J'aurais voulu être un artiste
Sur le fil

J’aurais voulu être un artiste

«Pour pouvoir crier qui je suis…» chantait naguère un Dubois pré-téléréalité et, surtout, pré-album de duos, dans le spectacle Starmania. Si les mots de Plamondon fêtent cette année leurs 35 ans, ils résonnent encore aujourd'hui comme autant de vérités. On naît artiste comme on peut naître homme ou femme, homosexuel ou avec les yeux bridés; il s'agit d'une condition intrinsèque à l'être humain.

Voilà une partie de la conclusion qu'il m'a été possible de dresser à la lumière de mes récentes discussions avec certains acteurs du milieu culturel de Gatineau et d'Ottawa. Voir, la publication, de même que moi, le journaliste, ne sommes que véhicules enclins aux manifestations culturelles; les connivences se révèlent faciles à tisser, certes. Il me faut néanmoins tâter le pouls de véritables artistes pour comprendre leur réalité.

À la suite de ces rencontres, il devient pour moi manifeste que la formule Do It Yourself est celle que favorisent ces artistes et artisans qui, dès les balbutiements de la pensée créatrice, optent pour l'autoproduction de façon naturelle, avant même que l'option des demandes de subvention ne se pointe le bout du nez. Probablement parce qu'il en a toujours été ainsi. Les exemples abondent. Je pense aux foisonnantes créations d'Anne-Marie White, directrice du Théâtre du Trillium, et aux spectacles qu'elle sélectionne, au réalisateur François Desrochers, qui a achevé son autofinancé long métrage Guyton dans ses temps libres, de même qu'à l'auteur-compositeur honky tonk de la Petite-Nation Francis Faubert (lisez un entretien avec lui en nos pages), et j'en passe… Enlevez le théâtre, l'institution, et les comédiens se réapproprieront les rues. Retirez les subventions gouvernementales aux musiciens et ils trouveront quand même le moyen de faire rayonner leurs mélodies, coûte que coûte.

On peut donc supposer que le gouvernement majoritaire de Stephen Harper n'arrivera pas à éteindre le feu qui nourrit les passions de nos grands créateurs canadiens. Heureusement. Or, en mettant en ouvre ses redoutées coupes massives en culture, notre PM fera en sorte d'abroger les susmentionnés véhicules de même que les organisations partageant des complicités probantes avec le milieu culturel. Dans une ère où l'on marginalise de plus en plus la culture (vous remarquerez que je ne fais nullement allusion au show-business) au profit du sensationnalisme, les arts risquent de trouver la bataille qui s'annonce encore plus ardue sans la présence de ces quelques camarades à leurs côtés.