Sur le fil

Un Noël d’ermite

Êtes-vous de ceux qui ont envie de plonger la tête dans le sable pour le temps que durent les festivités de fin d'année afin de revenir repus sans avoir pris part au grand tourbillon qui conjugue consommation à visites en famille? Êtes-vous de ceux qui cherchent désespérément le bouton «skip le temps des Fêtes» sur leur télécommande multi-usage pour passer outre la dinde, les boîtes de chocolats et les produits Avon que tantine vous offre chaque année? Je parie que vous êtes plusieurs de ceux-là qui n'ont jamais osé prendre congé! Or, il existe d'autres options et il n'est pas nécessaire d'endurer sept heures d'avion pour faire l'école buissonnière des Fêtes!

À l'émission Méchant Contraste! à Télé-Québec, un reportage fort percutant intitulé Noël en ermitage de la réalisatrice Sophie Caron portait justement sur le sujet. Diffusé à la mi-décembre, celui-ci faisait état d'une «alternative» aux réunions de famille rituelles: un ermitage solitaire complet dans la nature et le silence qu'offre le centre Ermitage Clair-Obscur du Lac-Simon en Outaouais.

Pourquoi aller à contre-courant en ce moment de rassemblements et de partys bruyants? Pour réfléchir, s'écouter, faire face à soi-même et s'éclipser des pressions culturelles relatives à cette période… Telle est la réponse de ses adeptes! Et la preuve en est faite qu'il ne faut pas être grincheux ou carrément maso pour tenter l'expérience! Simplement ne pas avoir un penchant particulier pour le faste et la superficialité des Fêtes et avoir le goût (et la capacité!) de se retrouver face à soi, dans son intériorité, il va sans dire! Les résultats sont, paraît-il, surprenants, autant sur le plan personnel et créatif que social. On revient dans la «civilisation» avec la pile bien rechargée, prêt à affronter ce que la vie nous réserve avec la nouvelle année qui commence. Et quel repaire tranquille ce doit être pour les artistes en recueillement ou en processus de création!

Dans la société de consommation et de divorces qui est la nôtre, nombre d'individus entretiennent des relations ambiguës avec le temps des Fêtes en raison d'une certaine nostalgie souvent attribuable à de mauvais souvenirs. Or, il y a aussi ceux qui fuient cette période tout simplement pour se protéger. «Je pense que Noël, autant ça nous donne l'impression que ça nous fait vraiment du bien, autant je pense que ça nous fait vraiment du mal», résume dans le reportage Andrée-Anne Tremblay,  une musicienne ayant fait l'expérience de l'ermitage. Lucie Dufresne, anthropologue à l'Université d'Ottawa, compare quant à elle les Fêtes à une pièce de théâtre où chaque acteur doit jouer un rôle en suivant un scénario écrit d'avance.

Pour ma part, d'année en année, les symptômes de l'écourite de saison s'agglutinent dans mon esprit, mais ils ne se font sentir qu'en période de magasinage – au constat du gaspillage hideux – ou à la vue des ridicules et combien laides décorations gonflées qui font un bruit de filtreur à piscine! Sinon, j'estime que chacun peut construire à souhait son petit ermitage intérieur (ou extérieur!) à l'échelle qui lui convient. Autrement, j'admire beaucoup ceux qui osent cette «transgression sociale» de skipper le temps des Fêtes. À l'heure du multiculturalisme, il est dans notre intérêt de s'ouvrir à d'autres options moins rigides qui permettent à chacun de s'épanouir comme bon lui semble en cette période de l'année.

Sur ce, passez-en des bonnes, en solo, en duo, en groupe, en famille ou à Cancun! Et la meilleure des années culturelles à vous pour 2008!

Pour en savoir plus sur l'Ermitage Clair-Obscur: http://www.ermitageclair-obscur.org/ et sur l'émission Méchant Contraste!: www.telequebec.tv/sites/mechantcontraste