Max Ernst, L'ange du foyer, 1937. Collection particulière. © Succession Max Ernst / SODRAC (2008)
Il m'apparaît toujours rassurant et emballant de constater qu'une institution fédérale de l'envergure du Musée des beaux-arts du Canada prenne encore des risques et ose faire face à l'adversité. En présentant Les Années 1930. La Fabrique de «l'Homme nouveau» cet été à son enseigne, le directeur du MBAC Pierre Théberge et son équipe prouvent qu'ils ne misent pas uniquement sur les blockbusters pour s'attirer les foules pendant la douce saison – et ce, alors même que l'été 2008 s'annonce «allégé» de touristes américains, qui préféreront rester au pays de l'oncle Sam en cette période où son économie vacille et où le dollar canadien est en puissance.
L'attente du public pour la saison estivale va pourtant dans le sens d'expositions plus ludiques (Grande Parade. Portrait de l'artiste en clown en 2004); picturales (Au temps de Watteau, Chardin et Fragonard en 2003); où on met en lumière les grands maîtres du dessin ou de la peinture (Léonard de Vinci, Michel-Ange et la Renaissance à Florence en 2005; Les Paysages de Renoir en 2007), etc.
Or, le MBAC ne donnera ni dans la dentelle ni dans les marguerites cet été. Après les jardins enchanteurs aux couleurs somptueuses du grand maître français de l'impressionnisme l'an dernier, les salles du Musée plongeront dans la torpeur, la noirceur, les paradoxes (construction/destruction, pureté raciale/diversité) de l'entre-deux-guerres: une décennie troublante, bousculée par des bouleversements politiques et idéologiques.
L'angle choisi compte aussi sa part d'audace: plutôt que de se pencher systématiquement sur la dimension politique ou sur le rapport de l'artiste au pouvoir en place ou au totalitarisme, l'exposition du MBAC se concentre sur le lien fécond entre l'art et la biologie. Depuis l'art «dégénéré» jusqu'au concept du «surhomme», les artistes répondent à ces idéologies des régimes totalitaires allemand, russe et italien en créant des ouvres qui ont pour objet central le corps humain. L'intérêt suscité pour les sciences de la vie voit émerger le concept de «l'homme nouveau» (en écho à la «race supérieure» du fascisme). En tout, près de 210 tableaux, sculptures, dessins et photographies d'artistes éminents tels que Dalí, Picasso, Arp, Kandinsky, Ernst, Miró, Giacometti et Sander pourront être appréciés.
En conférence de presse, le commissaire de l'exposition, Jean Clair, ex-directeur du Musée Picasso de Paris, a rappelé que seuls des musées nationaux abondamment financés tels que le MBAC pouvaient se permettre d'accueillir une telle exposition et que ce sera peut-être une des dernières occasions de le faire – les prêts étant de plus en plus onéreux et difficiles à obtenir pour cette période. M. Clair avait d'ailleurs déjà fait équipe avec Pierre Théberge pour l'importante exposition Les Années 20: L'Âge des métropoles, présentée en 1991 au Musée des beaux-arts de Montréal. Cette exposition constitue ainsi la suite logique et aura pris tout ce temps avant d'être assemblée.
L'été vous semble encore loin? Soit. Mais déjà, des institutions comme le MBAC mettent la table avec des expositions qui ne vous laisseront pas sur votre appétit. Ainsi, après avoir offert le «dessert» avec Renoir l'an dernier – pour reprendre l'allégorie employée par M. Théberge -, le MBAC offre une sélection de copieux et nourrissants fromages vieillis, certains au goût prononcé, d'autres à la chair bien coriace… Une belle grappe de raisins les accompagne: un catalogue abondamment illustré, une série de conférences, des ateliers, activités et projections de films complètent cette exposition pour une expérience encore plus riche. Les Années 1930. La Fabrique de «l'Homme nouveau» prendra l'affiche le 6 juin. www.national.gallery.ca
Visiter un musée peut souvent sembler une activité difficile, fastidieuse, longuette. Les surprises sont rares.
Il est vrai qu’on aime ce que l’on connaît. C’est rassurant; Renoir, Watteau, Fragonard. Les sujets sont faciles, les couleurs douces, la beauté est présente. On a vu des reproductions partout.
Les années 1930: L’homme nouveau…c’est étrange.
La publicité du Musée est toujours très bien faite. On a le goût d’y aller. La toile que vous nous présentez nous interpelle. On s’interroge. On sent qu’il y a de la matière. L’angoisse est forte. Les couleurs vibrent et font penser à ces toiles de la période romantique.En même temps, l’image est très moderne.
L’exposition sur les oeuvres de Mueck ne proposait pas des sujets faciles, mais j’ose croire que tous les visiteurs ont été ébranlés.
Est-ce que l’art, ce n’est pas aussi d’interroger, d’ébranler les certitudes ?
J’irai voir l’exposition. Bravo aux beaux risques.