Gatineau et ses problèmes d'hygiène buccale
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Gatineau et ses problèmes d’hygiène buccale

«You're living in Gatineau? Pfff. Soooo trashy!», suivi d'un roulement d'yeux de la part de mon interlocutrice. Le nez retroussé, les mains sur les hanches: son langage corporel laisse entrevoir un réel écourement. Pour ma part, je reste bouche bée, ma langue seconde étant profondément incapable de faire contrepoids, me confondant en quelques «huh, really?» lourdauds, ébahi par cette réaction pleine de fiel. Ce malheureux entretien a eu lieu en pleine rue Richmond, dimanche dernier, au Westfest du village de Westboro où, malgré cet épisode ennuyeux, j'ai éprouvé beaucoup de plaisir.

Après avoir médité cet incident, je me suis surpris de constater que j'étais, bien malgré moi, exposé à des dizaines de manifestations analogues à celle vécue ce jour-là. Notamment, sur Twitter: «Got lost in Gatineau — Can u please redirect me to Ottawa ASAP? Ewww.»

Le mépris qu'éprouvent certains Ottaviens à l'endroit de leur voisine québécoise me fascinera toujours. Le mister Smith d'Ottawa garderait-il un souvenir si peu reluisant du jour où il s'est égaré en plein cour de Pointe-Gatineau, royaume des Tante Marie, Rossy et boulevards gris, qu'il a mis une croix définitive sur la municipalité? Gatineau pue-t-elle de la bouche?

«Pas vraiment», m'explique José Lafleur de Tourisme Outaouais, ma personne-ressource lorsque vient le temps de parler d'affluence touristique régionale. Elle mentionne que malgré sa proximité, il appert vrai que le public d'Ottawa mésestime abondamment l'Outaouais et ses attraits touristiques, et ce, à raison d'une personne sur deux, selon une enquête indépendante menée récemment au profit de l'organisme touristique. «C'est d'ailleurs le public qu'on tente de séduire avec notre nouvelle campagne de pub lancée il y a quelques semaines.»

Vous l'aurez compris, on ne réglera pas la question Ottawa-Gatineau, villes différentes, bilingues et complémentaires, dans cette chronique. Néanmoins, avec Alex Martel et son bébé – le festival Rockfest de la Petite Nation -, qui tentent de courtiser avec raison les rockeurs anglophones, il sera intéressant de voir la réponse du côté sud de la rivière. À l'instar des Gatinois qui, munis de leurs chaises de parterre et de leurs parapluies de golf, traversent année après année la rivière pour prendre part aux festivals d'Ottawa, les festivaliers réfractaires à l'image de ma «madame» du Westfest se risqueront-ils à s'aventurer au «Kwébec» et à profiter des célébrations que l'Outaouais met sur pied? Si l'on se fie au public présent aux Grands Feux Loto-Québec des années passées, de plus en plus osent. Il faut espérer qu'ils sont tous retournés à la maison heureux d'avoir laissé de côté leurs idées préconçues.