Voix publique

Perdus dans l’espace

Attachez vos ceintures, avec la déconfiture du PQ, vous allez en entendre de toutes les couleurs. Comme quoi la panique n’est jamais bonne conseillère.

Premier exemple: Bernard Landry et Louis Bernard. Ne pouvant se contenir, chacun y est allé d’une proposition aussi farfelue que celle de l’autre. Perdus dans l’espace.

LE PEUREUX

Pour Landry, "si un référendum se fait, c’est parce qu’il sera pratiquement gagné d’avance"! Ça, c’est le mythe du "référendum gagnant". Car c’est bel et bien un mythe, voire une tromperie.

La certitude de gagner n’existe pas. Ni pour un camp, ni pour l’autre, avec ou sans tricherie. Faire croire qu’un jour, un chef du PQ trouverait la potion magique d’une victoire garantie, c’est prendre le monde pour des valises. Ou c’est se trouver un prétexte pour ne rien faire…

Faire croire une telle bêtise, c’est aussi manquer de respect envers les Québécois et leur liberté de réfléchir. C’est dire qu’une campagne référendaire, avec ses débats et confrontations, n’a AUCUN impact sur l’opinion publique, que celui qui part gagnant le restera jusqu’à la fin. De la bouillie pour les chats.

LE MARTYR DE L’INDÉPENDANCE

Puis vint Louis Bernard, l’ancien "mandarin". Et hop, dit-il, un vote pour le PQ doit être un vote pour l’indépendance, pas pour la gouvernance. Mais s’il gagne l’élection, il y aurait un référendum quand même. Et s’il le perd, just too bad, le gouvernement démissionne. Même Pierre Trudeau n’en aurait pas tant demandé…

Pour ceux qui, depuis 1996, n’en peuvent plus de voir les chefs du PQ préférer le pouvoir à leur option, l’idée est attirante. Mais dans les faits, c’est un projet kamikaze, une opération suicide qui ne rendrait heureux que ceux qui préféreraient finir "martyrs" de l’indépendance plutôt que de perdre un autre référendum.

Ne pas gouverner? C’est irresponsable. Le PQ va-t-il embaucher H&R Block pour faire sa job? Mais le plus choquant dans l’idée de Louis Bernard, c’est de faire croire que si le PQ gagnait un référendum, le Québec, tout en restant une province durant le processus, négocierait avec Ottawa "une accession ORDONNÉE à la souveraineté". L’homme a bien le droit de rêver en couleur dans son salon. Mais de là à faire avaler une telle couleuvre à ses concitoyens…

Si le Québec "négociait" comme province, Ottawa n’en ferait qu’une bouchée. Pas à cause de la grosse méchante Loi sur la clarté. Lucien Bouchard ne vous l’a jamais expliqué, préférant à l’époque se déchirer une énième chemise, mais elle n’est qu’une simple loi du Parlement fédéral. Elle n’a aucun pouvoir spécial. C’est un tigre de papier. Bref, comme disent les juristes, la Loi sur la clarté ne peut "contraindre" l’Assemblée nationale à faire quoi que ce soit.

Le vrai problème, c’est le fameux "renvoi de la Cour suprême sur la sécession du Québec". C’est vrai que les juges y disaient qu’Ottawa devrait négocier après un OUI. Mais attention! Ils ont aussi dit que le Québec le ferait comme province et que tout serait sur la table de négociation, incluant ses propres frontières. Bref, si le Québec obéit à ce renvoi, comme le veut aussi Louis Bernard, il mettra les pieds dans un véritable guet-apens.

CHOISIR

Pris de panique avec son 28 % à l’élection et son minuscule 22 % dans le dernier Léger Marketing, le PQ va se crêper le chignon en public, c’est certain. Mais le désastre guettant, il ne pourra plus échapper au vrai CHOIX qu’il refuse de faire depuis trop longtemps.

Le PQ doit choisir: ou il garde son référendum et devra, logiquement, accepter la possibilité de le perdre sans transformer la défaite en un remake d’Apocalypse Now!

Ou il revient à son programme original et tient une "élection référendaire": un vote pour le PQ = un vote pour l’indépendance, sans référendum. S’il forme un gouvernement majoritaire, le Québec sortirait alors du Canada comme il y est entré en 1867: par un vote de l’Assemblée nationale. C’est donc en tant que pays, et non comme province, qu’il négocierait la suite des choses.

LE TEMPS COURT

S’il ne choisit pas, le PQ n’ira nulle part, et vite. Car le temps court. Ce gouvernement minoritaire ne durera pas une éternité, le PQ est ruiné financièrement et ses appuis sont plus fragiles que jamais. La prochaine fois, on pourrait fort bien avoir un gouvernement adéquiste, une opposition officielle libérale et un mini-caucus péquiste au bord de l’insignifiance.

Si, en plus, Boisclair reste et s’entête à vouloir diluer le programme et virer le PQ à droite, il n’y aura même plus personne dans son parti pour faire la prochaine campagne de financement. Encore moins pour travailler à l’élection.

Le PQ ne peut plus se payer le luxe de continuer à flotter dans le Jell-o dans lequel il se vautre depuis dix ans, paralysé par son refus de choisir entre le risque d’un autre référendum et le retour à une élection référendaire.