Scrap. Oui, je sais, bonjour le français, mais seul cet anglicisme parvient à décrire adéquatement mon état après le visionnement du documentaire Bully du réalisateur Lee Hirsch. Long métrage au classement longuement discuté alors que la Weinsten Company a fait des pieds et des mains pour que son nouvellement acquis Bully ne soit pas affublé d’un dur et commercialement suicidaire R (équivalant à notre 16 ans et plus). Tout ça parce qu’on y dit «Fuck!» six fois. On souhaitait ardemment que Bully puisse être vu par les plus jeunes, par la population écolière. Ceux-là mêmes qui sont au fait de la situation, répandue dans la cour, les corridors, les gymnases de leur école.
Mais là n’est pas la raison de ma chronique. Dans le film, campé dans un bled du sud redneck des États-Unis, on s’attarde au récit d’une poignée d’ados, des tweens. Des jeunes comme vous et moi l’avons été, sans doute. Seule différence: la caméra a été braquée sur eux alors qu’ils se faisaient prendre en grippe par des plus grands, des plus forts qu’eux. Les tortionnaires contre les intimidés.
Des images qui vont me rester longtemps en tête, me ramenant à cette fatidique 6e année, alors que j’aurais pu être le sujet, tout de fluo et de salopette en jeans vêtu, de ce documentaire.
Je sors de ce visionnement et je suis scrap. Pas parce que je me morfonds sur mon triste sort ou que je crois que la situation de nos jeunes va de mal en pis, mais plutôt parce que ce film, qu’on a encensé comme étant LA réponse à laquelle les Américains s’attendaient concernant les répercussions du bullying (suicides par dizaines, décrochage scolaire, troubles psychologiques), ne propose aucune réponse au fil de ses quelque 90 minutes. À la place, on sort de la salle de projection le cœur à l’envers, avec un trop-plein d’émotions, d’empathie, de haine…
J’ai l’intime conviction que les clés qui parviendront à ouvrir des portes sur les solutions à cette affection sociétale se trouvent dans les multiples tons de gris qui ne sont pas évoqués dans le film. L’expression en soi englobe plein de maux (mots): racisme, sexisme, homophobie, transphobie… Et que fait-on du fait que de nombreuses recherches démontrent que bon nombre de victimes se retrouveront bien souvent dans le rôle du bourreau?
Si Lee Hirsch voulait faire une quelconque différence, n’aurait-il pas été plus facile, voire préférable, de créer un compte YouTube et de diffuser, gratuitement, son message de paix et de tolérance?
Assiste-t-on à une autre judicieuse mise en marché d’un fléau sociétal, un peu comme Léa Pool l’a dénoncé dans son documentaire polémiste L’industrie du ruban rose pour la cause du cancer du sein, qui a pris l’affiche au ByTowne cet hiver?
À quand Mon «bullied», mon million?
Bully prend l’affiche au ByTowne le vendredi 4 mai.