La mondialisation au coton
Deux invitations à réfléchir sur la mondialisation.
C’est un long et beau voyage qu’a rêvé Erik Orsenna: descendre la filière du coton, du Mali à la Chine, de la graine à la chaussette. Nous dire l’histoire du monde à travers "ce cadeau de la terre". Suivre les chemins du coton pour mieux comprendre les réalités de la mondialisation. De ce voyage, l’académicien a tiré une enquête, un conte économique et politique, qui nous emmène au loin et expose une terrible vérité: le coton n’a pas de douceur, ses coulisses sont rudes et sales.
Tout part du Mali. On y découvre le travail des petits producteurs de coton africains qui ont réussi à mobiliser leurs gouvernements et à les convaincre, avec l’aide des Brésiliens, de porter plainte à l’OMC contre les pays riches et leur coton subventionné, déclenchant ainsi le mouvement qui a popularisé la cause du coton et prouvant du coup "qu’il y a une place pour l’Afrique centrale".
Les États-Unis, condamnés par l’OMC pour avoir versé des subventions "qui faussent le jeu normal du marché" à leurs 25 000 producteurs, n’en font qu’à leur tête. C’est ainsi que l’Amérique finance 40 % des exportations mondiales et qu’elle fait chuter les prix mondiaux de 5 % à 15 %, privant ainsi l’Afrique de revenus importants.
Parmi les leçons que donne l’académicien, notons celles adressées aux belles âmes "tiers-mondistes". Les amis altermondialistes de José Bové ignorent que 40 % du coton mondial provient des OGM. À quoi sert alors le commerce équitable tellement à la mode? Tant mieux pour l’Africain, se réjouit Orsenna. Mais il ajoute: "Je ne peux m’empêcher de penser à l’ouvrier agricole brésilien. Est-ce sa faute si le mode de production auquel il participe n’est pas homologué équitable?"
La dureté américaine, l’appétit sans fond des Chinois, la détermination brésilienne montrent combien les guerres du coton n’ont rien d’un jeu. Qui gagnera le grand match de la mondialisation?
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La mondialisation est aussi un combat identitaire qui nous concerne. Le sociologue Dominique Wolton s’interroge: la francophonie est-elle dépassée? Ce membre du Haut Conseil de la Francophonie nous démontre que la diversité culturelle est aujourd’hui un enjeu politique majeur.
Sa thèse: le développement de la francophonie est une nécessité dans le monde globalisé dans lequel nous vivons. "La francophonie, écrit-il, constitue un moyen, parmi d’autres, pour éviter que la diversité culturelle non maîtrisée fasse basculer le rêve du village global en cauchemar de la tour de Babel." Personne ne veut perdre son identité, sa culture, même si chacun veut bien participer à un monde ouvert.
Rapprocher les 175 millions de francophones constituerait un acte majeur dans l’établissement d’une nouvelle manière de vivre la mondialisation, selon des valeurs moins déshumanisantes. Ce serait "jouer l’autre mondialisation". Mais voilà, la France ne s’intéresse pas assez à ses cousins et ses frères, ne fait pas assez d’efforts pour s’établir, comme la Grande-Bretagne, en grand pôle socioculturel. Pour ce faire, il faudrait qu’elle se défasse une fois pour toutes du spectre de la colonisation. À lire l’essai de Wolton, on se met à rêver au rôle que le Québec pourrait jouer dans la sphère francophone, alors que la France se referme sur elle-même. Serait-ce à nous de prendre les devants?
Voyage aux pays du coton
D’Erik Orsenna
Éditions Fayard
Demain la francophonie
De Dominique Wolton
Éditions Flammarion