Avant le débat des chefs, André Boisclair a dû se sentir comme ces pauvres astronautes d’Apollo 13 à qui un contrôleur de la NASA avait dit: "L’échec n’est pas une option!"
Les prochains sondages nous diront s’il aura réussi sa propre mission de mi-campagne: stopper l’hémorragie au Parti Québécois. Car à moins de 30 % dans les intentions de vote avant le débat, voilà bien où en est le chef du PQ.
Ayant vu leur chef "performer" plutôt bien au débat, c’est sûr que les péquistes qui ne demandaient qu’à espérer pouvoir éviter le désastre – voir le PQ relégué au rang de 3e parti – doivent respirer un peu mieux.
Devant le péril appréhendé, on peut s’attendre aussi à ce qu’un certain nombre de souverainistes se bouchent le nez, sans enthousiasme délirant, et votent pour le PQ. (M’est avis qu’avec Jean Charest, bien des libéraux s’astreindront aussi à la délicate discipline du "bouchage de nez" le jour du vote…)
LA MOINDRE DES CHOSES
Comment dire? Qu’André Boisclair fasse des efforts pour au moins sauver les meubles, c’est bien la moindre des choses. Mes humbles excuses à certains coeurs péquistes sensibles, mais si Boisclair doit aujourd’hui travailler à "ramener au bercail" ses brebis égarées et déçues, c’est que c’est sous sa gouverne qu’elles sont allées brouter ailleurs.
L’hémorragie qu’il tente de stopper, c’est son leadership problématique qui l’a provoquée. À son élection comme chef en novembre 2005, le PQ dominait nettement chez les francophones – un avantage qui s’est depuis effrité lentement, mais sûrement.
Aujourd’hui, selon les derniers sondages – on verra pour les prochains -, le PQ a non seulement chuté sous la barre des 30 %, mais il s’est retrouvé en début de campagne dans une lutte à trois. Et ce, doit-on le rappeler, malgré un taux élevé d’insatisfaction envers le gouvernement Charest, qui ne s’est pas démenti depuis quatre ans.
Bref, quand on a brisé un vase précieux, c’est la moindre des choses d’au moins tenter d’en recoller quelques morceaux.
Si le chef du PQ est entré dans cette campagne affaibli, c’est parce qu’il s’était entêté à suivre son fameux "plan de match": attendre l’élection pour exposer ses idées et sa plateforme. Si tant d’électeurs ont fini par croire qu’il était sans contenu, en voilà la raison. Si les Québécois connaissent si peu Boisclair, c’est qu’il les a trop fait languir avant de se dévoiler. Avant de demander une population en mariage, si l’on peut dire, il est préférable de la fréquenter, et d’échanger avec elle un peu plus assidûment avant de se pointer avec une bague de fiançailles…
Cette longue attente fait aussi que dès qu’il fait un bon coup, lance une belle attaque ou un bon mot – ce qui devrait aller de soi pour un chef qui aspire à gouverner un État et à le rendre indépendant -, les gens en sont surpris.
Et ces observations que l’on réserve habituellement plus à un élève qu’à un professeur: il "s’améliore", il "performe mieux qu’on le pensait", il est en "mode apprentissage", etc.: pas tout à fait ce qu’on dit d’un grand leader.
Et sur la question centrale de la souveraineté, lorsqu’il répète la formule obligée du "référendum le plus tôt possible", on cherche en vain la passion, l’émotion, le coffre – le vrai coffre, pas le coffre à outils!
Si les Québécois croyaient Boisclair sur la souveraineté, la campagne aurait été nettement plus polarisée sur cette question et Mario Dumont aurait eu plus de difficulté à se faufiler entre les deux.
Vous croyez que le constat est trop dur? Le jour même du débat, dans un cégep, Gilles Duceppe s’est fait demander à plusieurs reprises pourquoi il n’était pas le chef du PQ. Et d’un étudiant de poser LA question qui tue: si Boisclair était vraiment l’homme de la situation, comment expliquer la baisse des intentions de vote pour le PQ depuis son arrivée?
PAS LES GROS CHARS
À la décharge de Boisclair, il faut avouer que ses faiblesses sont un peu dans l’air du temps. Sans trop verser dans la nostalgie, et au-delà de la campagne, du débat des chefs ou de la couleur des cravates, il flotte l’impression généralisée d’un leadership faiblard. Au PQ et ailleurs.
Côté leadership, on ne peut pas dire que l’année 2007 aura été un grand cru. Comment alors s’étonner de cette possibilité d’un gouvernement minoritaire, quel qu’il soit?
Jusqu’à maintenant, le message des électeurs aux trois chefs est assez dévastateur: "Messieurs, aucun de vous ne mérite un gouvernement majoritaire!"
On verra le 26 mars si l’électorat le pense toujours.