Fin d’année oblige, chacun tentera un bilan. De notre côté, à l’enseigne des débats culturels, c’est la fameuse crise du franglais et des écarts de langage qui a retenu notre attention. 2014 commençait en plein débat identitaire sur nos «valeurs communes». Elle fut marquée par une défaite historique du PQ, par l’élection de Mario Beaulieu à la tête d’un Bloc québécois en complète débandade et par la venue, en dernière instance, de PKP, un héros nouveau genre, sauveur de la dernière chance, nous dit-on. Dans cette mouvance où le mythe de la rédemption est joué à fond, évidemment, il a fallu débusquer des impies, des pécheurs et des âmes à sauver, sinon, à quoi bon? C’est ainsi qu’on s’est mis à gratter la parole des artistes pour y voir une profonde décadence, une vieille formule connue et usée à la corde.
Il faut quand même les voir, à chaque écart, à chaque mot croche, prophétiser la mort absolue de tout et la déchirure totale du tissu social. De la langue inventée des Dead Obies à la pseudo-parlure imaginée par Dolan en passant par les propos vulgaires de personnages de Série noire, tout est bon pour jeter l’anathème, pour fixer, aux créateurs, les limites qu’il ne faudrait pas franchir. Le monde s’écroule, entendez-vous?
Il y a, dans ce moralisme ambiant où s’abonnent quelques esprits apeurés, quelque chose qui rappelle des heures sombres. Mais non, pas du racisme. Pas du fascisme, non plus. Trop facile, trop évident. Ce qu’on entrevoit, c’est de la soutane qui se gargarise à l’eau bénite et de la pente glissante aspergée d’huile sainte. Si vous allez par là, ce sera la chute. Vous glisserez jusqu’en enfer. On va vous servir la même homélie que l’an dernier, et l’autre avant, à la même date. Et dans le pire des cas, ce sera des exorcismes.
Point culminant de l’année, Sugar Sammy vient en quelque sorte de jouer le rôle du trickster dans la mythologie identitaire. Stratégie publicitaire, certes, mais tellement ironique, utilisant comme matière première tout le prévisible des dévots qui parcourent toujours le même chemin en boucle en étant persuadés qu’ils trouveront un jour une sorte de délivrance, une apparition divine. En lieu et place, ils ont trouvé Carcajou, moqueur et déguisé, qui les connaît par cœur. Le vaillant héros déposant une plainte à l’OQLF est devenu une sorte de proie tombée dans le piège, le con, accomplissant en quelque sorte tous les mécanismes imaginés par le fripon. Avouez qu’elle est bonne, non? Quand même un peu. Mais oui, c’est politique, mais oui, c’est idéologique. Y a-t-il une forme d’idéologie qui n’est pas un tant soit peu publicitaire? Ce qu’on nous vend, ici, ce n’est pas le spectacle d’un humoriste, mais le guignol permanent des gentils et des méchants.
Il ne se trouve personne, dans tout ce cortège de pleureuses en deuil perpétuel, pour constater, au moins un peu, toute la richesse et la force de la parole contemporaine? Car c’est bien de culture dont il est question, non? Il serait peut-être bon de sortir du confessionnal où certains semblent avoir élu domicile pour regarder un peu sur le perron de l’église où se tiennent les profanes qui travaillent dans les champs.
Vous n’avez pas vu cette ribambelle d’artistes aux propositions fortes, des jeunes qui prennent de plus en plus position, solidement, clairement, fermement, et qui investissent le débat public avec sérieux? Vous n’avez pas lu les essais qui se multiplient signés par de jeunes intellectuels qui prennent aussi part à de nouveaux médias? Vous n’avez pas vu cette mobilisation qui commence à porter ses fruits? Nous mourrons, vraiment? Où ça?
De notre côté, nous avons plutôt l’impression d’assister à une sorte de renaissance. On peut être d’accord ou non, on peut aimer ou ne pas aimer telle ou telle position esthétique ou politique, mais nous devons bien constater qu’il se passe quelque chose de tout à fait positif et que la génération montante est bien loin de l’échec culturel et identitaire qu’on tente de peindre en noir sur tous les murs pour nous faire croire que la lumière est au bout du tunnel, derrière nous, et que nous nous enfonçons.
Pour ce bilan culturel de fin d’année, c’est cette tension que nous avons voulu souligner. Celle où des jeunes créateurs prennent la parole, quitte à ébranler les codes et les idées reçues, pour ouvrir les fenêtres et faire passer un peu d’air. Nous ne mourrons pas, nous en sommes persuadés. Au contraire.
Et puisque par tradition il convient de célébrer entre amis et en famille la naissance du sauveur que nous ont léguée les écritures anciennes, en toute sincérité, nous vous souhaitons un Merry Noël et un Joyeux Christmas.
Ne vous fâchez pas, surtout! Qui sait… ça pourrait être une forme de publicité!
« Ce qu’on entrevoit, c’est de la soutane qui se gargarise à l’eau bénite » Oui , moi aussi je vois la soutane , elle est de dos , c’ est un frère de l’instruction chrétienne qui face au tableau noir nous enseigne la langue sacrée , celle qui à défaut de nous assurer le paradis , nous donnera de quoi manger . Ce n’ est pas le latin , non , nous ne sommes pas au cours classique avec les sulpiciens ou les jésuites , nous sommes à l’école des pauvres .
Du coup , je revois le commis aux pièces de chez Volkwagen qui me dit , » non on a pas d’ essuie glace , ici on n’ essuie pas la glace , mais on a des » wipers » . Demande -le dans la langue sacrée et tu sera exaucé .
http://www.ledevoir.com/societe/ethique-et-religion/295980/les-debats-du-devoir-quand-montreal-etait-la-rome-du-nouveau-monde