a de plus intime, en constatant notamment l'évolution qu'a connu le symbole phallique autrefois vénéré. En plus des questions de virilité et de sexualité, on y abordait d'autre part les rapports de complicité, de doute, de plaisir et de douleur qu'ont les hommes avec leur organe reproducteur.

Dans ce même ordre d'idées, l'incontournable "cas Roberge" de la Planète Web a consacré une de ses capsules loufoques au pénis. Dans En manque de peau, Jean-Thomas Jobin et lui traitent de la question pointilleuse de l'apparence de leur "pastrami" (pour reprendre l'expression de Roberge dans Un trio tentant). Un autre sketch récemment mis en ligne sur lecasroberge.com met en scène trois amis désirant passer une soirée entre hommes à regarder un DVD des Pet Shop Boys, et ce, complètement nus devant du vin rouge et de la pizza. Malgré le ton peinard des vidéos du boute-en-train, on sent un réel intérêt pour une recentralisation des sujets masculins dans la vie de tous les jours. Sinon, à quoi bon Les Invincibles, Testostérone et autres 110 % du petit écran?

Le sexe masculin se fait donc une niche dans le domaine culturel, en littérature, en cinéma, en télévision, et puis quoi encore. Avec Les Monologues du pénis (publié chez Lanctôt Éditeur), Michel Pruneau consacrait récemment une "réponse structurée" aux Monologues du vagin d'Eve Ensler, oeuvre phare du féminisme créée en 1996, en posant un regard contemporain sur le zizi et, par définition, sur la condition masculine. À quand une adaptation au théâtre? au cinéma ? Ça ne saurait tarder. Le professeur en service social de l'Université d'Ottawa Simon-Louis Lajeunesse – qui a participé à Histoires de zizis – fera aussi paraître Sports et masculinité au printemps prochain chez H&O. Tant de manifestations qui prouvent que le masculin est hip en ce moment, et le zizi encore plus! Et c'est pas trop tôt! Puisque je ne vois en aucun cas ce masculinisme comme une menace au féminisme, mais plutôt comme un bon compagnon de guerre, capable de compréhension et de fraternité. Parce que l'émancipation des sexes pourra toujours rimer avec plus d'égalité.