La petite fille aux allumettes
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La petite fille aux allumettes

Il faisait effroyablement froid; il neigeait depuis le matin; il faisait déjà sombre; le soir approchait, le soir du dernier jour de l'année. Au milieu des rafales, par ce froid glacial, une pauvre petite fille marchait dans la rue: elle n'avait rien sur la tête, elle était pieds nus.

Première vraie tombée de neige outaouaise de l'hiver. Les rues sont glacées, la circulation en fait rager plus d'un, comme d'habitude. Incognito, j'ai les deux pieds dans la neige (mes orteils me supplient de me trouver de meilleures bottes); je visite le site sur lequel on bâtira le méga-centre de Moisson Outaouais. Situé en bordure de l'autoroute 50, tout près de la Laiterie de l'Outaouais, le chantier est bien entamé. Curieux, puisque la première pelletée de terre – ou de neige, c'est selon – aura lieu dans quelques heures. «C'est une façon symbolique de souligner la mise en chantier du complexe. Le but était aussi d'expliquer pourquoi nous avons tenu à amorcer la construction même si nous sommes toujours en campagne majeure de financement. On a besoin de 2,6 millions de dollars et nous ne sommes qu'à 19 % de notre objectif», explique Jean Pigeon, directeur et fondateur de Moisson Outaouais, joint un peu plus tard par téléphone. Il expliquera au cours de la conversation que la mise en chantier s'est avérée indispensable puisque le partenariat entre la Banque alimentaire d'Ottawa et l'organisme prendra fin en juin 2011.

L'enfant avait ses petites menottes toutes transies. «Si je prenais une allumette, se dit-elle, une seule, pour réchauffer mes doigts?» C'est ce qu'elle fit.

Ce sont trois influents hommes d'affaires de la région, Gilles Desjardins, Charles Beaudoin et Pierre Villeneuve, qui ont offert le financement nécessaire à la mise en branle de la construction du complexe, dont l'ouverture est prévue pour mars 2011. «Ce complexe sera un outil qui viendra bonifier les services qu'on offre déjà. On pourra, dès lors, maximiser la distribution et la conservation de la nourriture en Outaouais, comme des produits frais, qui abondent l'été. En ce moment, on ne peut pas accepter ce genre de denrées, faute d'espace et de locaux», explique Pigeon.

Et l'enfant alluma une nouvelle allumette, et puis une autre, et enfin tout le paquet […].

Les besoins de tous les jours, eux, sont toujours aussi patents. «Il nous manque toujours quelque chose. Ce qu'on vit en décembre, c'est ce qu'on vit en tout temps au cours de l'année. Pendant la période des Fêtes, on compte donc sur la générosité des gens pour renflouer les coffres. De 2009 à 2010, la demande a augmenté de 9 %; on voit de plus en plus de nouveaux visages. Par les 27 organismes desservis par Moisson Outaouais, on arrive seulement à aider 7000 des 31 000 familles dans le besoin. C'est triste.»

Le lendemain matin, cependant, les passants trouvèrent dans l'encoignure le corps de la petite; ses joues étaient rouges, elle semblait sourire; elle était morte de froid, pendant la nuit qui avait apporté à tant d'autres des joies et des plaisirs.

Alors que j'avais les deux pieds dans la neige, le triste conte d'Hans Christian Andersen m'est revenu en mémoire. Je ne veux pas donner dans l'infopub larmoyante, mais compte tenu de notre économie qui ne tient toujours qu'à un fil, ce conte se révèle toujours aussi criant de vérité et on ne peut plus actuel. Elles existent, ces petites filles aux allumettes, ici en Outaouais.

Vous qui lirez ces lignes, vous détenez le pouvoir de craquer ces allumettes de l'espoir qui viendront éclairer le Noël de votre voisin à la famille nombreuse, de cet homme à la bouille sympa que vous croisez chaque jour à l'arrêt d'autobus, de cette femme qui vous sert votre habituel café du matin. Pour info et pour prendre part à la collecte de fonds: http://www.moissonoutaouais.com/

 Première pelletée de terre

1ère pelletée de terre du complexe Moisson Outaouais. De gauche à droite: Sylvie Saint-Pierre Babin, présidente du conseil des représentants Desjardins de la région, Jean Pigeon, directeur général de Moisson Outaouais et Benoît Pelletier, président de la levée de fond en cours.