Vous est-il déjà arrivé de vous arrêter au beau milieu d’une action et de vous demander: est-ce bien nécessaire? Jusqu’à maintenant, je n’ai pas considéré comme indispensable de trouver les raisons qui me poussent ces derniers temps à me poser de plus en plus souvent cette question. Mais là, me voilà en plus devant mon écran à me demander s’il est bien raisonnable de partager avec vous ma réflexion.
Ici là, maintenant, pendant que je vous écris, vient de sonner le signal de la fin de cycle de mon sèche-linge: 14 notes de La truite de Schubert. Je les ai comptées. Y a des gens qui bossent à programmer La truite de Schubert dans le système de sèche-linge chez Samsung. Est-ce bien nécessaire?
Ce matin, j’ai ouvert la télé pour regarder d’un œil, seulement d’un, le match de soccer qui opposait la Colombie au Japon. J’aime bien le sport, mais seulement quand il s’agit de grands rassemblements, par exemple les Olympiques, Wimbledon, Roland-Garros, mais pas le Super Bowl – je n’ai jamais rien compris au football. L’idée de faire la même chose simultanément que la moitié de la planète me rassure, surtout quand celle-ci se divertit. Mais est-ce bien utile? Après la première mi-temps, RDS nous apprend que les Japonais ont couru 48km et les Colombiens 45km… Ma foi… 48km… est-ce bien prudent? La moitié du stade est composée de fans qui, le vent dans le dos, ont fait le voyage Colombie-Russie, et l’autre moitié venant vent de face a fait le voyage Japon-Russie. Ils logent où tous ces aficionados provenant des 32 pays participants? Dans quelle langue parlent les joueurs quand ils s’obstinent avec l’arbitre? En 2026, la Coupe du monde de soccer va se tenir au Canada, au Mexique et aux États-Unis. Est-ce bien primordial? Et puis, je dis ça et je dis rien, mais il y a six fuseaux horaires au Canada, idem aux États-Unis, et deux au Mexique. Les petits gars aux mollets d’acier vont jouer le lundi à Toronto, le jeudi à Tijuana et le samedi à Oakland? Est-ce bien réaliste?
Le plus étrange avec ces incessantes questions qui me laissent souvent coite, c’est que je ne leur trouve rarement de réponses.
C’est souvent quand je suis en vacances que ces questions superfétatoires occupent mon esprit et se pointent sans prévenir. Comme une chanson, tiens, disons La danse des canards par exemple, quand elle s’entête à se secouer le bas des reins en faisant coin-coin.
Voici en vrac quelques faits qui se bousculent dans mes songes par temps de canicule.
Trump laisse toujours son veston ouvert sur sa cravate rouge, est-ce bien indispensable? Et les cages à enfants? Ça, j’ai la réponse. C’est scandaleux, honteux, inadmissible, insoutenable, inacceptable, intolérable, inconcevable.
Dans un enregistrement, alors que me venait spontanément le mot «conséquemment», on m’a demandé de le remplacer par «parce que».
Un chanteur français invité aux FrancoFolies chante une chanson en anglais non sans nous avoir d’abord dit: «Ici, vous comprenez que je chante en anglais, vous êtes Canadiens, tandis que chez nous…» Est-ce bien vrai? Encore cette nuit, dans mon insomnie, branchée sur France-Inter, qui, contrairement à Radio-Canada, because le décalage, est en direct, j’ai entendu: «Vous serez sécure. Very sécure.» Are you sure?
Old Navy, Foot Locker, Urban Behavior, Mandy’s, September Café, Cartel Street Food Bar, Red Tiger, Pier 66, Meat Ball House, Lawrence, Sparrow, Satay Brother’s, Kitchen Galerie, Grinder, Le Darling. Banana Republic… Je vous l’accorde, République de bananes m’attirerait moins. Que des endroits sympas et que j’aime. Est-ce bien rassurant? Pas, very pas.
Bertrand Cantat qui, pour avoir tué son amoureuse à coups de poing, a fait quatre ans de prison reprend la route et sa guitare. Est-ce bien convenable?
Après le Théâtre de la Vieille Forge, la Maison Lebreux de Petite-Vallée, qui a vu grandir je ne sais combien de générations et qui a accueilli dans ses chambres et sa cuisine Plume, Michel Fugain, Gilles Vigneault et tous les Daniel Boucher de la francophonie, a été elle aussi détruite par le feu. J’aimais la berceuse à deux places, et le cœur à la bonne place. Y a que ça qui est nécessaire dans l’histoire.
Pourquoi inclure le nom des animateurs dans les titres de leurs émissions de radio? Quand l’animateur part en vacances, son remplaçant est forcé pendant tout l’été de répéter le nom de celui qui se prélasse au soleil pendant que lui trime à l’ombre.
Hubert Lenoir, bel elfe de la chanson, mi-ombre, mi-lumière, remporte le prix Félix-Leclerc de la chanson, accompagné d’une bourse de 30 000$, et le prix Révélation Radio-Canada en chanson. Hubert a une fleur de lys tatouée sur la fesse. Est-ce sur la fesse gauche ou sur la droite?
Est-ce bien acceptable de payer un cahier de notes bleu ciel 24$ juste parce qu’il est à carreaux et que j’aime les cahiers à carreaux et que celui-ci vient d’Allemagne et que j’aurais donc dû acheter un proxi-cahier, un cahier gossé dans mon quartier?
Voilà autant de pensées parfois futiles, parfois graves ou juste bruyantes qui traversent ma cervelle estivale grillée au BBQ. Juillet, puisses-tu diffuser ton brumisateur de légèreté encore plus fort cette année. Il me semble qu’on en a bien besoin, citoyens circonspects, inondés d’informations diverses et variées, de rumeurs et d’inepties.
Ah oui, ça me revient. Les cônes orange oubliés les longs des trottoirs juste au cas où on en aurait encore besoin l’année prochaine… est-ce bien nécessaire?
Monique Giroux, j’aime l’entendre à la radio. Seul à la maison, difficile à s’ennuyer, Giroux me parle, Giroux nous parlent; c’est comme une amie à la maison et qui ne prend pas de place. Pas besoin de faire du café pour deux. Tout ça pour vous dire que c’était la première fois que je lisais du Giroux, bien croyez-le ou non, je l’entendais, comme à la radio. Ah cette Monique, en plus d’être radiogénique, elle possède une plume, pardon, je dirais plutôt un clavier qui construit bien sa parole et donne toute cette belle finesse à ce médium de la radio dont elle est devenue maître par sa persévérance, son travail et son immense passion pour cette merveilleuse chanson francophone.