Sur le fil

Faire déambuler l’art

Les circuits d'art ambulatoire sont une merveilleuse occasion d'aller à la rencontre des ouvres d'art, qu'elles soient plantées dans le décor urbain ou qu'elles fassent l'objet d'installations temporaires. Des initiatives comme Projet Rideau/Rideau Project (présenté lors du dernier Magnetic North et Zones théâtrales), où six pièces prenaient vie dans des lieux inusités de la capitale, permettent non seulement de décloisonner une forme d'art (ici, les scènes théâtrales anglophone et francophone), mais d'aiguiser le sentiment d'appartenance des participants. D'autres activités de cette trempe incitent les amateurs d'art de la région à enfiler leurs espadrilles: une Tournée pédestre des galeries d'art du Marché By sévit jusqu'au 31 octobre au centre-ville; les lieux périphériques jouissent pour leur part de tournées des ateliers d'artistes…

D'autres types de circuits urbains s'intéressent plutôt à l'histoire, à l'histoire de l'art ou à l'architecture. Je pense notamment à la Promenade des écrivains dans la ville de Québec, où les férus de polars ou de romans découvrent des lieux ayant inspiré leurs auteurs (Alain Beaulieu, Jacques Côté, Stanley Péan, Jean-Jacques Pelletier) au fil d'une balade dans les vieux quartiers… À Ottawa, la popularité des Marches hantées – à saveur historique, anecdotique et fantomatique – ne se dément pas, surtout à l'approche du jour des morts!

Un circuit la nuit

Ma curiosité a ainsi été vigoureusement piquée à la découverte d'un autre circuit nocturne ottavien du nom de Nite Ride… Ce projet nous arrive d'Artengine, un centre d'artistes autogéré à but non lucratif qui s'intéresse surtout à l'art électronique et à son évolution. On troque ici la déambulation piétonne pour un moyen de transport des plus communs – un autobus – pour une tournée nocturne urbaine. Or, le véhicule a ceci de particulier qu'il est équipé d'un système de son surround 5.1 qui diffusera des créations audio originales de deux artistes canadiens bien en vue, Tim Hecker et Marla Hlady.

Le directeur artistique d'Artengine, Ryan Stec, a eu le «flash» de Nite Ride dans sa voiture, en pleine nuit, en revenant du nord de l'Ontario, alors qu'il écoutait le dernier album de Hecker, Mirages. Observant le contraste entre l'encre noire des arbres et de la chaussée et les illuminations des phares et autres feux qui semblaient danser au rythme de la musique, il a songé à une installation qui permettrait à des artistes de créer une trame sonore sur un parcours nocturne spécifique. Avec le soutien du Conseil des arts du Canada, il a passé la commande aux deux créateurs, qui se sont spontanément tournés vers le Parc de la Gatineau comme destination de choix. Le départ du centre-ville permet ainsi la transition des paysages urbains vers les espaces naturels, des états habités vers les états sauvages.

Deux artistes, deux trajectoires fort différentes. Issu de la musique électronique, Tim Hecker (www.sunblind.net) a composé une trame sonore ambiante qui se moule aux sons mécaniques et furtifs de l'autobus en marche. De son côté, l'artiste visuelle Marla Hlady (www.marlahlady.com) a privilégié une approche plus expérimentale en utilisant cinq boîtes de bois munies de haut-parleurs et d'interrupteurs à mercure que les participants s'échangeront au fil du trajet, altérant ainsi la bande-son.

Les excursions de Nite Ride se dérouleront du 23 au 31 octobre au gré de quatre départs par soir (à l'exception du lundi), entre 19h et 22h à partir de la Galerie d'art d'Ottawa (2, avenue Daly). À l'issue de ces neuf jours, Artengine lancera le site Web Nite Ride, comprenant les fichiers mp3, des cartes Google Maps ainsi que des guides PDF qui permettront à quiconque de vivre l'expérience Nite Ride dans le confort de sa bagnole ou de son bolide. «Nous concevons ce projet comme un ajout au paysage d'Ottawa-Gatineau, comme une expérience culturelle propre à la région. Nous espérons que ça devienne un truc intéressant à faire dans le coin, lorsque des amis sont en visite ou juste pour le plaisir. On y découvre la ville d'une tout autre façon», constate Ryan Stec. Pour en savoir plus sur le projet et pour connaître les lieux de vente des billets (10 $ par trajet à l'avance, 15 $ pour les deux trajets), visitez http://niteride.ca.

N. B.: Si vous avez le jingle publicitaire télévisé de Lite-Brite dans la tête après avoir lu cette chronique, dites-vous que vous avez été contaminé par le ver d'oreille de celle qui a écrit ces lignes… Nite ride, nite ride, turn on the magical shining light! Nite ride, make them glow so bright!

© Paul Galipeau