J’sais pas pour vous, mais je dois avouer que j’ai été élevé par la radio. Beaucoup plus que par la télé. Mes premiers contacts avec les médias se sont avérés purement pratico-pratiques: je tenais à écouter le décompte du samedi matin, question d’enregistrer sur ma TDK-D90 les chansons qui allaient m’accompagner pendant les jours suivants. Ainsi, sur ma cassette, Madonna côtoyait Les B.B. et autres Paula Abdul, qui faisaient la pluie et le beau temps sur les ondes hertziennes ainsi que mon petit bonheur une fois «encannés» et diffusés dans le haut-parleur perforé de mon magnéto noir.
C’est sans doute la raison pour laquelle il m’arrive, de temps à autre, de syntoniser la station top 40 francophone dans ma voiture ou au boulot. J’ai l’oreille sucrée, parfois, et je ne m’en cache pas. Mais cette habitude me prend de moins en moins: la bouillie de dance américanisé entrecoupé d’horripilantes chansons adaptées en français me tombe sérieusement sur le piton.
Malheureux suis-je, donc, à la lecture de la programmation du Festival franco-ontarien, qui misera sur deux des pionniers de la chanson remâchée dans la langue de Molière: Mohombi et Mia Martina. Qualifier ces deux performers d’intrinsèquement francophones serait un affront à ceux qui se creusent le ciboulot pour faire entrer dans quatre mesures des mots qui contiennent le double de syllabes.
Mais est-ce vraiment du français?
«Sous la couverte du ciel étoilé / Je veux rester pour toujours dans tes bras»
Ich. Bonjour le français, chère Mia. Kathleen peut aller se rhabiller avec son «Où aller, allez viens, on va y aller / Où il y a un lendemain, allez viens».
Heureusement pour moi, le Franco offre aussi quelques moments de répit. Plusieurs, en fait: la Franco-Manitobaine Marijosée, les post-rockeurs Pandaléon de Saint-Bernardin, les increvables Swing, Radio Radio…
Oui, il arrive que les festivals doivent composer avec des années creuses. Or, je dois lever mon chapeau à l’organisation du Franco qui a su faire différemment et miser sur les artistes de l’heure.
Le seul problème, et c’est là où nos radios sont à blâmer, c’est que ces vedettes qui ont pris la place des Ariane Moffatt, Cowboys Fringants et Éric Lapointe d’il y a cinq ans ne représentent en aucun cas la culture francophone pancanadienne. Je vous gage 20$ que Victoria Duffield n’a que faire de la langue française. Ces «poptartes» ne se révèlent qu’une version vaguement francophile de l’idée de ce que les radios se sont faite de la vedette musicale internationale: facilement digérée, photoshoppée jusqu’à la moelle et, au final, on ne peut plus vide de sens.
N’est-ce pas là l’utilité de la pop? Oui, mais notre musique francophone a longtemps lutté contre ses calories vides, proposant une pop plus intelligente que sa contrepartie anglophone.
Souhaitons que la tendance s’essouffle rapidement.
D’ici là, les fans seront sans doute des milliers à se dandiner sur Phare de la lune (Latin Moon) ou Bumpy Ride, sans même savoir qu’ils font mal à leur culture.