Comme neige au soleil
Sur le fil

Comme neige au soleil

J'ai 10 ans. Un peu surexcité, le type qui ne tient jamais trop longtemps en place. Ça fait mon charme, dit ma mère. Mon frère jumeau et moi sommes fanas de musique pop; nous adoptons tout ce qui fait vibrer nos tympans, comme n'importe quels gamins de l'époque: les p'tits Simard (Tourne la page a donné lieu à quelques embarrassants spectacles improvisés), Mitsou et, inévitablement, Céline Dion. De passage dans mon Québec natal pour souligner ses 10 ans de carrière, la cadette de la famille Dion se fait de plus en plus populaire, surtout depuis ce relooking qu'on qualifie alors d'audacieux et la parution de Unison, son si controversé album anglophone. Voyant l'occasion de faire un bon coup, mes parents traînent leurs quatre enfants à son spectacle-célébration.

Je ne me souviens plus de grand-chose du concert, sinon de vagues échos de Where Does My Heart Beat Now? et de l'obscure première partie de Breen Lebouf. De ce nuage d'effluves de barbe à papa, de bons sentiments et d'unité familiale,  une impression s'impose: la musique vaut le déplacement. Pour que ma famille se soit déplacée pour aller écouter un brin de femme filiforme s'époumoner devant des centaines de personnes, il était clair que ça s'inscrivait comme un événement colossal. Le concert importait.

Devant le sablier qui égraine inlassablement les minutes qui nous séparent de l'ouverture de la nouvelle édition de Bal de Neige (du 4 au 21 février), je ne peux m'empêcher d'éprouver une certaine nostalgie par rapport à ce souvenir qui vient embrumer mes pensées. Parce que cet épisode de mon enfance me force à jeter un sombre constat: la culture du concert populaire faiblit à vue d'oil. Du moins, dans la région d'Ottawa-Gatineau. Et il ne faut pas pousser l'investigation bien loin pour arriver à cette conclusion, puisque des exemples, il en pleut: le Festival des tulipes qui mise désormais sur des volets multiculturels, le SuperEx du parc Lansdowne qui après avoir accueilli jadis moult concerts-événements, dont ceux de Janet Jackson, des Stones et de Depeche Mode, n'offre désormais que quelques timides concerts çà et là au gré de sa programmation estivale, et, finalement, notre grande danse hivernale, le Bal de Neige, qui lui aussi baisse les bras et délaisse ses présentations musicales extérieures sur le canal Rideau (on avait notamment vu, dans les années passées, Ariane Moffatt et DJ Champion). L'organisation justifie cette décision par la mise en branle d'un ambitieux plan vert qui vise à diminuer ses émissions de gaz carbonique.

Soit. Cette audacieuse prise de position de la part de la Commission de la capitale nationale se révèle – à la lumière du réchauffement climatique planétaire et du stoïcisme politique dont notre gouvernement fait inopportunément preuve quant à la question environnementale – on ne peut plus louable et arrive à point. Je lève mon chapeau. Cela dit, il s'avère toujours déplorable d'observer l’offre annuelle de concerts extérieurs (pour la plupart gratuits) fondre comme neige au soleil. Comment peut-on arriver à développer une respectable culture du concert de génération en génération si cette dernière se révèle le moindre souci de nos plus grands joueurs culturels?  

/ Bal de Neige, ce weekend:

Cérémonie d'ouverture, avec le spectacle du Projet des parcs nationaux

Au Musée canadien des civilisations (MCC) / Le 4, dès 19h

Igloofest — avec DJ Niggretzky, Greg Pidcock et autres

Au MCC / le 5, dès 18h

Reflets de glace

Parc de la Confédération / Tous les jours

Bal de Neige 2009

 Photo: Martin Gonzales Mendizabal 
Conséquence d'une audacieuse prise de position environnementale de la part de la Commission de la capitale nationale: les concerts gratuits sur le canal Rideau ne sont plus