Reculons dans le temps, voulez-vous? 1976! Les pantalons pattes d'éléphant, les coupes de cheveux afros, les Jeux olympiques de Montréal… Vous vous souvenez de la place que prenait le français à Ottawa? Certes, les francos étaient indubitablement présents à l'époque, mais leur réalité était bafouée. Queen's Park ne reconnaissait alors pas le statut particulier des francophones ontariens, ses services n'étaient pas offerts dans la langue de Molière. Les manifestations dans les rues de la capitale nationale étaient monnaie courante. «On avait peur de passer, même au sein de notre communauté, pour une gang de chialeux», se remémore Pierre de Blois, membre fondateur du Festival franco-ontarien. Soudain, les mentalités évoluèrent. Ainsi naquit ce festival, qui «a permis à la culture franco-ontarienne d'émerger des sous-sols d'églises pour jouir d'une visibilité sans précédent». Quand on pense en plus à l'existence de l'Association des professionnels de la chanson et de la musique (APCM) (qui fête son 20e anniversaire) et à l'éclosion d'une multitude d'organismes et de fondations qui mettent en valeur et protègent les droits des francophones d'ici, on peut se donner une légère tape dans le dos, avoir le sentiment d'un devoir accompli. Bravo.
Épicuriens, santé!
La Fondation franco-ontarienne (FFO), organisme dont le mandat principal est d'appuyer financièrement la réalisation d'initiatives qui assurent la vitalité de la communauté franco-ontarienne, fête cette année son quart de siècle. Avec l'objectif ambitieux d'amasser un million de dollars, l'organisme se lançait, au début de l'année, dans une campagne de financement exceptionnelle. Fort pertinemment, la FFO a pris soin d'associer l'image franco-ontarienne – dans ce cas-ci, le drapeau – à deux produits culturellement très «français»: le fromage et le vin. En s'associant à la Fromagerie Saint-Albert, coopérative archiconnue de l'Est ontarien, la FFO lançait ce printemps le Franco, premier fromage franco-ontarien, dont la vente, déjà en cours, pourrait totaliser des gains de plus de 75 000 $ au cours des prochains mois. La réputée entreprise vinicole Sandbanks Estate Winery du comté de Prince Edward, dans le sud de l'Ontario, a quant à elle annoncé la création de la cuvée spéciale franco-ontarienne. En attendant de pouvoir vous procurer les deux – délicieux! – vins en vente libre dans les LCBO, vous pouvez les commander via le site Internet de la fondation (http://www.fondationfranco-ontarienne.ca/), et le vignoble se charge des frais de livraison! Génial, non?
Cool, pas cool?
«Grandir en étant francophone dans un milieu majoritaire anglais, c'est loin d'être facile. On a juste l'impression d'être pas cool», me confiait récemment l'auteure-compositrice de Timmins Cindy Doire, qui partagera la scène avec Andrea Lindsay, Louis-Philippe Robillard, Mighty Popo et Tricia Foster ce week-end au 35e Festival franco-ontarien. Je n'ai pas de peine à la croire. Même si une multitude d'organismes viennent appuyer la conservation de la langue et que ces derniers ont marqué plusieurs points politiques d'une importance cruciale au fil des décennies, la joute est loin d'être gagnée. On pourrait même affirmer que la prochaine manche se joue dans nos propres cours d'école. Quoi faire pour convaincre nos jeunes francophones d'acheter l'album de Swing au lieu de celui de Lady Gaga ou de choisir TFO au lieu de MTV? Si la culture populaire dite «française» se mesure difficilement à la culture anglophone – ce à quoi la musique québécois échoue -, il faudra sans doute se doter de mécanismes encore plus puissants de valorisation de la langue. Mais tout est possible, n'est-ce pas? Je n'ai probablement pas besoin de vous rappeler où nous en étions en 1976…
On a remis un «billet à vie» aux bâtisseurs du Festival franco-ontarien. De gauche à droite: Sébastien Lorquet, président, avec Pierre de Blois, Rhéal Leroux, Georges Bédard, André Levesque, Michel Gauthier.