Des airs de plateau
Ne soyez pas trop estomaqués si, d'aventure, vous vous voyez dans l'obligation de changer votre chemin habituel pour vous rendre au boulot parce qu'un périmètre privilégié a été bouclé… Ou si, au sortir du café du coin, vous apercevez au loin une horde d'individus manouvrant des appareils sophistiqués, se donnant des airs d'équipe de tournage. Vous ne rêvez pas, ces choses-là se peuvent dans la région de la capitale nationale! Et de plus en plus, s'il faut en croire les dernières nouvelles confirmées par la Société de développement du film et de la télévision d'Ottawa-Gatineau (SDFT)…
Si les cinéastes braquent de plus en plus leurs caméras loin des grands centres – pensons à Bernard Émond, qui a choisi le décor aride de l'Abitibi pour La Donation, et plus récemment aux tournages d'Olivier Abbou, qui a choisi Granby et Bromont pour Territoires; de Sébastien Pilote, qui campe son premier film Le Vendeur à Dolbeau-Mistassini; d'Andrea Marotti, qui a fait de l'abbaye d'Oka le quartier général de son film d'horreur 3D Hidden, etc. -, il semble que les villages rustiques et autres coins éloignés aient primé sur les centres urbains.
Longtemps boudée par les producteurs et cinéastes, la région de la capitale nationale n'a pas su tirer son épingle du jeu, spécialement vis-à-vis des incontournables Montréal et Toronto. Or, le vent a peut-être tourné en sa faveur: après avoir été l'hôte des prix Génie l'an dernier, la région de la capitale pourra dérouler à nouveau le tapis rouge puisqu'on y annonce déjà sept tournages d'importance pour 2010.
Le «printemps de superproduction», tel que qualifié par la Ville d'Ottawa, s'est amorcé avec l'arrivée de l'équipe de production du film américain Sacrifice, qui sera tourné dans son entièreté à Ottawa. Le centre-ville, le Marché By, l'église St. Brigid, une compagnie locale de taxi et une soixantaine d'artisans de la région y seront mis à contribution. Avec Christian Slater et Cuba Gooding Jr. pour têtes d'affiche, le film indépendant doté d'un budget de 6,8 millions de dollars rapportera des retombées significatives régionalement.
Après tant d'années d'efforts, la SDFT ne peut que se réjouir des récentes avancées de la région. Le vent en poupe, l'organisme, qui vient de déménager ses pénates au Centre des arts Shenkman d'Orléans (après avoir résidé à Gatineau depuis sa fondation en 2003), peut désormais bénéficier des infrastructures de son nouveau logis, notamment La Boîte noire, où deux séries pour enfants seront produites.
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Sur le site de la SDFT, des photos de la région défilent, comme pour offrir un panorama succinct et séducteur de son apparence: une piste cyclable au mur jalonné de graffitis, une rue propre du centre-ville, le Marché By, des points de vue intérieurs du Musée des beaux-arts…
Ailleurs, les régions rurales charment pour leurs paysages, leur tranquillité, leur cachet unique… Quelles sont les cartes à jouer de la capitale dans cette joute à plusieurs? Sa variété de lieux de tournage entre la nature et la ville, sans doute, mais aussi sa malléabilité (pour Sacrifice, Ottawa se prendra pour Toronto et Los Angeles). Les frais de tournage sont avantageux, sans compter que la région compte une main-d'ouvre qualifiée, ainsi que de nombreuses entreprises spécialisées des deux côtés de la rivière. Elle fourmille aussi déjà d'une relève avide, entretenue par l'École multidisciplinaire de l'image, le mouvement Kino et le support de la SDFT (www.ogft.com). Suffisant pour se positionner en tête de peloton? Certainement pas, mais pour devenir un complément aux deux centres environnants, oui, espère-t-on.
© Ville d'Ottawa