Les Y, vous connaissez? Vous savez, ces jeunes dans la vingtaine, fringants, souvent prétentieux, technophiles, «médiavores», toujours bien fagotés et qui n'entendent pas se faire dicter quoi que ce soit… Mais attendez un peu, là, je suis une Y et je n'apprécie pas me faire mettre dans une boîte!…
On décrit la génération Y, issue des années 1980, comme celle de l'«enfant roi». Or, ces gamins gâtés pourris en mal de repères sont devenus de jeunes adultes et se présentent maintenant devant les employeurs avec leurs attentes et revendications bien précises. Ils persistent aussi à donner des maux de tête à leurs parents, qui leur ont pourtant payé la totale alors qu'ils «se faisaient chier» sur les bancs d'école ou qu'ils régnaient comme des Tanguy à la maison.
Carol Allain
Le conférencier, motivateur et ex-chargé de cours à l'UO et l'UQO Carol Allain s'intéresse depuis une quinzaine d'années à l'avant-dernière lettre de l'alphabet et à ses rejetons. C'est dans une édition revue et augmentée (après La Génération Y. L'Enfant roi devenu adulte en 2005) qu'il publiait le mois dernier aux Éditions Logiques Génération Y. Qui sont-ils, comment les aborder? Un regard sur le choc des générations.
Est-ce que le portrait qu'il brosse correspond à l'idée que je me fais de ma génération? Oui et non. J'ai certes moi-même côtoyé les «adultes rois», les «tout m'est dû» qui rouspètent à toute critique, passent leur temps à se plaindre et ne respectent guère tout semblant d'autorité. Mais est-ce que je suis prête à étiqueter ainsi tous les Y? Ça non. Du reste, la plupart des généralités dégagées dans cet essai font sourire, puisqu'on en apprend beaucoup sur les générations précédentes: la silencieuse (1901-1944), caractérisée par «l'oubli de soi», les baby-boomers (1945-1961), celle du «rajeunissement du vécu», la génération X (1962-1978) de la «libération des mours» et la Y (1979-1995) de la «séduction». Parfois en dialogue avec les générations précédentes, la Y est aussi souvent en rupture avec elles.
Les Y changent le monde
«Habitués de recevoir, habitués de séduire, habitués de s'exprimer, plutôt discrets, gourmands opportunistes, beaucoup plus revendicateurs que la génération précédente, les jeunes adultes contestent avant même que vous ayez dit un seul mot!» Voilà quelques lignes qui résument la pensée de M. Allain. Selon lui, la génération millénaire, entêtée, sera celle qui apportera le plus de changements dans la société. «Elle va faire fermer les agences de voyages parce qu'elle est capable de faire l'achat elle-même sur Internet. Les concessionnaires d'autos vont devoir réviser leurs façons de faire, tout comme les centres vidéo, les magasins à grande surface… les milieux bancaires, de l'hôtellerie, etc.» L'avantage des Y, selon M. Allain, c'est qu'ils sont peu nombreux (12 % de poids dans la population), mais que les emplois et opportunités pleuvent. Ils pourront alors changer d'emploi, de vie, de pays aussi souvent qu'ils le désirent. «Les employeurs qui embauchent ne peuvent même plus souhaiter du 30 ans… Les Y vont changer d'emploi au bout de cinq, huit ou dix ans! Et c'est bon pour les enseignants, les avocats, les comptables, les infirmiers, les policiers même.» Le maître en éducation est aussi convaincu que ce sont les Y qui vont faire subir des entrevues à leurs futurs employeurs et non pas l'inverse. Selon lui, l'obsession de la sécurité financière ou de l'emploi va aussi disparaître avec eux. «Les Y savent qu'ils vont travailler longtemps, alors aussi bien faire quelque chose qu'ils aiment et préserver leur santé», note M. Allain.
Crainte et perspective
Une crainte envers les Y? «L'échec. Vont-ils accepter l'échec amoureux ou professionnel? Vont-ils être capables de se relancer sans s'apitoyer sur leur sort? De passer au travers? Ce sont des êtres anxieux, tellement habitués d'être à l'abri.»
Le legs des Y… Que peut-on apprendre d'eux? «Le savoir dire. Les Y ont cette capacité de dire, de s'exprimer», souligne M. Allain qui décrit aussi les jeunes adultes millénaires comme des «découvreurs» ayant «une dimension d'artistes, en quoi ils se différencient plus radicalement encore des adultes des générations précédentes». «Il est porté vers l'action, vers le changement. Le Y va aussi nous apprendre l'importance de vivre sur des milliers de kilomètres carrés», relate-t-il, faisant référence à la dimension «citoyen du monde», à la qualité de tolérance et l'ouverture sur la diversité du Y.
«Cultivé, curieux, impatient, voyageur, instable et surtout, porteur d'une ambiguïté… et c'est à nous, la société, de s'adapter», affirme M. Allain dans un extrait de son livre sur son site Web (www.carolallain.com).
Vous reconnaissez votre employeur, votre enfant ou vous-même dans ces descriptions? Non? Ça viendra… Parce que les Y ne sauraient tarder à cogner à votre porte…