Tangentes

Du bon goût et autres sujets tout aussi inutiles

Quand Jean-Jacques Goldman, ce génie de la musique pop, vivante légende, avait approché René Angélil afin de lui dire son intérêt à travailler avec Céline Dion (Goldman, il aime ce genre de voix, son timbre, sa couleur; il le modèle formidablement, comme dans son travail avec Carole Fredericks), René Angelil a reconnu… qu’il ne savait pas à qui il s’adressait. Jean-Jacques Goldman? Connais pas. Pourtant, c’est écrit, on sait déjà qu’il restera dans la petite histoire de la musique française.

Dix ans plus tard, Angélil reconnaît (avec raison) que l’album D’Eux – écrit et réalisé par Goldman – est le meilleur album de Céline à ce jour.

Ce qui ne l’empêche pas d’enterrer sa protégée à "Végâââs", plutôt que de consolider ses liens avec l’Europe, comme le fait – avec beaucoup de succès et une crédibilité sans cesse renouvelée – Madonna.

Il a fallu des dizaines d’années pour que Guy Cloutier se fasse à l’idée: il n’avait pas "l’envergure" pour Las Vegas, alors que cette île dans le désert était son fantasme de toujours (comme pour Angélil).

Il s’est alors tourné vers la France, comme un second prix. Et il a appris. La façon dont on se meut dans ce milieu artistique bien particulier, dont on établit des contacts, dont on gère les carrières. Il y avait de l’application et de la détermination dans sa démarche. Et ça marche. Ses artistes décrochent de fameuse collaborations, font des tournées, donnent des entrevues. Guy Cloutier a aimé la France, il l’a appris, il la prise, on l’entendait dans son ton et ses propos, sur les ondes de la Première chaîne de Radio-Canada il y a quelques semaines. Sans doute pas encore la même fierté que s’il avait conquis Vegas, mais il y viendra.

Cliché: nous sommes bien entre deux cultures, au Québec, quand il s’agit du monde du spectacle. On veut gros, comme "aux States" et raffiné, comme dans "les Uropes". Bien sûr, il naît aussi une identité propre, on le sait, mais… Mais Star Académie. Mais Chicago. Mais…

Ça se bouscule au portillon pour voir les enfants chéris du moment. Et ça applaudit à tout rompre. Même aux premières, à Montréal. Si c’est à ça que carbure l’intelligentsia culturelle du Québec, ça fait un peu dur. Deux spectacles à peine collégiens, avec du budget. Des artistes peu ou mal préparés, peu ou pas convaincus. Du premier (Star Académie), disons que le concept (!) est de faire un show de télé en direct. Pas du plus réussi. Et puis, je ne sais pas si vraiment le public appréciera payer 60$ pour entendre du karaokee pendant la trentaine de minutes où l’on invite le public à chanter sur scène. Mais attendez – suis-je bête – il a apprécié, le public! Un peu pathétique, un peu salle communale. On peut tellement mieux, me semble. Pour Chicago, guère mieux non plus. Aucun charisme, aucune envergure. Pas de passion. Et que dire de la traduction des texte (Manuel Tadros)… la France a acheté le spectacle, mais refera les textes, une partie de la mise en scène et ne semble pas sûre de la distribution. Bref: la France n’a pas acheté "notre" Chicago, elle a acheté le concept pour surfer sur la vague du film états-unien.

Ces deux spectacles, la presse nous en a tant parlé, les a tant vantés, que cette même presse semble ne pas oser démolir ce qu’elle a contribué à bâtir: les commentaires aux lendemains des premières étaient dithyrambiques. Parce qu’on ne voulait pas admettre que l’on s’était trompés (et que l’on avait trompé), comme quand le second Elvis Gratton est sorti? Ou bien parce que, vraiment, on a apprécié? Si tel est le cas, l’esprit critique est bel et bien mort.

Ce qui aurait pu promettre véritablement, c’était les spectacle mettant en vedette Daniel Boucher, Kevin Parent et Éric Lapointe. Et bien non, déception là encore! Mis à part Boucher, les deux autres, s’échangeant des chansons, ne se les appropriaient pas. Résultat: tout cela – long. Long – donnait l’impression d’entendre des imitations les uns des autres. Et la mise en scène? (nouveau dada de Patrick Huard, semble-t-il) Euh… Éric Lapointer en croix pour chanter Seigneur de Kevin Parent… re-euh…

On a eu de meilleurs été culturels-grand-public, non?