Sur le fil

Une femme sur son île

<p><strong><a href="http://www.voir.ca/blogs/popculture_gatineau/pop1_sdufour.jpg"><img src="http://www.voir.ca/blogs/popculture_gatineau/pop1_sdufour.jpg" border="0" alt="" /></a> </strong><em>«Je pense que je l'ai souhaité, ce qui m'arrive… Tiens, je vais le dire comme ça!»</em></p>
<p><strong> </strong><strong>Sylvie Dufour</strong> me reçoit sur son île un lundi matin, dans cet espace qu'elle occupe depuis le 15 juin, après une période de passation des savoirs octroyée par <strong>Gilles Provost</strong>, grand manitou du seul théâtre municipal au Québec. Cumulant 20 ans de carrière, Sylvie Dufour a été directrice artistique du Théâtre du Nouvel-Ontario à Sudbury pendant sept ans, puis a occupé cette fonction au Théâtre du Trillium d'Ottawa pendant 10 ans avant de prendre les rênes du Théâtre de l'Île. «C'est comme si ce poste était la somme des deux autres… Il a la vocation communautaire du TNO, mais je dispose de moyens et d'une expertise que je n'avais pas à l'époque. C'est une addition. Je l'aurais souhaité qu'il aurait fallu l'inventer, mais il était à portée de la main. La vie fait bien les choses», sourit-elle.</p>
<p>Consciente de l'indélébile empreinte laissée par Gilles Provost en ces murs, Sylvie Dufour compte forcément s'inscrire dans la continuité, en programmant des spectacles communautaires – elle a très hâte d'en monter un elle-même! – et des productions professionnelles – elle rêve de s'attaquer à un Molière!</p>
<p>En plus de «penser» le théâtre de 117 sièges fraîchement rénové, elle doit définir le mandat de deux autres espaces la stimulant au plus haut point: l'Espace René-Provost – «petite boîte noire à géométrie variable», plus alternative – et l'ancienne caserne de la rue Leduc. «Ce centre de production m'allume énormément. On y construit les décors, les costumes; on y répète. J'aimerais m'inspirer de modèles européens que j'ai observés pour lui donner une vocation communautaire; inviter le public à différentes étapes du processus de création: la construction du décor, les répétitions… C'est un concept peu connu mais réalisable», relate celle qui a justement travaillé ces dernières années à faire connaître l'«envers du décor» avec ses laboratoires de mise en scène ou son spectacle <em>Silence en coulisses!</em> «Quand on arrive dans la salle de spectacle, c'est comme magique, et on s'efforce de le faire croire aussi, mais derrière tout ça, il y a parfois 160-200 heures de travail, et ce sont ces heures que j'aimerais faire découvrir à la communauté.»</p>
<p>On se doute qu'elle reprendra le concept de ses laboratoires à l'Espace René-Provost, mais son appétit va encore plus loin. Toujours en l'axant sur la mise en scène, elle aimerait l'ouvrir à des communautés multiculturelles. «Le but n'est pas de "guettoïser", mais de rendre ce laboratoire inclusif en invitant différentes communautés, des troupes communautaires. Ça peut devenir une foire culturelle avec dégustations de mets traditionnels», suggère celle qui souhaiterait aussi offrir une fête de quartier annuelle qui proposerait des ateliers.</p>
<p>Les idées coulent comme le ruisseau de la Brasserie, donc. Des manques à combler? «Dans l'Outaouais québécois, il y a un manque sur le plan du développement dramaturgique. Appuyer le développement de nouveaux textes, entreprendre des démarches pour accompagner les auteurs, faire des mises en lecture… C'est pour moi une niche, une expertise à développer.»</p>
<p>En attendant son tour, elle verra défiler la dernière saison de son prédécesseur, en renouant avec le public de l'endroit – sa première mise en scène professionnelle, <em>Le Gars de Québec</em>, avait été réalisée en ces murs. Me présentant le chat errant blessé qu'elle a rescapé et qui a fait de l'île sa demeure, elle s'étonne encore de la beauté et de la sérénité des lieux. «En arrivant ici, j'ai constaté à quel point j'étais comme dans un bunker à Ottawa, avec le béton, les stationnements. Tellement que quand je suis arrivée sur l'île, j'avais de la misère à associer le travail à la beauté du lieu. C'était un peu vertigineux. Je m'émerveille encore», constate-t-elle. Qui oserait l'en blâmer?</p>
<p>Autrement, la femme insulaire fait doucement ses adieux au Théâtre du Trillium avec une dernière saison en cours et la reprise des <em>Monologues du vagin</em> en février. On annonçait la semaine dernière la nomination d'<strong>Anne-Marie White</strong> – celle-là même qui dirige le Théâtre de la Cabane bleue et qui était récompensée pour son spectacle <em>Écume</em> l'an dernier – à titre de digne successeure. «Je suis contente. C'est un beau choix. J'apprécie beaucoup cette jeune metteure en scène, qui ouvre d'ailleurs la saison du Trillium cet automne…» note Sylvie Dufour à propos de <em>Grincements et autres bruits</em>, présenté du 4 au 15 novembre.</p>
<p>De l'autre côté de la rivière, la dernière saison de Gilles Provost s'amorce avec la reprise de la pièce <em>Les Amours mûres</em> dès le 17 septembre.</p>