Jamais fidèle…
Sur le fil

Jamais fidèle…

Je suis atteint du syndrome d'infidélité musicale aiguë. Loin d'être féal à un artiste en particulier, je céderai volontiers mon cour et mon âme à une ouvre qui me courtise de la bonne façon. À tous les coups, j'attends de mes formations préférées qu'elles ravissent mon cour, hantent mes nuits et saturent mes pensées. Dans le cas contraire, il me fait plaisir de passer au prochain numéro. Next! On a beau aimer l'ensemble de l'ouvre de U2, on tient tous pour acquis que Discothèque s'avère une merde royale, n'est-ce pas?

Découle donc de ce syndrome un détachement envers l'artiste en soi et un amour distinctif des périodes créatrices. Peut-être est-ce dû à mon oreille de critique qui se développe au fil des années.

Samedi dernier, j'ai pu constater que je ne suis pas le seul à être atteint de ce mal. Des hordes de gens comme moi sont sorties de leur tanière pour faire valoir leur droit à la vacuité musicale. C'était le Jour du magasin de disques indépendant, célébration qui tente de rendre au disque la popularité que le format a jadis connu.

Au CD Warehouse, rue Clyde, on a pu assister à une super perfo acoustique de Ron Sexsmith, auteur-compositeur iconique canadien. Ailleurs, notamment au Vertigo Record Store rue Rideau, on faisait la file dans l'espoir d'être le premier à sauter sur l'une des éditions limitées de certains albums classiques. Pour ma part, je tenais opiniâtrement à me procurer une édition toute spéciale de l'album homonyme de Franz Ferdinand qui incluait pièces bonis, pochette spéciale et trucmuches qui n'auront probablement aucun intérêt à vos yeux (et à vos oreilles). Mais bon, l'album, je le trouve excellent.

J'entrepris donc une recherche, tel un archéologue du 33 tours, éprouvant la même nervosité que lorsque nous avions fait la file au petit matin lors de la parution d'un nouveau Coldplay, il y a quelques années. À l'issue de ma prospection, je dus me rendre à l'évidence que certains mélomanes avaient été plus rapides que moi. Triste. Mais heureux d'avoir couru aux quatre coins de la ville pour de la musique. Ce qui ne m'était pas arrivé depuis des lustres.

Quelle ne fut pas ma surprise de trouver le soir même trois ou quatre exemplaires de MON album, celui pour lequel j'avais usé mes Converse déjà troués, en vente sur le Net pour le double, voire le triple du prix affiché quelques heures auparavant. Les mélomanes, à l'instar du grand public, auraient-ils eux aussi égaré leur éthique musicale? Est-ce que l'intérêt pour l'objet qu'est l'album ne se résumerait qu'à un symbole de dollar? Ne faudrait-il pas revoir nos façons de consommer la musique et se créer des lignes de conduite qui, idéalement, favoriseront la création et la conservation du format physique de la musique? C'est la survie de nos détaillants – et ultimement des artistes musicaux – qui est en jeu.