Alors, des projets pour 2004, les p’tits loups? "Vous savez que ce pourrait bien être votre année" (à lire avec des tonalités et des accents toniques à la Ringo Rinfret, svp)… devenir star, vous y avez rêvé? Rien de plus facile, en autant que vous n’intellectualisiez pas trop le monde qui vous entoure.
Les 15 minutes de gloire auxquelles chacun d’entre nous aurait droit en ces temps modernes, selon Andy Warholl, sont aux portes de tous.
Connaissez-vous Ellen Feiss? Elle fut une figure emblématique de cette encore nouvelle tendance toute médiatique (donc toute populaire) à fabriquer des stars à partir de rien et n’importe quoi. Et quand je dis "à partir de rien et n’importe quoi", je ne parle pas des acteurs à deux sous et des chanteuses insipides. Je dis bien à partir de rien. Aucune proposition. Encore moins de proposition artistique. Une proposition économique? Et encore…
Avec Joe, dans la publicité I’m Canadian de Molson (le petit mec stand-up, plutôt insignifiant au départ, et qui s’enflamme parlant de sa fierté d’être Canadien), au moins nous avions là un inconnu devenu héros à partir de peu, mais qui avait une proposition patriotique (même si elle était maladroite) à présenter – et un certain sens de la parole publique, faut-il le rappeler.
Phénomène Ellen
Avec Ellen Feiss: rien. Récapitulation des faits. La compagnie d’ordinateurs Apple fait appel au public afin de recueillir les témoignages d’anciens utilisateurs de PC, maintenant passés à la technologie Apple (vive le génie de l’enfant prodige Steve Jobs!). Ellen écrit ce mot simpliste: "Mon père avait un vieux PC que ma sœur et moi utilisions pour nos travaux scolaires. Un soir où je travaillais sur cet ordinateur, un son étrange se fait entendre, l’écran grésille et… je perds mon travail. Et c’était un bon travail! (…) Je suis heureuse aujourd’hui d’annoncer que ma sœur et moi partageons maintenant un PowerBook d’Apple. C’est plus beau de travailler là-dessus que sur le PC de mon père. Nous n’avons depuis perdu aucun de nos travaux et j’ai obtenu mon diplôme! Merci Apple!"
Tombée sous le charme de cette édifiante prose étudiante, Apple contacte Ellen et lui fait tourner un message publicitaire télé dans lequel elle raconte à nouveau son aventure. Pas de montage sophistiqué. Rien qu’Ellen, parlant à la caméra, avec des yeux complètement vides (la marie-jeanne diront certains), des gestes d’ado complexée qui veut se donner un genre libérée-blasée-revenue-de-tout-affranchie-des-conventions-je-m’en-foutiste…
Bref: rien, je le disais. Une proposition économique, publicitaire. C’est tout. Et ça suffit (dans les deux sens du terme): c’est le déferlement. Ellen se voit propulser au rang de star. Invitée à la télé, à la radio, à parler aux journalistes en mal de nouvelles figures… Des sites Internet lui sont dédiés (soit on l’adore, soit on la déteste), des pétitions circulent à son sujet, on vend des t-shirts, des assiettes, des tasses, des bavettes pour bébés, des horloges à son effigie… et tout le bataclan habituel dont on fait les stars.
Ellen est alors devenue un phénomène, une créature médiatique. Une création publicitaire.
Elle préfigurait une nouvelle ère.
Déjà, les émissions de télé-réalité avaient fabriqué quelques vedettes sans envergure (la nana, franchement vulgaire, du premier show français du genre, propulsée au rang de mannequin, publiant sa biographie et faisant la Une du mensuel Photo, dans une séance réalisée par Patrick Demarchelier, l’un des meilleurs photographes du moment).
2003 a inscrit le Québec sur les rangs, avec le Loft et Occupation.
Mais qu’ont en commun ces communs des mortels, placés sur les rangs de l’immortalité immorale que procure la starification? Mis à part de n’avoir rien à proposer?
Je vous le donne dans le mille: ils ont une attitude.
N’avez-vous pas remarqué que le discours, aujourd’hui, on s’en fout de plus en plus. Peu importe ce que l’on a à dire (et peu importe même si l’on n’a rien à dire), l’important, c’est le comment. L’important, c’est l’élocution (ou son absence), les gestes (ou leur rareté). C’est le regard aussi, le vêtement parfois. Voyez le succès des Osborne, celui de la Richard.
Ne dites rien, mais faites-le avec attitude. Amusez-nous! Soyez clown, fou du roi, mime! Soyez Guy Bertrand. Soyez Tom Green. Soyez inconstant. Soyez inconsistant.
En 2004, devenez star!