Salut Lydia Képinski, les Sœurs Boulay, Frannie Holder, Betty Bonifassi; salut Amylie, Sarah Toussaint-Léveillée, Mara Tremblay, Beyries; salut Klô, Laurence, Ariane, Ingrid; salut toutes les femmes en musique dans l’ombre ou la lumière.
J’ai mis du temps à vous écrire, mais entre le moment de la parution de notre numéro de juin et votre sortie publique, j’ai été muselée du clavier pour cause de mensualité. Nous voici donc en juillet, en plein cœur des vacances et au pic de la «festivalite» virale, maladie contagieuse et saisonnière comme on le dit parfois des allergies.
Le matin de la publication de votre lettre, le 1er juin, j’ai reçu, en enfilade, deux coups de fil. Deux collègues, un homme et une femme, dubitatifs et curieux de connaître mon point de vue sur vos doléances, voulaient échanger sur la question. Pour être très honnête, j’étais sceptique sur la nécessité d’une telle sortie, ne pouvant pas figurer qu’un directeur de programmation de festival se lève un matin en décrétant avec fermeté entre ses bines et son bacon matinal: « Câlisse, c’est pas vrai que j’vas payer une fille pour chanter dans mon festival, non de non! Des filles, ça fausse, ça sait pas jouer de la guitare, ça connaît rien dans’ technique, pis ça attire pas l’monde, faque… pas de filles pis c’est toute.»
J’ai par contre porté attention aux chiffres que vous évoquiez dans votre lettre:
«Depuis la médiatisation récente du contenu de différents festivals québécois, nous avons aussi pris conscience avec consternation de la faible représentation des femmes dans les programmations (souvent moins de 30%, et même 10% dans certains festivals, alors qu’à la Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec, dans le volet Chanson, on recense 42% de femmes inscrites et 49% à l’Union des artistes)… L’automne dernier, nous nous indignions également de constater que la dernière femme à avoir remporté le trophée d’auteure-compositrice de l’année à l’ADISQ était Francine Raymond, en 1993. Et c’est sans parler des inégalités salariales (selon certaines statistiques de l’Union des artistes, les femmes gagnent en moyenne 75% de ce que gagnent les hommes)…»
En regardant comme vous les affiches des festivals, je me rends à l’évidence, mais une question demeure. Pourquoi?
Le défunt magazine Croc avait pour devise: «C’est pas parce qu’on rit que c’est drôle.» J’inspire et m’en inspire.
Une ville de banlieue, disons Belœil, présente dans le stationnement du Mail Montenach son festival.
Sur le site oeilregional.com, on lit sous la plume de Denis Bélanger:
«Marc-André Bellemare [directeur de la programmation du Festival de Belœil] et toute son équipe mettent ainsi sur pied une programmation plus costaude.» Mike Ward, La Chicane, Philippe Bond, Jean-François Mercier… J’oubliais Arthur L’aventurier et Les Cowboys fringants qui en seront à leur quatrième passage à Belœil en 12 ans de festival. Mais, mais, mais il y aura UNE fille alors? Que faites-vous de Marie-Annick Lépine? De quoi vous plaignez-vous?
Depuis 2006, le Festival de Belœil, qui a la malchance de faire ici office d’exemple, a accueilli Marie Mai, Marie-Chantal Toupin, Lulu Hughes, Andrée Watters, Marjo, Marie-Elaine Thibert et Diane Dufresne. Sept femmes en douze ans de Festival. Ça fait une femme et des poussières tous les deux ans. De quoi vous plaignez-vous? Même que Marie Mai et Marie-Chantal Toupin y sont allées deux fois.
Forcément, les listes comme celles des festivals ou les programmations de salles sont créées de façon totalement subjective. Question de genre alors? Du rock de gars, c’est pas du rock de fille? De l’humour de gars, c’est pas de l’humour de filles? Demandez à Cathy Gauthier ou Mariana Mazza.
Le Grand Théâtre de Québec propose pour sa saison prochaine les spectacles de Fred Pellerin, Chris de Burgh, Damien Robitaille, Daniel Bélanger, Tire le Coyote, Alexandre Poulin, Edgar Fruitier et k.d. lang. Et que je n’en entende pas un me parler de l’orientation sexuelle de k.d. lang parce que là, franchement…
Il y aurait sur la planète 60 millions plus d’hommes que de femmes. Faut bien les occuper et leur laisser un peu de place. On compte sur terre 102 hommes pour 100 femmes. Il naît 107 garçons pour 100 filles, mais il meurt plus de garçons que de filles, on ne sait pas pourquoi. Il arrive donc un âge où on est à nombre égal, soit autour de 25 ans. Huit centenaires sur dix sont des femmes. Ne perdez pas espoir, les filles. Un jour en 2067, on fêtera les 100 ans de l’Expo et dans le show vous serez 8 très vieilles madames pour 2 très vieux monsieurs.
Cette année, j’ai perdu une amie française. Elle s’appelait Danièle Molko. En 1985, elle a créé dans l’ombre de Jean-Louis Foulquier, qui était animateur vedette à Radio France et qui en avait la paternité, les Francofolies de La Rochelle et subséquemment celles de Montréal. C’est à La Rochelle en 1993 que je l’ai connue. Plus tard, en 2005, elle a créé les Muzik’Elles de Meaux. Il n’y avait que des filles en tête d’affiche de son festival. Quelques-unes d’entre vous y ont déjà participé. Il y avait bien sûr et heureusement des garçons invités, mais par les filles. Comme Brigitte Fontaine qui invite Arthur H.
On n’est jamais mieux servie que par soi-même. Ce serait peut-être pas mal que Louve reprennent le flambeau des Muzik’Elles de Meaux.
Je salue votre talent, votre élan et votre appel, qui sera certainement entendu et dont l’écho, j’espère, durera plus longtemps que ne durent les roses. Je rappelle aussi la détermination de celles qui vous ont précédées et qui ne l’ont vraiment pas eu facile tous les jours: Pauline Julien dont peu de gens savent qu’elle a signé la moitié de son répertoire, Louise Forestier qu’on a trop longtemps confinée dans l’ombre de Charlebois, Diane Dufresne qui fatiguée de tout ça a failli entrer au couvent, Renée Claude, Monique Leyrac, Lucille Dumont, la Bolduc dont on découvrira bientôt la vie étonnante sur grand écran, Alys Robi traînée dans la boue, Christine Charbonneau, Isabelle Pierre qui a abandonné le métier en pleine gloire.
Soyez toujours au sommet, bien droites dans vos bottes, regardez loin et marchez fièrement jusque sur toutes les scènes et les publics qui vous aiment.