Par la porte des machines à sous
En me garant près de l'entrée de l'Hôtel Hilton du Lac-Leamy pour me rendre à l'ouverture du Festival du film de l'Outaouais (FFO), j'avais complètement oublié les récents changements qui m'avaient tant fait sourciller lors de ma dernière visite au Théâtre du Casino. Le passage vers le théâtre par l'hôtel a été bloqué. Les larges portes de bois menant au foyer principal ont été condamnées, verrouillées – défense d'y entrer. Désormais, le visiteur doit pénétrer par l'entrée du casino, où il se fera demander une pièce d'identité (ou pas, selon l'apparence de ses traits et de sa toilette), et il sera invité illico à déposer son manteau au vestiaire. Une pelure en moins, il devra suivre les petites pastilles au sol qui le mèneront jusqu'au théâtre, en passant par des rangées de machines à sous au son clinquant, apercevant au loin les tables de black jack et la nouvelle salle dédiée au poker. Inutile d'insister, il est dorénavant impossible d'aller apprécier un spectacle au Théâtre du Casino sans être victime de cette mascarade qui vise sans doute à inciter les visiteurs à jouer. Passage obligé désagréable et assommant. Cette nouvelle politique implique évidemment que les moins de 18 ans ne sont plus admis dans l'enceinte du théâtre. Finie cette époque où des parents pouvaient amener leur progéniture voir le dernier spectacle du Cirque Eloize, un hommage à Elvis ou une revue musicale flamboyante. Ces plaisirs sont réservés aux adultes, ont tranché les administrateurs du casino.
Cette nouvelle approche a choqué des cinéphiles qui venaient prendre part à l'ouverture du FFO. Les billets achetés en main, un père de famille a été avisé à l'entrée du casino que sa fille de 14 ans ne pouvait accéder à la soirée – et ce, même si on avait accordé une permission spéciale à la comédienne de 15 ans Geneviève Chartrand (Le Journal d'Aurélie Laflamme), qui remettait le Totem d'or à François Macerola. «Pourquoi ne pas avoir ouvert les portes par lesquelles on entre habituellement?» se questionne Didier Farré, directeur du FFO, qui compte bien aborder ce problème une fois la 12e édition terminée pour éviter une telle déception l'an prochain. «C'est dommage parce qu'on va dans les écoles pour attirer une clientèle plus jeune et eux les refusent. Ce théâtre a quand même coûté cher au gouvernement, il devrait être ouvert à tous les âges», constate le directeur qui trouve «gênant» le passage par les machines à sous pour un événement culturel. «Ils espèrent peut-être attirer quelques-uns de nos clients?» ironise-t-il.
Mise en place depuis octobre dernier, la nouvelle mesure – que j'avais relevée sur mon blogue en novembre – soulève pour la première fois l'indignation du public et n'a pas fini d'incommoder. Le réaménagement de la salle, au coût de 3,2 millions, visait notamment à combler le vide laissé par des centres de congrès en mutation… Or, en bannissant les personnes mineures, le théâtre n'est pas près d'attirer la prochaine Expo-sciences ou le Rendez-vous de la BD!
Que le casino fasse subir la procédure à sa programmation (très «baby-boomer») passe encore, mais qu'il l'impose aux événements dont il est l'hôte – Rendez-vous des saveurs de l'Outaouais, gala d'excellence du RGA, FFO… – égratigne. Les jeunes n'ont-ils pas droit au divertissement, à la culture et aux divers rendez-vous thématiques régionaux? Ne sont-ils pas ces publics de demain?
La politique est là pour de bon, aurait confirmé Loto-Québec à une journaliste du Téléjournal Ottawa-Gatineau de Radio-Canada, ne voulant pas élaborer davantage. Dossier clos. Il faudra se tourner vers une autre salle pour du divertissement tous azimuts. Il est à espérer que les usagers de la salle y penseront à deux fois avant d'y présenter un événement «majeur». La supervision des enfants est conseillée.
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