Sur le fil

Les victoires des Juno

Il aura fallu que l’auteur-compositeur originaire de Chelsea Socalled s’y prenne à quatre reprises pour que la Canadian Academy of Recording Arts and Sciences accepte la soumission de son récent album Sleepover.

Parce qu’il a été blackboulé des sections pop, alternatif et hip-hop. Trop ci, ou pas assez ça, l’Académie aurait justifié. Qui voudrait de ce genre d’album tripolaire – une œuvre qui s’inscrit dans la tradition juive, dont les rythmes proviennent principalement du hip-hop et dont la charpente se révèle assurément pop? La question a posé problème. Mais voilà qu’on y a trouvé réponse.

Sleepover se retrouve nommé dans la catégorie Meilleur album – World. Oui. Aux côtés des Aboulaye Koné Moriké, Aline Morales et compagnie.

Soit. C’est sans doute mieux que le sort qu’on lui réservera à l’ADISQ, l’automne prochain – et ça, c’est si l’artiste décide de tenter sa chance et de payer l’onéreuse inscription au Gala. Parce que comme il est anglophone, il risque d’être étiqueté dans la catégorie… Anglophone.

Ce qui me fait spéculer – sautons du coq à l’âne – sur le quintette gatinois grindcore Fuck the Facts, qui récoltait une nomination aux Juno dans la toute nouvelle catégorie Best Metal / Hard Music Album. Si le groupe devra jouer du coude aux côtés des légendaires Anvil, le fait d’être simplement nommé se révèle, à cette étape de sa carrière, une reconnaissance importante. «Le simple fait que les Juno reconnaissent la musique underground métal et grindcore est une victoire en soi», affirmait la leader Mélanie Mongeon dans notre publication sœur Ottawa XPress, la semaine dernière.

Surtout si l’on joue au jeu de la comparaison avec l’ADISQ, alors que ce qui se rapprocherait le plus près de la musique de Fuck the Facts serait la catégorie Album de l’année – Rock. Et le gagnant de l’an dernier? Éric Lapointe. L’année d’avant? Marie-Mai. WTF?

On ne reviendra pas sur la question de la légitimité des frais d’inscription ou des catégories quasi archaïques dont l’ADISQ et son gala sont affublés. Il faut toutefois exposer les choses comme elles sont. Les Juno sont plus au fait de ce qui se produit partout au pays en musique. Du moins, la Canadian Academy se révèle foncièrement plus flexible, sans doute plus ouverte quant aux modifications de ses règles du jeu. Et ce, même si cette année, les francophones se révèlent les oubliés des nominations, comparativement aux récentes éditions.

Alors que la ville vivra littéralement au rythme des Juno au fil des prochains jours, il sera intéressant de voir la place qu’elles réserveront aux artistes locaux, francos, world, blues… À ces niches très importantes qui font en sorte que notre musique canadienne ne s’adresse pas seulement aux fanas des Avril Lavigne, Justin Bieber et autres…