Sur le fil

Récits d’émergence

Mardi soir, Galerie 101. Dans Migration/Memory, le photographe mexicain César Damián fait état de l’asservissement auquel s’exposent les immigrants face à leur pays d’accueil. En quittant sa terre natale, chacun se doit de porter dans ses valises le poids culturel et sociétal qui caractérise ses racines. Bouleversant.

Mercredi soir, La Nouvelle Scène. Les mots aiguisés, telle une pluie de couteaux de marbre qui frappe, qui tonne et qui parvient à percer les boucliers levés. C’est Marjolaine Beauchamp et son mythique Taram qui, sur scène, s’élèvent bien au-delà du berceau qu’est le Notre-Dame-du-Laus originel, pour emprunter des habits si universels qu’il m’est impossible de ne pas accueillir cette détonation émotionnelle à bras grands ouverts.

Jeudi soir, Centre national des Arts. Autour des effluves d’un passé glorieux s’articule Out of Time, le récent solo du danseur Colin Dunne. De ses succès en danse traditionnelle, Dunne émerge en proposant de la danse contemporaine, comme on peut s’accrocher à une bouée de sauvetage. Dans ce spectacle, Dunne parvient à faire la paix d’une façon violente avec ce qui marquera à jamais son corps de danseur, ce qui a forgé son identité créatrice.

Ces récits qui transcendent l’interprétation même des origines sont venus m’interpeller. Et encore plus maintenant, à l’issue de la conférence de presse du Conseil régional de la culture en Outaouais soulignant la parution du nouveau Au fait, un numéro consacré à la politique culturelle de la Ville de Gatineau ayant pour sous-titre Une politique culturelle: pour faire avancer la culture ou pour être mise sur un présentoir?

Si l’on considère à quel point notre patrimoine municipal a été malmené au fil des 10 dernières années, il appert clair que la politique culturelle de la Ville et sa mise en application relèvent de l’utopie de bien-pensants.

Il est sain d’ouvrir le débat sur la question, quitte à ce qu’elle mène à une refonte complète de ce document, en proposant des actions concrètes dans l’optique, évidemment, d’une application sans heurts auprès de nos dirigeants.

Parce qu’à force d’indulgence et de laxisme, notre bagage d’origines, aujourd’hui troué par le trop peu d’attention qu’on lui porte, s’effritera sans même que l’on s’en rende compte, et des manifestations artistiques née de préoccupations liées aux origines comme les œuvres de Beauchamp, Dunne et Damián seront de moins en moins plausibles.