Dans l'ordre de nos besoins et des objets de nos passions, le plaisir tient une de nos premières places, et la curiosité est un besoin pour qui sait penser.
– Jean Le Rond d'Alembert
Je suis de ceux qui savent lire et écouter de la musique simultanément. J'en suis très fier. Peut-être est-ce dû à mes taciturnes années de collège, où j'étais scotché à mon discman. Peut-être pas. Toujours est-il qu'il n'est pas rare pour moi de vouloir revisiter un disque et de me voir aussitôt replongé dans l'univers tantôt coloré, inquiétant, réaliste ou saugrenu d'un quelconque roman qui m'est passé entre les mains par pure obligation, par ennui ou par simple bonheur de lire. Que ce soit Chrystine Brouillet (Fiona Apple), André Gide (Joy Division) ou Patrick Senécal (Benjamin Biolay), c'est plus fort que moi, j'appose quasi systématiquement à l'univers littéraire proposé par l'auteur une trame sonore distincte qui viendra teinter mon expérience livresque et qui la fixera – et c'est le plus intéressant – dans un espace-temps bien précis. Telle est la façon que j'ai de passer mon temps sous les couvertures. Façon qui doit discorder en tous points de votre définition du plaisir de lire: votre roman, vous le gardez amoureusement sur votre table de chevet; vous ouvrez votre livre dans le bus pour faire fi des inconnus qui abondent et qui envahissent votre espace vital; vous vous entêtez à relire annuellement une poignée de parutions qui ont bercé votre adolescence et dont vous ne voulez toujours pas vous départir.
Ces fugaces rituels de rien du tout – prendre une profonde inspiration pour saisir les effluves légèrement acidulés d'un roman qui vient d'être imprimé – qui viennent majorer et soutenir l'expérience du livre en soi berceront la 32e édition du Salon du livre de l'Outaouais (SLO) du 24 au 27 février au Palais des congrès de Gatineau.
Sous le thème «Le plaisir sous les couvertures», on tentera, au fil d'une foule de nouveautés sous le signe d'Épicure (la présidente du SLO est une adepte très loquace de la doctrine du philosophe, la romancière-gastronome Chrystine Brouillet), de mettre en lumière les plaisirs exquis que la lecture peut procurer. Par la rencontre de nouveaux auteurs, par la tenue de tables rondes sur les plaisirs littéraires (le plaisir d'avoir peur, le plaisir de la chair…) et par la tenue d'événements biscornus, du moins lors d'un salon du livre.
À commencer par le lancement de la toute première bière outaouaise qui se déroulera pendant le Salon. «Les Brasseurs du Temps ont la volonté d'être associés à plusieurs événements culturels. Et avec le Bar à mots [pub implanté à même les lieux du SLO, où le lecteur pourra se restaurer], Marc Godin, le vice-président de la brasserie Brasseurs du Temps, a voulu collaborer avec nous», explique Anne-Marie Trudel, directrice générale du Salon du livre de l'Outaouais. «Marc m'a expliqué qu'ils avaient l'intention de lancer ce printemps la première bière outaouaise embouteillée en tout près de 100 ans. On a tous pensé que le SLO serait une occasion idéale de lancer cette bière en grande pompe!»
Ainsi, la DumDuminator, une bière de type Doppelbock dont le nom provient de son maître brasseur, Dominique Gosselin , sera décapsulée le vendredi 25 février dès 18h30 au Bar à mots du SLO, en compagnie des biérologues et maîtres brasseurs Mario D'Eer et Alain Geoffroy, qui animeront une discussion à bâtons rompus sur la création de cette bière et l'importance qu'elle prend dans l'histoire de la région. Un rendez-vous à ne pas manquer.
Avec les périodes d'incertitude et de vache maigre que le SLO a connues au fil des dernières années, c'est avec un intense soupir de soulagement qu'on peut voir, à la lumière d'une programmation étoffée et on ne peut plus diverse, l'organisation réclamer la place qui lui revient dans les événements culturels majeurs en Outaouais.