D’un côté, le cliché Technicolor tout sourires que je me suis fait – magnifié, construit de toutes pièces à partir de ce que grand-maman Jeanette pouvait raconter à propos des récoltes de tabac que ses frères et elle devaient endurer année après année – avec ce grand ciel bleu et des champs verts et jaunes qui s’allongent à perte de vue.
De l’autre, la réalité qui frappe de plein fouet, celle toujours pas facile de ces agriculteurs qui triment dur, jour après jour, dans des conditions souvent misérables, pour arriver à mettre du pain sur la table et s’assurer une place au soleil.
Voilà, grosso modo, ce qui vient embrumer mes pensées alors que j’assiste, en ce samedi soir gris, au tout premier Festival d’automne de Chelsea (en anglais, il porte le nom plus évocateur de Harvest Festival), première célébration de la sorte à voir le jour dans le joli village d’Old Chelsea. Devant et autour de moi, une centaine de badauds et d’habitants du village trinquent et prêtent une oreille au concert de Bourbon Bay qui se déroule devant nous.
Je m’éclipse quelques minutes, question de visiter l’intrigante construction qui me semble centenaire derrière laquelle on a planté les piquets des chapiteaux dudit festival. Rapidement, je comprends que je viens de pénétrer dans les locaux de «La Fabrique», ce centre des arts, de la culture et du patrimoine qui expose le fruit du travail de plusieurs artistes et artisans d’ici. La lumière est tamisée et, en cette fin de soirée, si on tend l’oreille, on peut presque entendre la bruine frapper doucement les carreaux des fenêtres.
Depuis le temps, vous devez vous en douter: mes connaissances en arts visuels se révèlent somme toute assez sommaires. Comme les mots me manquent, je vous invite à la visiter, cette fabrique-galerie, à l’occasion de la tournée des ateliers de Chelsea-Wakefield qui se déroulera les week-ends des 1er et 2 et 8, 9 et 10 octobre. Les œuvres de plus de 25 artistes seront exposées dans leur milieu de création, un cadre vraiment chouette pour poser la sacro-sainte question «Qu’est-ce que vous vouliez dire?» aux principaux intéressés. Pour info: tourcw.com
Revenons à ce samedi soir brumeux, vous voulez? Je quitte le bâtiment avec un sentiment – celui-là même qui m’a poussé à visiter La Fabrique – qui se fait de plus en plus fort. L’impression que la communauté culturelle de Chelsea détient de plus en plus de moyens pour faire valoir sa vitalité auprès des instances locales. C’est par le travail acharné d’une poignée d’acteurs clés du village, dont Manuela Teixeira et Andrew Morrow, que le Centre des arts, de la culture et du patrimoine de Chelsea a récemment vu le jour, permettant une ouverture sur un talent artistique on ne peut plus local. C’est aussi grâce à l’acharnement des mêmes intervenants, ou presque, que le Festival d’automne a vu le jour.
Cette ferveur dans la volonté de promouvoir la culture locale, elle définit les plus grandes réussites culturelles de partout au pays. J’aime m’imaginer que la culture de Chelsea connaîtra, dans un avenir proche, une moisson incroyable, à la hauteur du temps et de la passion que ses producteurs ont mis à planter, racler et labourer au fil des derniers mois.