Une nouvelle exposition a pris l'affiche au Musée canadien des civilisations (MCC)… Eh non, je ne parle pas ici d'Afghanistan – Les Trésors retrouvés (ouverte depuis le 23 octobre), qui vaut certes le déplacement mais à laquelle renonceront sans doute nombre de visiteurs régionaux, par principe. Pas chic chic de franchir des piquets de grève – en l'occurrence celle qui secoue les 420 employés de la Société du Musée canadien des civilisations depuis maintenant six semaines. Peu importe les enjeux en cause, il est généralement plutôt mal vu de faire fi des revendications de travailleurs en traversant leur barrière symbolique. Pensons à la conséquence qu'a eue cette grève sur le taux d'achalandage du Rendez-vous international de la BD de Gatineau début octobre, qui a enregistré une baisse de 46 %. Aïe.
Revenons à cette nouvelle exposition pas comme les autres, Les Véritables Trésors: l'exposition, qui, elle, ne poussera pas le visiteur à rebrousser chemin ou à baisser la tête… Initiative des grévistes, l'installation extérieure montre le visage de 200 des 420 travailleurs représentés par l'Alliance de la fonction publique du Canada. Croqués par la photographe Marie-Louise Deruaz dans le froid automnal, les sujets sont pour la plupart emmitouflés sous tuque et foulard et arborent presque tous le sourire. «Malgré tout, sur les lignes de piquetage, il s'est développé un sentiment de solidarité incroyable entre les employés. Les gens sont contents de se retrouver, de se soutenir», de constater Karine Lelièvre, planificatrice en interprétation au MCC depuis cinq ans.
Les employés en grève souhaitent que cette exposition – où leur poste affiché permet de constater la variété des emplois occupés – de même que les cartes postales distribuées sensibiliseront la population à leurs requêtes, qui se résument à la sécurité d'emploi et à la parité avec les autres musées nationaux de la région de la capitale.
Biscuits gaufrettes et klaxons
Franchir les quelques pas menant à l'installation de photos volantes s'avère une expérience en soi pour le badaud qui daignera observer l'organisation de centaines d'employés en grève. À mon arrivée, une cinquantaine de personnes sont réunies sur le trottoir de la rue Laurier le temps d'une réunion express, truffée de mots d'encouragement. Sous une tente, à côté de biscuits gaufrettes, deux cafetières commerciales distribuent un café qui doit agir comme un baume en ce froid matinal où le mercure vient à peine de dépasser le niveau de gel. Au sol, on a éventré des citrouilles qui portent des messages connexes à ceux que l'on trouve sur les grévistes-sandwichs. Le temps de parcourir les images avec, au verso, la Loi sur les musées nationaux (comme lieux d'inspiration, de préservation du patrimoine, etc.), ainsi que le panneau adjacent (Nous sommes passionnés par notre travail. Nous croyons au rôle primordial que les musées jouent au sein de nos collectivités…), le visiteur pourra entendre, telle une mélodie désorganisée et chaotique, son lot de klaxons comme autant de cris d'encouragement des automobilistes à l'endroit des grévistes. Une autre bouffée de fournaise pour les lèvres gercées et les doigts crispés qui manipulent affiches, sifflets et mains clap-clap.
De tels trésors ne sont pas faits pour êtes préservés à l'extérieur. Ils pourraient s'effriter, perdre de leur éclat, de leur valeur… Espérons que les deux parties s'entendront rapidement pour que les visiteurs puissent à nouveau venir à la rencontre de ces trésors humains, soulagés et au chaud!