Sur le fil

Il faut oser

Une femme couverte de sang, munie d’un bidon rouge, verse le contenu de son récipient sur une autre femme, elle aussi visiblement couverte d’hémoglobine. Une allumette craquée, l’accélérant prend feu. Quelques clichés plus tôt, ces deux femmes s’entrelaçaient en des étreintes sauvages, bestiales et chargées de sexe.

Compte à rebours provocant et dérangeant sur la fin d’une relation qui se termine dans le feu, le sang et le désespoir: voici Baisser les armes, premier clip coup de poignard de la formation outaouaise Hôtel Morphée. Cette réalisation de Maxime Giroux s’avère une magnétisante mise en images du premier simple de cette formation, tantôt rappelant Martyrs, long métrage porn-gore du Français Pascal Laugier, tantôt nous faisant visiter les coins les plus sombres de la race humaine. Des images frappantes qui resteront longtemps en tête.

Une promo frappante au possible qui, on s’en doute, va s’attirer les foudres des puristes qui verront là un bouc émissaire pour toute la misère du monde. D’autres y décèleront une singularité esthétique on ne peut plus rafraîchissante.

Il faut oser.

C’est d’ailleurs ce qu’a fait le Festival franco-ontarien – loin de moi l’intention de m’acharner sur son sort – , qui est sorti des sentiers déjà balisés pour s’aventurer dans l’inconnu. Quant à savoir si le jeu en aura valu la chandelle, il faut relativiser: d’un côté, le défi était de rajeunir un public et de rester, dans des temps de compressions budgétaires, profitable. Une tâche herculéenne, considérant que le public jeunesse délaisse la culture francophone au profit de celle de nos amis du ROC anglais et de l’autre, étasunienne.

L’autre défi, celui qui reste de taille, est de mettre en valeur le talent franco-ontarien et francophone.

Or, si les spectacles de Mohombi et de Mia Martina comportaient leur lot de chansons anglaises – ce qui a mené plusieurs à décrier la situation – , il faut souligner que cela a eu le mérite de soulever les foules, tant devant les pas de danse du chanteur de Bumpy Ride que devant cet «affront» au drapeau blanc et vert. Les Franco-Ontariens ont leur français à cœur. Du moins, ceux qui participent toujours à ce genre de rassemblements populaires.

Ce qui est, dans l’ensemble, une excellente nouvelle.

Je serai extrêmement curieux de voir ce que les organisateurs du Franco nous proposeront l’an prochain. Je reste convaincu qu’ils poursuivront sur leur chouette lancée, celle où il est permis d’oser, quitte à essuyer quelques revers au passage.

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Vous avez été nombreux à réagir à la suite de la publication de ma précédente chronique, concernant justement le quiproquo qui est survenu entre Voir et le Festival franco-ontarien. À la lumière des vives réponses offertes par la direction des festivités, je me retrouve dans une situation de «qui dit vrai?». Alors, ne sachant pour qui prendre, les deux parties présentant des arguments valables que mes fonctions ne me permettent pas de vérifier, je vais donc accorder au Franco le bénéfice du doute et m’excuser sincèrement.

Voilà.