Sur le fil

C’est con, n’est pas?

Dans les dernières années, le quotidien Ottawa Sun a habitué ses lecteurs à un contenu journalistique fortement tendancieux, voire raciste, homophobe ou bourré d’erreurs factuelles. Lundi dernier, sa une raflait la palme de l’antijournalisme.

Intitulé C’est cher, n’est pas? (sic), ce joyau journalistique faisait référence à l’étude de l’Institut Fraser qui dévoilait que Queen’s Park déboursait 621 millions de dollars pour ses services francophones. Petit calcul effectué par l’équipe du Sun: ça fait 52$ par personne. Too pricey, obviously.

Plusieurs ont relevé la FAUTE d’orthographe, risible et imposante comme la Place Banque Scotia qui s’élève dans la plaine ottavienne, dont son titre était affublé. Faut croire que le moteur Google Translate n’a pas su traduire ces fins propos.

Les non-lecteurs s’esclafferont et lèveront le nez sur cette tentative racoleuse et visiblement ratée. Les autres, dont malheureusement l’auteur de ces lignes, poursuivront et liront en pages 4 et 5 un texte au titre tout aussi ingénieux: Lo$t in translation. Sa prémisse: nous, anglos, on se fait crosser annuellement de 52$ pour que les french frogs se la coulent douce sur notre dos.

Inutile d’ajouter que le rapport Fraser n’évoquait en aucun cas la pertinence des services francophones attribués par la province. Inutile de dire, par ailleurs, que la publication de ce torchon a rouvert le débat sur la place soi-disant trop grande que prennent les francophones en Ontario. La version en ligne du texte contenait des perles de commentaires vils et ignorants qui feraient rougir d’envie l’ado d’Orléans devenu une vedette sur YouTube grâce à ses propos racistes empreints de haine et d’une violence inouïe. They just need to move to Quebec, even better, to France!

Je ne reprocherai pas à l’Ottawa Sun de faire du journalisme partisan, de se jeter comme une vipère affamée sur absolument n’importe quoi et d’en disloquer les propos dans le but de le donner en pâture à un lectorat qui, supposons-le, n’a que ce tabloïd comme source d’information. Mais est-ce vraiment du journalisme? Comment appeler l’information quand elle n’informe pas?

Ce qui me fout le feu au cul, c’est ce non-journalisme qui remet en cause des dizaines d’acquis sociaux qui ont pris d’innombrables années à se faire accorder un pouce en l’air par monsieur et madame Tout-le-Monde. Se souvient-on qu’il y a tout près de 122 000 francophones dans cette ville? C’est tout près d’une personne sur cinq!

Bientôt, on remettra sur la sellette la question du mariage gai (trop cher), du droit à l’avortement (trop cher), du droit de vote des femmes (trop cher), des acquis sociaux des tribus amérindiennes, des minorités visibles, des handicapés, des malades chroniques (tous trop chers)…

Désormais, je vais garder mon 25 sous pour moi, vous pouvez me croire.