«La radio est le théâtre de l'imaginaire.» C'est sous cette prémisse audacieuse mais aujourd'hui surannée que la radiodiffusion a fait son entrée dans les foyers de centaines de milliers de Canadiens au début du 20e siècle. Depuis, si le média reste ce compagnon jovial et omniprésent, il vit, sans aucun doute, des jours d'incertitude (comme n'importe quel média dit traditionnel): les francophones écoutent de plus en plus la radio anglophone, l'auditoire total semble s'effriter et que dire des générations futures d'auditeurs, qui laisseront difficilement tomber leur lecteur mp3 au profit de la radio. Sous cet éclairage peu reluisant, il est normal de se questionner à l'annonce de l'ouverture non pas de une, mais de TROIS stations radiophoniques dans la région – Ottawa-Gatineau reste le marché le plus saturé au pays avec tout près de 30 stations. Réussiront-elles à avoir leur part du gâteau, aussi petite soit-elle?
Les nouveaux joueurs entrent en scène
Avec son contenu destiné principalement aux femmes, la station EZ Rock, propriété d'Astral Media (NRJ, RockDétente, Virgin Radio), entend se démarquer en diffusant, pendant les heures de bureau, des suites musicales de 99 minutes. Dawg FM a, quant à elle, un mandat on ne peut plus singulier: s'établir comme la première station blues au Canada. Les iconiques Eric Clapton, Stevie Ray Vaughn et Jimi Hendrix peuvent déjà être écoutés sur la fréquence 101,9. Par ailleurs, les échos entendus à propos de CJFO, la Radio communautaire francophone d'Ottawa, sont favorables; Rémy Paquette, un habitué des ondes hertziennes gatinoises, vient tout juste d'en être nommé directeur général. Il faudra surveiller l'annonce d'une programmation complète. Au sein de chacune des organisations, c'est l'excitation et l'euphorie des premières fois.
Stupeur et tremblements
Cette frénésie se fait malheureusement de moins en moins sentir au sein même des organismes chargés de mettre cette industrie en valeur. «L'industrie de la radio a beaucoup évolué ces dernières années. Le conseil d'administration a pris la décision de cesser les activités du BCRQ [Bureau de commercialisation de la radio du Québec] afin de mieux réfléchir sur la voie à prendre. Dans les prochains mois, les acteurs de l'industrie se pencheront ensemble sur les enjeux qui les attendent afin de déterminer la meilleure façon de faire face aux nombreux défis et enjeux industriels.» Ce communiqué laconique du BCRQ – organisme créé dans le but de promouvoir l'efficacité de la publicité radio et de faire valoir son impact auprès des annonceurs et des agences de publicité – diffusé la semaine dernière démontre parfaitement à quel point l'industrie est plongée dans une ère d'incertitudes et dans quelle mesure elle se retrouve sans repères.
Souvenirs d'aujourd'hui
J'apprécie notre radio pour plusieurs raisons. Pour ses services de base. Pour sa facilité d'accès. Pour ces souvenirs qui vous plongent, telle une DeLorean virtuelle, en plein cour d'une époque charnière. Première peine d'amour? Iris des Goo Goo Dolls. Premier radiocassette? Tourne la page de René et Nathalie Simard. Si nos «théâtres de l'imaginaire» sont de moins en moins fréquentés et qu'on doit, soir après soir, remanier leurs spectacles principaux, il semble impensable qu'on veuille construire d'autres théâtres, plus grands et plus beaux. C'est pourtant le cas. Le clou du spectacle a beau être toujours aussi joli et particulier, reste à savoir s'il le restera encore longtemps. Ce que je souhaite ardemment.