Ça s’était calmé. Mais voilà que ça recommence: tous les coups contre Mario Dumont sont permis, y compris, semble-t-il, de le faire passer pour un raciste.
Sous prétexte de parler d’"identité" – le nouveau thème à la mode depuis l’élection – on se lance de la boue au visage, sans trop réfléchir aux conséquences.
Ne sachant plus par quel angle attaquer le chef de l’ADQ, Jean Charest l’accuse maintenant de vouloir stopper l’immigration et d’avoir une vision "fermée" du Québec. Son ministre Benoît Pelletier y a ajouté son grain de sel, affirmant que Dumont pratiquerait un nationalisme "ethnique".
Quant à Pauline Marois, elle n’a pu se retenir elle aussi d’accuser Dumont de vouloir "stopper l’immigration". Et la nouvelle chef du PQ de se présenter sur cette question comme l’incarnation du "gros bon sens".
TRADUCTION: pour des raisons purement partisanes, sans le dire ouvertement, Charest et Marois laissent sous-entendre que l’ADQ et son chef auraient un petit, ou un gros fond xénophobe. Pourtant, s’il y a un parti qui devrait se tenir droit sur ce sujet, c’est bien le PQ, un parti qui s’est longtemps lui-même fait traiter à tort de xénophobe.
On aura beau souhaiter que tout ce beau monde respire par le nez, ça risque d’empirer. Avec le PLQ pris dans les limbes chez les francophones, et le PQ ne posant toujours aucune menace aux Libéraux, Dumont demeure l’homme à abattre. N’importe comment.
UN PETIT JEU DANGEREUX
Va pour l’évidence. Mais lorsque les chefs du PLQ et du PQ tombent dans ce que j’appelle le syndrome Le Pen – faire passer Dumont pour un intolérant en sous-entendant ceci ou cela -, ils jouent un petit jeu dangereux.
Qu’un candidat libéral à la dernière élection – Pierre Arcand – ait comparé Dumont à Jean-Marie Le Pen, le chef xénophobe du Front national en France, c’était déjà troublant. Mais que deux chefs de parti le laissent sous-entendre, les bras en tombent.
Il y a ici déjà suffisamment de petits lobbys politiques qui se font un plaisir à chercher des bibittes là où il n’y en a pas (voir Alliance Québec à une certaine époque ou B’Nai Brith, qui s’acharne depuis des semaines à discréditer la candidature de Jocelyn Coulon dans Outremont).
Il ne faudrait pas maintenant que des chefs de partis respectables commencent à patauger dans le même genre de démagogie. Monsieur Charest et madame Marois seraient sages à l’avenir de peser leurs mots.
La première raison pour ce faire tient de l’importance de la vérité. Sur la question de l’immigration et des "accommodements raisonnables", Dumont n’est quand même pas le Jean-Marie Le Pen de Rivière-du-Loup!
La seconde raison en est que plus Charest et Marois vont jouer à ce jeu, plus ils vont contribuer à faire dévier ce débat, à le vider de tout contenu minimalement intelligent et à alimenter cette fausse image du Québec où la xénophobie règne encore et toujours.
Ça crève pourtant les yeux: aucun chef de parti majeur au Québec ne souffre de xénophobie ni ne veut stopper l’immigration. Point à la ligne. Qu’on tente, pour gagner quelques votes, de faire croire que le troisième serait de la graine d’intolérance, c’est jouer un bien mauvais tour à la réputation du Québec. C’est aussi créer un climat malsain dans le débat démocratique. La modération dans les propos aurait bien meilleur goût.
RÉPARER LES POTS CASSÉS
Puisqu’ils semblent vouloir tant s’intéresser à la question "identitaire", les chefs du PLQ et du PQ pourraient reconnaître que leurs propres partis, chacun à son tour au pouvoir, auront présidé au recul des programmes de francisation des immigrants, à l’acceptation béate de l’affaiblissement continu de la loi 101 devant les tribunaux, au refus de se donner un système d’éducation véritablement public et laïque, etc. Qu’ils commencent par proposer des manières de réparer les pots qu’ils ont cassés.
En 1996, Lucien Bouchard s’est dit incapable de se "regarder dans le miroir" s’il devait renforcer la protection législative de la langue française – faisant passer la chose pour de l’"intolérance". Comment voulez-vous que le message de francisation soit clair pour les nouveaux arrivants s’il ne l’était même pas pour un premier ministre?
Les nouveaux arrivants peuvent apprivoiser l’identité québécoise de nombreuses manières, mais leur intégration passe avant tout par la francisation – à l’école pour les enfants, mais aussi au travail pour les 75 % d’immigrants qui arrivent ici déjà à l’âge adulte.
Que le Québec finisse un jour par obtenir la pleine responsabilité en immigration serait sûrement une bonne chose. Mais ce n’est pas demain la veille. Et ça ne changerait rien au fait que le maillon le plus faible de la loi 101 est justement son chapitre sur le français dans les milieux de travail.
La commission Bouchard-Taylor sur les accommodements dits raisonnables se penchera sûrement sur la question globale de l’identité.