Coup de théâtre
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Coup de théâtre

Mai 2010. On me confie la rédaction en chef de la publication que vous avez entre les mains. Fébrilité. Joie. Et manifestation des premiers symptômes liés à ce syndrome de l'imposteur rampant qui m'affligeait à l'époque (et qui me titille toujours l'esprit de temps à autre, pour être tout à fait honnête). Car je soutenais ne pas détenir l'expérience requise pour écrire avec pertinence à propos des niches culturelles que Voir privilégie. Il me fallait désormais faire preuve de polyvalence. Ainsi, je dus affronter le domaine que je redoutais le plus, et ce, dans une proportion plus importante que ceux du ciné, des arts visuels et de la littérature. Le théâtre. Cette sacro-sainte institution, ici à Gatineau-Ottawa.

À bien y réfléchir, cette frousse s'avérait nourrie de plusieurs fronts. Par l'excellence de ma prédécesseure Mélissa Proulx. Parce que mes cours de théâtre du cégep ne constituaient qu'un souvenir trop lointain. Et parce qu'en sixième année, je m'étais cassé la gueule sur la scène dans une tournée théâtrale de 12 écoles primaires. Bon, cassé la gueule, j'exagère probablement. Mais en visionnant les archives VHS du spectacle vieilles de 20 ans, un grand frisson de malaise me parcourt toujours l'échine. C'est tout dire.

Je dus donc prendre mon courage à deux mains et faire la paix avec le théâtre. Comment? En voyant TOUT ce qui allait être présenté dans la région et en prenant part au Club des Argonautes du CNA, initiative de l'équipe du Théâtre français.

Son but, selon le communiqué du CNA, était de permettre à des gens d'«acquérir les clés d'une autonomie artistique et culturelle basée non pas sur des compétences académiques, mais sur le développement […] d'une réflexion personnelle». En d'autres mots, il s'agissait de rendre le théâtre accessible. Et en choisissant 10 personnes comme vous et moi n'ayant aucune connivence avec cette forme d'art, le défi était de taille.

Au fil d'une série de rencontres captivantes avec moult créateurs, dramaturges et techniciens qui ouvrent au théâtre, le groupe a appris sur ses rudiments et son langage. De plus, et c'est ce qui m'a charmé, le dialogue était favorisé. La question «pourquoi?» a d'ailleurs été posée plusieurs fois, déstabilisant par moments les invités qui ont dû expliquer les notions les plus primaires à leur public qui en redemandait.

Bravo à ces hommes et à ces femmes qui sont devenus, au fil des rencontres, des amis, et qui ont abandonné volontiers leurs idées préconçues à l'entrée même de l'établissement national. Chapeau à cette initiative qui, on l'espère, sera de retour au CNA lors de la prochaine saison. Avec le départ soudain d'Aude Rhamani, l'instigatrice du projet, peut-on supposer que l'ambitieux projet ne reviendra pas?