Voix publique

La corbeille de la mariée

Commençons par l’incontournable. L’arrivée d’une femme à la tête d’un parti politique au Québec, quel qu’il soit, est une nouvelle formidable. Enfin, on vient de briser la "culture d’entreprise" des partis où le sommet était réservé aux hommes.

Mais rendons aussi à César ce qui revient à César. Jean Charest y a également contribué en s’assurant que les femmes occuperont une place importante dans les sociétés d’État et en formant son conseil des ministres d’autant de femmes que d’hommes. Souhaitons que les prochains gouvernements garderont le pli.

Passons maintenant à Pauline Marois. Lorsqu’elle a annoncé sa candidature à la chefferie du Parti québécois, elle a dit que si les militants la "choisissent", ses nouvelles orientations viendront avec elle, dans ce qu’elle appelle la "corbeille de la mariée".

Sans enlever aux qualités de Madame Marois, avec un couronnement imminent, notons que le "choix" est ici inexistant. Et c’est parce qu’il y a absence de choix, qu’il est d’autant plus important de jeter un bon coup d’oeil sur ce que contient cette fameuse corbeille de la mariée.

Madame Marois a le mérite d’être claire. Sa corbeille comprend au moins deux bouquets: la "modernisation de la social-démocratie" et la "rupture avec le piège d’une obligation référendaire". Ce sont ses mots.

Pour son premier bouquet, Madame Marois veut un "État plus efficace". Hormis que vous n’entendrez jamais un chef de parti souhaiter un "État moins efficace", la formule, on en conviendra, peut vouloir dire bien des choses.

Bien qu’elle en sera l’ultime arbitre, d’aucuns s’inquiéteront de savoir que François Legault et Joseph Facal ont planché sur cette "modernisation" de la social-démocratie. De bien bonnes personnes, mais qui sont néanmoins clairement identifiées à l’aile droite du PQ.

Un petit indice en est venu de Madame Marois. Parlant de familles, plutôt que d’offrir tel ou tel service, a-t-elle dit, on va réduire les impôts de certaines pour leur donner les moyens de faire des choix.

Réduire les impôts pour pallier un service public est pourtant une recette classique de la droite qui ne fonctionne pas. La raison en est simple: ça prive l’État de revenus importants pour ces mêmes services tout en retournant aux contribuables des sommes qui ne seront jamais suffisantes pour "se payer" un service équivalent.

Un exemple: même si on réduisait les impôts d’une famille de 2 000 $ -ce qui est déjà rêver en couleurs- ça ne lui donnerait que 38 $ par semaine tout en privant l’État des sommes nécessaires pour ouvrir de nouvelles places en CPE.

Mais attendons la plateforme de Madame Marois pour savoir si le diable se cachera, ou non, dans les détails.

LA PARENTHÈSE

Le deuxième bouquet de la corbeille de la mariée touche la souveraineté. "On va cesser de parler de l’échéancier et on va parler du pays", a dit Madame Marois. On pardonnera à ceux qui ont une bonne mémoire olfactive de trouver que ce bouquet dégage un parfum familier de "conditions gagnantes".

On sent, par contre, qu’il pourrait s’ajouter quelques nouvelles fleurs à ce bouquet, courtoisie de "Chez Mario", un fleuriste maintenant très en demande…

Madame Marois semble ouverte face à l’autonomisme de Mario Dumont. Elle dit vouloir appuyer toute revendication de pouvoirs pour le Québec à l’intérieur du Canada. Mais la vraie question est: ayant mis de côté le référendum, si elle prend un jour le pouvoir, empruntera-t-elle cette même voie, en attendant? Ce serait important de le savoir.

On peut être pour cette vision des choses ou on peut être contre, mais il est impossible d’en nier le sens réel: la souveraineté, comme objectif concret dont le PQ viserait la réalisation après sa prise du pouvoir, est mise entre parenthèses, comme à l’époque des conditions gagnantes.

Car on aura beau vouloir dissocier la réalisation de l’option du PQ du référendum – en opposant ce qu’on appelle maintenant les "référendistes" aux "souverainistes" -, il reste qu’elle ne pourra se réaliser sans le recours à un moyen précis, quel qu’il soit. En "parler" et "écouter" ne suffiront pas.

Quant à attendre maintenant que "le peuple envoie lui-même le signal" pour un référendum, comme on commence à le dire au PQ, on se demande bien comment le peuple s’y prendra du moment où ce parti n’en demanderait plus le mandat en campagne électorale?

Si, comme le dit Madame Marois, le PQ doit plutôt "parler du pays", il faudra aussi voir de quelle manière concrète elle entend le faire. Lorsqu’au Téléjournal, cette question importante lui a été posée, elle n’avait, pour le moment, aucune réponse.

À cette enseigne, comme à celle de la "modernisation" de la social-démocratie, sa plateforme sera sûrement plus concrète.

Quoi qu’il en soit, avec un couronnement, les dés sont jetés. Les péquistes ont, dans les faits, une nouvelle chef. Comme elle l’a dit avec clarté et détermination, elle arrive fin prête avec sa corbeille de mariée.

Seul l’avenir dira si le mariage aura été pour le meilleur ou pour le pire.