Et voilà une autre histoire de hijab. Cette fois-ci, cinq jeunes filles, membres de l’équipe de taekwondo du Centre communautaire musulman de Montréal, n’ont pu participer à un tournoi parce qu’elles refusaient de retirer leur hijab, ce voile musulman.
La raison: le règlement international dit qu’un athlète ne peut rien porter sous son casque protecteur, que ce soit un bandeau, un hijab ou autre chose. Bon. Va pour l’histoire officielle. Mais règlement ou pas, le problème est ailleurs.
Si on lève le voile sur ce genre de situation – qui mijote ici dans la grande marmite des "accommodements raisonnables" -, ce qu’on y trouve est troublant. Très troublant.
Commençons par le plus évident. Lorsqu’on parle de hijab, on parle de femmes. Dans ce cas-ci, de jeunes filles de 8 à 12 ans. Des filles et des femmes. Pas d’hommes, pas de garçons. Dans ce tournoi, il y avait aussi dix garçons musulmans. Dix garçons qui s’habillent comme ils le veulent. Donc, pas de problème.
Bien des musulmans et des musulmanes questionnent le port du voile. Mais même s’ils ne le faisaient pas, il resterait qu’en Occident, en 2007, voir des femmes et des filles se cacher la tête, les cheveux, les oreilles et le cou, ça trouble. Ça trouble beaucoup.
VOUS AVEZ DIT "RACISTE"?
Mais ce n’est pas joli de le dire, paraît-il. Ça ferait "raciste", qu’on dit. Question de mieux culpabiliser ceux qui expriment leur inquiétude de voir des femmes devoir se voiler, quelle qu’en soit la raison.
Raciste, vous dites? Pourtant, on ne parle pas ici d’un attribut racial ou ethnique. On parle d’un symbole religieux et d’un symbole qu’on impose seulement aux femmes et aux filles. On parle aussi d’un symbole qui, dans le contexte actuel, s’inscrit ici et ailleurs, qu’on le veuille ou non, dans une montée de l’intégrisme religieux, qu’il soit musulman, chrétien ou juif.
Et toute montée de l’intégrisme religieux a ceci de particulier qu’elle se fait habituellement au détriment de la liberté des femmes.
Dans ce cas-ci, ce sont aussi des enfants. Tout comme ce jeune garçon sikh dont les parents sont allés jusqu’en Cour suprême pour que leur fils porte son kirpan à l’école, ces jeunes musulmanes sont sûrement habitées des meilleures intentions du monde. Mais ce sont des ENFANTS.
Et qui profite de leur entêtement à vouloir élargir la visibilité des symboles religieux dans la sphère publique? Ce sont les institutions religieuses elles-mêmes et leurs dirigeants. Bref, au Québec comme ailleurs en Occident, nous ne sommes pas ici en face d’un combat pour les droits individuels ou la liberté s’expression.
Nous sommes en face d’un combat politique qui profite à des groupes religieux cherchant à investir la société civile, parfois par tribunaux interposés, parfois à travers les médias, parfois en privé dans les coulisses du pouvoir, parfois à travers les trois. C’est une lutte pour convaincre l’opinion publique que d’accepter la multiplication du religieux dans les lieux de vie commune tiendrait de l’"ouverture", de la "tolérance", du "bon voisinage", que ça favoriserait même une meilleure "intégration"…
Bref, ces enfants, superbement bien intentionnés, sont, comme on dit en science politique, "instrumentalisés". L’innocence et la force de conviction si touchante d’un enfant ne sont-elles pas les plus beaux gages d’efficacité?
UNE QUESTION DE VALEURS
Une des jeunes musulmanes qui ont refusé de participer au tournoi sans leur hijab a mis le doigt sur le bobo. Mais pas celui qu’elle croyait. "Ça vient toucher nos VALEURS. Je me sens rejetée", a-t-elle dit.
Mais que faire si ces valeurs entrent justement en conflit avec les valeurs de la société civile dont ces groupes religieux font bel et bien partie?
Parmi ces valeurs, il y a cette tentative, tout au moins, de favoriser une plus grande égalité entre hommes et femmes.
Bien sûr, le débat est complexe. Et des compromis sont possibles dans toute société civilisée. Mais de faire porter le voile aux femmes est-il vraiment un compromis? Des musulmanes adultes disent que c’est leur choix, qu’elles font quand même de belles carrières, que ce sont les non-musulmanes qui sont opprimées par la mode et les cosmétiques. Etc.
Mais là n’est pas la question. La question est celle de la résurgence des intégrismes – le voile en est un instrument parmi d’autres – et celle de l’égalité des femmes.
On se souvient des religieuses voilées et couvertes de noir – ce qui, en effet, symbolisait le statut inférieur des femmes dans l’Église catholique. Deux choses toutefois: cet habillement "cache-femme" n’était pas imposé aux autres femmes catholiques. Et, un jour, elles se sont départies de leur voile et de leur cornette. Elles se sont adaptées à la société qui changeait.